LA BONNE MÉTHODE - L'Infirmière Magazine n° 361 du 01/06/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 361 du 01/06/2015

 

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AVELINE MARQUES  

Humanitude, Montessori, Validation… Les méthodes sont en vogue en gériatrie. Pourquoi les appliquer ? Laquelle privilégier ? À quel prix ? Des questions posées lors des 1res Assises nationales des Ehpad, mi-avril à Paris.

Un choc culturel », « un autre regard », « une révolution philosophique ». Les trois équipes venues partager leur expérience aux Assises nationales des Ehpad ont chacune appliqué une méthode différente (voir encadré) dans leur établissement respectif. Mais toutes partagent la conviction d’être sur la bonne voie : celle de la bientraitance. « Quand je suis arrivée en 2009, il y avait de plus en plus de résidents dépendants, témoigne Corinne Godel, directrice de la maison de retraite publique Jules-Fossier, à Louvres (95). L’équipe avait des difficultés à surmonter les troubles du comportement ; les familles, qui n’arrivaient plus à entrer en contact avec leur proche, étaient en grande souffrance. » Cherchant du côté des approches non-médicamenteuses, la directrice s’est alors tournée vers la méthode Montessori adaptée. Formation des cadres, conférences à destination des familles et du personnel, l’Ehpad a pleinement investi la démarche, devenue le fil conducteur de son projet d’établissement. Son credo : aider les personnes âgées à « faire seules le plus longtemps possible, même celles atteintes de la maladie d’Alzheimer qui conservent des capacités préservées dans le champ de la mémoire procédurale », ajoute-t-elle.

Reconnaissance

« Toutes ces méthodes vont dans le sens d’une reconnaissance de la personne, alors qu’on nous demande tout le temps d’évaluer chez eux ce qui ne va plus », relève Corinne Corbel, cadre de santé aux Grands jardins, à Montauban-de-Bretagne (35). Depuis plus de dix ans, la résidence publique applique l’Humanitude et n’a « aucune intention d’en sortir ». « En 2004, cinq de nos résidents posaient un problème de comportement, notamment pendant la toilette – la porte d’entrée de l’Humanitude. Après avoir formé un groupe de soignants, au bout de quelques semaines, il n’y en avait plus qu’un », se rappelle Christian Bertin, son directeur. « En complèment des thérapies médicamenteuses, ces méthodes viennent accompagner la relation », estime de son côté Françoise Bosquet, directrice de l’Ehpad associatif La Maison des vergers, à Montreuil (93), qui a opté il y a deux ans pour la Validation. Cette méthode implique de garder le contact avec le résident, par les mains, le regard, l’écoute, l’échange. S’affranchissant de la technique, elle peut s’appliquer à tout moment, dès la consultation de pré-admission ou en accueil de jour.

Les soignants valorisés

Bienfaisantes pour les soignés, ces méthodes redonnent également du sens au travail soignant. « On traite une pathologie, on fait un soin et on finit par oublier qu’on s’occupe d’un résident ; là, il est replacé au centre et cela valorise les soignants », relève Corinne Corbel. Ces derniers sont incités à « réfléchir à ce qu’ils font, à remettre en cause les pratiques, ajoute Christian Bertin. Ce n’est pas toujours facile pour un directeur. Mais si on veut que le résident ait de l’autonomie, il faut donner du pouvoir aux soignants ».

Le coût de ces formations – plusieurs milliers d’euros – est contrebalancé par leurs effets positifs, selon l’équipe de la résidence des Grands jardins, qui a constaté une diminution de la grabatisation, du nombre d’hospitalisations et des médicaments. Reste le problème du turn-over du personnel, qui peut rendre vaine une formation. L’Ehpad Jules-Fossier a trouvé la parade : former des référents. Mais tous souhaitent que les méthodes soient enseignées aux IDE et AS dès la formation initiale. Pour cela, elles doivent d’abord faire leurs preuves. Les recherches en cours et à venir(1) devraient les y aider.

1- La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) devrait lancer cette année une étude sur l’Humanitude ; à l’Université Paris-Descartes, une chercheuse en neuropsychologie étudie l’impact sur l’empathie de la Validation.

Repères

→ Méthode Montessori : pédagogie développée au début du XXe siècle par le médecin et psychologue Maria Montessori en direction des enfants déficients mentaux, puis adaptée récemment à la prise en charge des personnes âgées souffrant de troubles cognitifs.

→ La Validation : développée en 1963 par la psychologue américaine Naomie Feil, elle a pour objectif principal de maintenir la communication avec les personnes âgées désorientées, tout en reconnaissant dans leur comportement leur besoin d’exister et d’être entendus.

→ L’Humanitude : philosophie de soin pensée en 1995 par Yves Gineste et Rosette Marescotti, anciens professeurs d’EPS. Elle est basée sur la manutention et le soin relationnels, afin d’accompagner les personnes âgées dans la tendresse et l’autonomie jusqu’à la fin de la vie.

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