Être ingénieur ou technicien de simulation en santé - Objectif Soins & Management n° 0296 du 14/12/2023 | Espace Infirmier
 

OBJECTIF SOINS n° 0296 du 14/12/2023

 

DOSSIER

Adrien Coulon   Cyril Podio   Germain Picq

Propos recueillis par Guillaume Decormeille

  

Infirmier, ingénieur simulation en santé, plateforme hospitalo-universitaire de simulation en santé SimBA-S, Collège des sciences de la santé, BordeauxInfirmier, responsable technique de simulation en santé, Institut toulousain de simulation en santé (ItSimS), Hôpital Purpan, ToulouseInfirmier, ingénieur simulation en santé, plateforme hospitalo-universitaire de simulation en santé SimBA-S, Collège des sciences de la santé, Bordeaux

Les techniciens ou ingénieurs de simulation sont le plus souvent des infirmiers en reconversion professionnelle, ayant de multiples expériences. Ils allient une passion pour la formation continue et une maîtrise de la technique, permettant de faciliter l’intégration des compétences du professionnel de santé par des actions de simulation ou la gestion des centres de simulation.

Qu’est-ce qu’un technicien/ingénieur de simulation ?

En France, c’est un professionnel, le plus souvent issu du monde de la santé, qui a une appétence pour la technique et la simulation. Il s’occupe de la maintenance des moyens du centre, de l’organisation et du bon fonctionnement de ceux-ci. Il intervient lors de pilotage de session, lors du briefing sur le matériel. Il peut aussi fabriquer des solutions pour améliorer l’existant (création de simulateurs procéduraux, de montage audio/vidéo…).

Qu'est-ce qui vous a motivé à devenir ingénieur de simulation en santé ?

Nous avons toujours été intéressés par le domaine de la santé car nous sommes des anciens infirmiers, de secteur plus ou moins technique. Nous sommes également intéressés par la technologie sous toutes ses formes (informatique, audio, vidéo…) : c'est peut-être notre côté « geek ». La simulation en santé est le domaine parfait qui combine ces deux passions. Ce qui nous anime, c’est d’enrichir les possibilités de simulation en étant un support pour l’équipe pédagogique. Nous sommes sollicités pour trouver des moyens de répondre aux besoins des formateurs. Cela nous permet d’exploiter notre créativité, notamment dans la création de consommables ou de simulateurs procéduraux. Ainsi, nous pouvons résoudre des problèmes techniques à moindre coût.

Ce métier est nouveau, mais il a toute sa place dans un centre de simulation, d’autant que ce dispositif est grandissant. Nos sollicitations en interne et parfois en externe augmentent de façon exponentielle.

Quelles sont les principales compétences requises pour exercer votre métier ?

Il faut avoir des compétences techniques diversifiées et bien connaître les différents dispositifs en matière de simulation. Il est primordial de comprendre l’intérêt pédagogique et/ou la thématique d’une séance, afin d’adapter au mieux le matériel, mais aussi maîtriser son usage pour pouvoir l’expliquer, savoir le programmer et le maintenir en bon état de fonctionnement. De ce point de vue, nous sommes un peu les « acteurs » de la physiologie de nos simulateurs. Dans certains centres, les techniciens sont aussi au pilotage des scénarios via l’interface numérique de pilotage du mannequin. Nous contrôlons, en temps réel ou par la programmation tous les paramètres vitaux, des simulateurs complets de patients lors des séances. 

Ce métier impose d’avoir des compétences en audiovisuel. La quasi-totalité de nos formations sont captées par un système audio-vidéo et ont besoin d'être retransmises dans une deuxième salle pour les autres participants, afin qu’ils puissent suivre en direct la séance de simulation. L’intérêt de visionner est d’être immergé mais surtout de pouvoir suivre le débriefing de l’ensemble du groupe et d'y participer.

