RÔLE DU HCPP ET ADOPTION DES TEXTES RÉGLEMENTAIRES - Ma revue n° 014 du 01/11/2021 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 014 du 01/11/2021

 

JE ME FORME

JURIDIQUE

Laure Martin  

Le Haut Conseil des professions paramédicales, instance de réflexion, peut être sollicité pour l’examen des arrêtés, des décrets, des décrets enConseil d’État ou encore des ordonnances. Quel est le chemin parcouru par les textes ? Quelle est la force de ce Haut Conseil dans leur adoption ?

Ces derniers mois, de nombreux textes réglementaires, concernant notamment la profession infirmière, ont été examinés pour avis par le Haut Conseil des professions paramédicales (HCPP). Parmi eux, le projet d’arrêté relatif à la formation conduisant au diplôme d’État d’aide-soignant ou encore le projet de décret en Conseil d’État sur les Infirmières en pratique avancée (IPA) urgences.

Institué par un décret du 15 mai 2007, le Haut Conseil des professions paramédicales est une instance collégiale dans laquelle sont représentées toutes les professions paramédicales. Elle a une fonction de réflexion interprofessionnelle sur les sujets paramédicaux et les textes se rapportant aux métiers qui la composent, leurs conditions d’exercice et l’évolution des métiers. Le Code de la santé publique prévoit sa saisine par le ministère de la Santé pour tous les textes réglementaires qui concernent les compétences ou l’exercice au sens large d’une profession qu’elle représente.

L’ORDRE DU JOUR

C’est la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) qui procède formellement à l’organisation de la saisine du Haut Conseil des professions paramédicales, car elle assure son secrétariat. Mais les textes peuvent aussi bien émaner de la DGOS que de la Direction générale de la santé, du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation ou encore du ministère du Travail. Ainsi, la DGOS lance régulièrement un appel à ordre du jour auprès de tous les ministères qui ont des textes réglementaires à soumettre pour avis concernant une profession paramédicale, puis réceptionne les textes. Elle fixe également la date de la séance réunissant l’ensemble des membres du Haut Conseil des professions paramédicales. L’actualité juridique prévaut sur le nombre de séances annuelles. Au cours de chacune d’elles, tous les textes à l’ordre du jour sont examinés. Les membres du HCPP ont accès aux différents textes, via une plateforme, quinze jours avant la tenue de la séance, excepté en situation d’urgence. Dans ce cas, les textes sont envoyés huit jours avant.

L’AVIS CONSULTATIF

Au cours de la séance, chaque ministère ou direction porteur d’un texte le présente aux membres du Haut Conseil des professions paramédicales. Ces derniers ont ensuite la possibilité de prendre la parole pour en débattre, poser des questions ou encore proposer d’éventuels amendements visant à le modifier. À l’issue des explications, chacun des amendements est voté puis intégré au texte s’il a été ratifié. La version finale est également approuvée par un vote à main levée par l’ensemble des membres du Haut Conseil des professions paramédicales, donnant lieu à un avis favorable ou défavorable de cette instance. Un compte-rendu est aussi rédigé avec la retranscription de la position des différents membres de l’instance.

→ À noter : l’avis du Haut Conseil des professions paramédicales est obligatoire mais consultatif. Celui-ci n’étant pas contraint, l’administration n’est donc pas dans l’obligation d’en tenir compte.

LE CAS PARTICULIER DU DÉCRET EN CONSEIL D’ÉTAT

Après l’avis rendu par le HCPP et par toutes les autres instances consultatives sollicitées par l’administration, l’arrêté et le décret sont signés par les ministres concernés avant publication. Mais dans le cas d’une ordonnance ou d’un décret en Conseil d’État, la procédure est différente.

