LENTEMENT, MAIS SÛREMENT - L'Infirmière Magazine n° 303 du 15/06/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 303 du 15/06/2012

 

COOPÉRATIONS

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

Si la tendance se confirme depuis une dizaine d’années, les différences d’approche des collaborations professionnelles persistent entre pays.

En Suisse, au Québec et en France, le constat est le même : changements technologiques et scientifiques, développement des maladies chroniques, vieillissement de la population, pénurie de médecins et d’infirmières. « Les professionnels n’avaient pas d’autre choix que de travailler ensemble », a affirmé Yves Robert, président de la Fédération des ordres des médecins du Canada, lors du 5e Congrès du Sidiief(1), qui s’est tenu à Genève du 20 au 24 mai dernier, où la question des nouvelles collaborations professionnelles a été largement débattue.

Au Québec, qui semble en avance, les programmes de vaccination ont été confiés aux infirmières dès la fin des années 1990. Les soignantes ont également des responsabilités élargies dans les 232 groupes de médecine de famille (GMF) que compte la province. Ces GMF sont composés de six à dix médecins travaillant en étroite collaboration avec deux ou trois infirmières cliniciennes et praticiennes, pour des soins de première ligne. Mais, ce sont surtout les ordonnances collectives, rédigées par des médecins, valables pour une communauté et non pour des patients prédéfinis, qui constituent le dispositif le plus abouti. Elles peuvent être appliquées par l’infirmière, pour la contraception hormonale, par exemple ; la soignante utilise cette ordonnance – avec indications, contre-indications et liste de médicaments – pour recommander les contraceptifs adaptés pour chaque femme. Seule condition  : le patient doit revoir un des médecins signataires dans les six mois qui suivent le début du traitement.

Apprendre ensemble

En Afrique aussi, l’idée des collaborations professionnelles fait son chemin, a, par ailleurs, rapporté Odette Mwamba-Banza, directrice des soins de la clinique Ngaliema, à Kinshasa (République démocratique du Congo), même si l’histoire coloniale et les traditions pèsent sur la répartition des rôles et que la situation n’est pas comparable dans tous les pays du continent.

Mais, pour travailler ensemble, il faut apprendre ensemble : c’est la conviction de Hélène Brioschi, directrice de soins au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), et de Pierre-André Michaud, vice-doyen de la faculté de médecine de Lausanne. Le contexte local est, en effet, propice. D’une part, une étroite collaboration existe déjà entre la faculté de médecine et de biologie et l’Institut universitaire de formation et recherche en soins (IUFRS) ; et, d’autre part, précise Hélène Brioschi, « avec plus de 8 000 collaborateurs, 102 métiers différents et 92 nationalités au CHUV, il est tout à fait naturel que cette diversité culturelle conduise à l’interprofessionnalité ». C’est ainsi que 400 étudiants sages-femmes, infirmiers, médecins, physiothérapeutes et techniciens en radiologie médicale se sont déjà réunis autour de situations cliniques étudiées en groupes de travail d’une dizaine d’étudiants, selon le principe déjà expérimenté avec succès au Québec : apprendre avec les autres, grâce aux autres, à propos des autres.

1– Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone.

MÉTIERS INTERMÉDIAIRES

Un « glissement des tâches » ?

En France, ce sont les rapports Berland de 2003 et 2011 qui abordent ces « nouveaux métiers intermédiaires ».

→ Ruth Akatcherian, doyenne honoraire de la faculté des sciences infirmières de l’université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban), regrette l’utilisation du terme « paramédical », qui qualifie la profession infirmière en France. « Il y a une contradiction fondamentale : comment collaborer quand on est « para » ? », s’interroge-t-elle.

→ Philippe Tisserand, président de la Fédération nationale des infirmiers, déplore également que l’article 51 de la loi HPST substitue à la notion de compétence une vague notion d’expérience, attestée par un autre professionnel de santé. « Nous sommes bien dans une notion de glissement de tâches et jamais de valorisation des compétences infirmières », dénonce-t-il.