Vaccination anti-Covid : obligatoire ou non pour les soignants ? - Objectif Soins & Management n° 280 du 01/04/2021 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 280 du 01/04/2021

 

Actualités

Anne-Lise Favier  

Prévention

La question agite les discussions entre soignants et ne fait pas l'unanimité. Faut-il rendre le vaccin contre la Covid-19 obligatoire ? Pour certains, il s'agit d'une évidence, tandis que d'autres brandissent leur scepticisme face à des vaccins récents. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, les a exhorté début mars à se faire vacciner rapidement, pour eux, pour leur entourage et pour la sécurité collective.

Depuis qu'il a été question de vaccins contre la Covid-19, le débat n'a jamais cessé : faut-il rendre ce vaccin obligatoire chez ceux qui sont en première ligne dans la lutte contre le virus, les soignants ? Parmi les premiers vaccinés du monde de la santé, la question ne se pose pas : « est-ce que les soignants doivent se faire vacciner ? Ma réponse, sans ambiguïté, ni hésitation, est oui pour deux raisons. D'abord ça les protège et ensuite la vaccination protège beaucoup contre la contamination, donc ils protègent aussi leurs patients. C'est un devoir moral pour eux et un devoir professionnel » a témoigné le Pr Axel Kahn lors d'un plaidoyer pour la vaccination sur France Culture. Pour autant, le généticien, président de la Ligue contre le cancer, n'est pas favorable à une obligation vaccinale : « je ne suis pas sûr qu'obliger la vaccination soit efficace ». De son côté, le Pr François Chast, pharmacien à l'AP-HP, s'est alerté dans une lettre à ses collègues de l'absence d'obligation face au « scandale » que constitue la Covid nosocomiale : « l'obligation vaccinale est quelque chose de bien connu des soignants ; il faudrait que la vaccination contre la Covid soit une obligation pour les personnels médicaux et non médicaux, y compris les administratifs, parce qu'ils fréquentent les soignants. L'hôpital doit sanctuariser la sécurité des soins avec le vaccin ».

Lorsque l'on parle d'obligation vaccinale, il faut rappeler que ce n'est pas entièrement nouveau : elle existe déjà pour les soignants avec certains vaccins, comme le DTP (également obligatoire en population générale) et l'hépatite. Chaque année la question se pose pour la vaccination anti-grippe – qui a d'ailleurs connu un grand succès cet hiver. Le débat n'est donc ni récent, ni réglé. Ce qui est différent, c'est bien entendu le contexte et le type de vaccins : en pleine pandémie, alors qu'on dispose de vaccins face à une situation critique, pourquoi ne pas les utiliser pour protéger ceux qui sont les plus exposés, et donc les soignants ? Soit, répondent-ils. Mais que cela soit égalitaire : « j'ai l'impression que l'on a proposé les vaccins à ARN aux médecins, et que le vaccin Astra Zeneca est moins efficace, plus à risques et qu'on veut nous le soumettre », argumente une aide-soignante qui préfère rester anonyme. C'est d'ailleurs parmi cette population soignante que la réticence est la plus forte : d'après une étude du Groupe d'études sur le risque d'exposition des soignants au risque infectieux (GERES) réalisée fin décembre, entre 30,5 % des aides-soignantes étaient favorables à la vaccination, là où les infirmières étaient 47,1 % et 82,4 % pour les médecins.

Responsabiliser plutôt qu'obliger

Fin mars, d'après les données Géodes de Santé Publique France, 364 437 professionnels avaient reçu deux doses de vaccin et étaient donc considérés comme vaccinés (soit environ un tiers de l'effectif public/privé confondu), plus du double avaient reçu au moins une dose (736 845) ; à l'AP-HP, qui tient aussi des comptes, fin mars, 61 % des personnels soignants avaient reçu au moins une dose (soit un total de 43 564) et 18 766 étaient vaccinés (deux doses).

Face à ces réticences, le ministre de la Santé avait exhorté début mars les soignants à se faire vacciner : « il en va de la sécurité collective et de la capacité de notre système de santé à tenir ». Il avait même envisagé une saisine du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) qui a publié récemment un premier avis sur cette question : « En France, on constate malheureusement un trop faible niveau de vaccination chez les personnels de santé et du secteur médico-social, avec des niveaux d'adhésion différents selon les professions à l'égard de la vaccination. Cette situation conduit à l'observation de plusieurs événements d'infections nosocomiales à l'intérieur des établissements de santé ou accueillant des personnes fragilisées en raison de leur âge ou de leur handicap ». Face à cette situation, le CCNE et la Conférence nationale des espaces de réflexion éthique régionaux (CNERER) viennent de rappeler que le choix vaccinal libre « devrait apporter à chaque soignant la sérénité nécessaire à la poursuite d'un travail essentiel et remarquable ». Une façon de responsabiliser tous les professionnels de santé, en première ligne, face à une pandémie qui est loin d'être terminée. Quant au choix des vaccins, certains en appellent à une logique d'exposition, à l'image de Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des personnels infirmiers, qui réfute un problème face à la vaccination, mais face au type de vaccin : « Astra Zeneca est un vaccin correct pour l'ensemble de la population générale, mais par contre, pour une population aussi exposée que les soignants, il est moins efficace que ceux à ARN ». Le débat est donc loin d'être clos, mais l'adhésion aux vaccins augmente : reste maintenant à savoir si la fabrication va suivre pour permettre une couverture la plus large possible.