Avant de rendre son avis, le Conseil d’État exige de disposer du texte initial et de l’ensemble des avis rendus par les instances consultatives. Si le Haut Conseil des professions paramédicales est légitime pour se prononcer sur le fond du texte, le Conseil d’État est dans l’obligation, quant à lui, de se prononcer uniquement sur le droit et non sur l’opportunité d’une mesure. Il statue juridiquement, c’est-à-dire qu’il vérifie la conformité du texte aux règles juridiques applicables dans le droit français. Il s’assure ainsi que la loi est bien respectée et prodigue un conseil juridique sur le texte. Il est, dans la majorité des cas, amené à proposer un nouveau texte amendé. Dans ce cadre, deux choix s’offrent alors au gouvernement. Soit il approuve le texte du Conseil d’État et le publie en l’état, soit il considère que la version proposée ne lui convient pas et il décide de conserver le texte initial. Dans les faits, cette situation est exceptionnelle et la décision du gouvernement doit dès lors être justifiée.

Fonctionnement du Haut Conseil des professions paramédicales

C’est le Code de la santé publique (articles D 4381-1 à D 4381-5) qui définit le fonctionnement du Haut Conseil des professions paramédicales (HCPP). L’instance est composée de 39 titulaires et 76 suppléants, soit 115 personnes issues de syndicats professionnels représentatifs de la profession, de centrales syndicales ou encore de fédérations employeurs. C’est le ministre de la Santé qui désigne nommément, par arrêté, les titulaires et leur suppléant pour un mandat de trois ans, lequel commence et se termine pour tous à la même date. Il peut, bien entendu, y avoir des ajustements en cours de mandat, notamment lorsque les représentants changent de poste, par exemple lorsqu’un représentant syndical a quitté son syndicat. Les membres du HCPP représentant les professions paramédicales détiennent une voix délibérative lors du vote des textes réglementaires. Ce n’est pas le cas, en revanche, pour les Ordres siégeant au HCPP - même l’Ordre infirmier -, ainsi que des syndicats de médecins qui ne détiennent pas le pouvoir juridique de voter un texte. Leur voix n’est que consultative et non délibérative.

LES AUTRES MISSIONS

Le Code de la santé publique précise que le Haut Conseil des professions paramédicales a également pour mission de participer, en coordination avec la Haute Autorité de santé, à la diffusion des recommandations de bonne pratique et à la promotion de l’évaluation des pratiques des professions paramédicales.

Le HCPP et ses commissions peuvent aussi se saisir, de leur propre chef, de sujets de réflexion relevant de leurs missions, comme c’est le cas actuellement avec la révision du décret d’actes infirmiers.

Enfin, dans le cadre de sa sphère de compétences, il peut formuler de sa propre initiative des propositions au ministre de la Santé.

TÉMOIGNAGE

“Nous parvenons à faire bouger les lignes que trop rarement”

Pascale Lejeune, secrétaire générale de la Fédération nationale des infirmiers, membre du HCPP depuis un an.

« Le HCPP n’est qu’une instance de réflexion avec une voix consultative. Nous l’avons encore vu récemment avec le projet de décret en Conseil d’État IPA urgences auquel nous avons donné un avis défavorable mais qui est tout de même examiné par l’instance. Nous déplorons d’ailleurs que les textes qui nous sont présentés soient élaborés sans qu’il n’y ait eu, en amont, de concertation avec les organisations syndicales. D’un point de vue organisationnel, nous sommes informés par la DGOS peu de temps en avance de l’organisation des séances. De ce fait, je n’arrive à siéger qu’une fois sur deux en moyenne. Nous recevons les textes huit à quinze jours avant la séance, ce qui, en raison de nos agendas chargés, nous laisse peu de temps pour les examiner. Mais nous parvenons tout de même à les lire afin de voir si nous sommes d’accord ou non avec le contenu. Et nous cherchons toujours à échanger avec certains membres du HCPP, notamment les syndicats avec lesquels nous partageons des positions communes, pour décider ensemble si nous portons des amendements et quel avis nous donnons au texte. Mais nous parvenons à faire bouger les lignes que trop rarement. Ce fut récemment le cas dans le cadre du projet d’arrêté relatif à la formation conduisant au diplôme d’État d’aide-soignant. Nous craignions vraiment que le gouvernement acte la possibilité pour cette profession d’exercer en libéral. Dans le texte, il était initialement écrit que les aides-soignantes pourraient réaliser de leur propre initiative des actes de soins courants de la vie quotidienne des patients. Nous avons fait adopter un amendement confirmant cette possibilité, mais uniquement à la demande des infirmières. Nous avons introduit la notion de délégation dans le texte et avons été entendus. »