Le technicien du centre se doit de maîtriser l’ensemble de son parc matériel et audiovisuel. Il doit pouvoir réaliser le briefing technique quand cela lui est proposé ou demandé. Ainsi, lors de cette étape d’une séance de simulation, il décrit toutes les fonctionnalités du mannequin mais aussi, il prévient les apprenants quant à d’éventuels risques afin de garantir leur sécurité lors de la réalisation de gestes, sans mettre à mal le matériel. Il doit être en mesure d’anticiper et d’organiser les besoins en fonction des différents environnements et besoins des formateurs.

Enfin, nous sommes garants, en collaboration avec le responsable pédagogique, du réalisme de la séance, afin que nos simulations soient engageantes pour nos participants. Pour cela nous devons faire preuve d’innovation et d’adaptation.

Pouvez-vous nous parler de vos projets innovants ?

Le centre SimBA-S du CHU de Bordeaux a été mis à l’honneur dernièrement, avec l’obtention du prix de l’innovation technologique lors du congrès de la Société francophone de simulation en santé (SoFraSimS) à Nice, en juin 2023, pour deux de ses projets. L’un concerne un simulateur de lecteur de glycémie et le second, une caméra portative à bas coût fonctionnant sur le réseau pour démocratiser la simulation embarquée à l'hôpital, dite in situ. Nous souhaitons pouvoir partager bientôt ces innovations lors de formations pour que d’autres centres de simulation puissent en bénéficier.

Il est intéressant que les techniciens/ingénieurs de simulation en santé soient formés à la création via différents outils comme l’impression 3D, certains langages de programmation informatique ou bien la micro-électronique, pour développer de nouveaux projets et rendre encore plus performants les moyens que nous possédons.

Nous travaillons également actuellement sur un simulateur de machine à gaz du sang pour permettre aux apprenants, durant les sessions, d’obtenir le résultat de cet examen en autonomie, comme ils le feraient dans leur service.

Quels sont les principaux défis du métier de technicien/ingénieur de simulation en santé ?

L’ingénieur/technicien doit s’adapter à l’évolution constante des technologies de simulation en réalisant une veille pour rester informé des nouveautés. En effet, les simulateurs se modernisent perpétuellement avec l’évolution des technologies. Le technicien doit pouvoir proposer des situations toujours plus réalistes et plus immersives en intégrant ces nouveautés. En maîtrisant l’évolution du matériel, il peut aider à opérer les choix stratégiques d’achats de celui-ci.

Il doit également s’organiser face aux nouvelles méthodes d’enseignement en simulation comme le distanciel, ou les nouveaux modes d’évaluation comme les examens cliniques objectifs et structurés (Ecos), par exemple.

Le métier d'ingénieur de simulation en santé est en pleine expansion en parallèle de l’évolution de la simulation en santé, à laquelle il est fait de plus en plus appel en formation initiale et continue.

Enfin, l’un de nos enjeux est de favoriser l’entraide et le partage entre les différents centres de simulation en santé, afin de maintenir l’intelligence collective des ingénieurs en simulation et des passionnés de notre métier. C’est ainsi qu’en mai 2023 a eu lieu la 6e Rencontre des techniciens francophones de simulation en santé, juste avant le congrès de la SoFraSimS, à Nice.

Quelles sont vos perspectives d'évolution dans ce métier ?

Ce nouveau métier, inscrit dans la fonction publique hospitalière, peut nous permettre différentes évolutions, que ce soit dans le domaine de la formation en développant davantage nos compétences en matière d’accompagnement des formateurs, ou dans celui de la technique : en maîtrisant de nouvelles compétences en programmation par exemple, ou en matière de nouvelles technologies pour la santé (notamment la réalité virtuelle ou augmentée).

Le mot de la fin ?

Le métier d'ingénieur de simulation en santé est un métier à part entière qui est en pleine expansion. Il est à la fois technique, pragmatique et relationnel. Les ingénieurs de simulation en santé sont des professionnels indispensables au succès et à la qualité des séances de simulation pour la formation des futurs professionnels de santé, afin de contribuer in fine à l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins dévolues au patient. C’est une préoccupation de chaque instant.