UN PROGRAMME ONCOLOGIQUE REDONNE L’ESPOIR - L'Infirmière Magazine n° 303 du 15/06/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 303 du 15/06/2012

 

Haïti

ACTUALITÉ

Les patients de la région de Cange, en Haïti, bénéficient d’un programme qui leur est dispensé gratuitement. En un an, près de 145 cas de cancer ont pu être pris en charge.

C’est intéressant, j’acquiers de nouvelles compétences, et l’on soigne des gens, commente simplement Yolande Nazaire, infirmière haïtienne, qui vient d’être affectée au programme d’oncologie de l’hôpital de Cange, dans le plateau central, en Haïti. Même si c’est un peu dangereux de manipuler les substances de chimio et qu’on n’a pas tous les moyens pour se protéger. » Le programme a été mis sur pied en février 2011 par l’ONG haïtienne Zanmi Lasanté(1), qui gère l’établissement. C’est l’un des rares, dans les pays du Sud, qui permette de proposer des examens et des soins oncologiques gratuits pour tous.

Soutien financier

Les premières consultations médicales ont été organisées à partir de juin par le Dr Ruth Damuse, également haïtienne. Elle n’est pas oncologue, mais elle bénéficie d’une formation en médecine interne et en immunologie, complétée par des stages réguliers aux États-Unis et au Canada. Au mois d’octobre, l’hôpital a, ainsi, pu débuter les séances de chimiothérapie, grâce au support financier des fondations Avon et Lance Armstrong et au soutien médical du Dana Farber Cancer Institute, à Boston. Tous les protocoles de soins – mastectomie et traitements médicaux, la radiothérapie n’étant pas disponible – sont élaborés en concertation avec ses spécialistes ; les examens de tissus les plus complexes sont également réalisés aux États-Unis. « Au début, nous préparions nous-mêmes les chimiothérapies, avec les infirmières de médecine interne », explique Ruth Damuse. Mais, le besoin d’une infirmière dédiée au programme s’est fait sentir. C’est donc Yolande Nazaire qui s’est proposée. Pour l’instant, elle gère uniquement les soins. Dès que son affectation lui aura été notifiée, elle participera aux consultations, aux formations des personnels de santé communautaires, et effectuera des visites à domicile.

Dans la salle de médecine interne, où deux lits sont réservés aux séances de chimiothérapie, trois jours par semaine, Yolande bénéficie de l’expérience d’une infirmière spécialisée de la Mayo Clinic, dans le Minnesota : Jennie Stoop sera présente à ses côtés pendant les douze prochains mois pour former la jeune soignante. « Il manque beaucoup de choses par rapport à l’exercice auquel je suis habituée, avoue cette dernière. Aux États-Unis, nous avons une salle spécifique pour le soin, les traitements sont préparés par les pharmaciens, alors qu’ici, ce sont les infirmières qui s’en occupent. Et puis, l’on manque de matériel. Nous faisons au mieux avec ce que nous avons, parce que la seule alternative pour les patients, c’est pas de traitement du tout. »

Un renfort bienvenu

En décembre, l’équipe a également reçu le renfort d’une spécialiste des soins palliatifs, le Dr Marie-Hélène Lindor, de l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. Après avoir dispensé une formation théorique sur la douleur, le médecin canadien a proposé une demi-journée de consultations en binôme. « Même si certains patients sont condamnés, nous devons améliorer la qualité de leur fin de vie », affirme Ruth Damuse. Chaque jour, elle voit défiler des patientes dont la mastectomie n’a pas cicatrisé, jusqu’à deux ans après l’intervention. Les hommes sont plus rares, comme ce grand-père que la douleur due à un cancer métastasé du foie et du pancréas amène au bord des larmes. « Nous n’avons certes pas beaucoup de moyens, mais nous pouvons prendre en charge la douleur, voire prolonger leur durée de vie », poursuit Ruth Damuse. Une option non négligeable pour les nombreuses jeunes femmes qui viennent consulter. Les cancers du sein représentent, en effet, l’écrasante majorité des tumeurs diagnostiquées : en un an, plus d’une centaine ont été révélées dans le cadre de la clinique du sein, le mercredi. Onze leucémies myéloïdes chroniques et 35 autres cancers (ovariens, cervicaux, lymphomes, sarcomes, tumeurs gastriques) sont également pris en charge. Beaucoup, malheureusement, sont détectés à un stade très avancé.

1– L’ONG haïtienne travaille en partenariat avec l’ONG internationale Partners in Health (www.pih.org).