Bleuenn Laot : « le maintien de la continuité pédagogique en IFSI et l'accueil en stages sont essentiels » - Objectif Soins & Management n° 278 du 01/12/2020 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 278 du 01/12/2020

 

Actualités

Claire Pourprix  

Portrait

Diplômée en juillet 2020 de l'IFSI de Brest, Bleuenn Laot a été élue présidente de la Fédération nationale des étudiant.e.s en soins infirmiers (FNESI) en octobre dernier. En pleine crise de la Covid, elle se bat pour défendre la formation des étudiants et leurs droits.

V ice-présidente de la FNESI en charge de la formation et de la défense des droits l'an dernier, Bleuenn Laot a récemment pris une année de césure pour remplir ses nouvelles fonctions de présidente de la FNESI. « Je devais rejoindre un master en pratique avancée à Marseille mais cette fonction m'occupe à plein temps. Ce n'est que partie remise pour l'année prochaine, à l'issue de son mandat. À 22 ans, je souhaite poursuivre mes études au-delà du grade de licence et j'ai très envie de participer à l'émergence de la nouvelle profession d'IPA. C'est une belle aventure de faire partie des premiers ! »

Pour l'heure, Bleuenn Laot a une pile de dossiers urgents sur son bureau. Car la crise de la Covid a mis un coup de projecteur tout particulier sur les revendications des étudiants en soins infirmiers. Dès le mois de mars 2020, la FNESI a appelé par solidarité les étudiants à mettre leurs compétences et connaissances au service de la population et des patients touchés par le virus. Les établissements d'accueil en stage, les IFSI et les universités ont été fortement mobilisés par la première et la deuxième vague, à tel point que les étudiants ont été très impactés par la crise. « On déplore la discontinuité pédagogique, l'insécurité au travail pendant les stages, le sentiment d'abandon, le manque de considération et de reconnaissance », souligne Bleuenn Laot.

Un Ségur en trompe l'œil

En mai dernier, la FNESI a communiqué les résultats de son enquête « Crise du COVID-19 : pas de retour à la ``normale'' ! », à laquelle 15 000 étudiants ont pris part, sur un total de 96 000. « Cette enquête a permis d'asseoir nos revendications, que nous avons portées lors du Ségur de la santé. Nous sommes ravis d'avoir pu y participer, mais cela n'a pas donné grand-chose... » De fait, la FNESI, s'estimant désavouée, n'a pas signé les accords du Ségur. « Nous demandons une indemnité de stage de 3,90 euros par heure, comme cela se pratique dans l'enseignement supérieur, contre 0,80 à 1,40 euro actuellement. Le Ségur nous a proposé une augmentation de 20 centimes... nous avons préféré refuser ! Les étudiants ont été mobilisés à plus de 85 % pour la Covid, nous aurions aimé être pris un peu plus en considération », regrette Bleuenn Laot.

Autres sujets de griefs : la présidente se dit sans nouvelles des groupes de travail qui auraient dû se mettre en place mi-juillet, pour avancer sur des sujets importants tels que la réflexion sur la profession intermédiaire entre l'infirmier et le médecin évoquée par le Ségur, les nouvelles mentions IPA ou encore l'encadrement en stage. Sur ce dernier point, la FNESI demande une rémunération des tuteurs, leur formation et la mise en place d'une plateforme d'évaluation nationale des stages. « Trop souvent, les soignants et les cadres n'ont pas les moyens humains, financiers et en équipement pour encadrer correctement les étudiants. C'est frustrant pour eux, car ils ne peuvent pas nous former correctement, et cela nous met en colère car nous avons le sentiment d'être toujours les oubliés, explique Bleuenn Laot. Je suis très fière d'être infirmière, c'est un choix, mais je n'ai pas envie que cela soit considéré comme un métier de vocation. Nous avons besoin de moyens pour exercer et de reconnaissance. »

La question du droit de vote des étudiants en soins infirmiers à l'université a été actée. « 20 ans après l'obtention du droit de vote aux CROUS et 11 ans après le début du processus d'intégration universitaire des étudiants en santé », souligne la FNESI dans un communiqué de presse daté du 21 octobre. Ce droit de vote constitue aux yeux de la Fédération une avancée majeure : « d'une part avec la possibilité d'être représenté dans les instances de l'université, et d'autre part avec l'intégration progressive de la formation à l'université ».

En revanche, la question de l'achat et de l'entretien des tenues vestimentaires n'est pas officialisée. Les deux ministres de tutelle (Santé et Enseignement supérieur) ont bien signé un accord pour que leur prise en charge ne revienne plus aux étudiants infirmiers – comme c'est le cas pour les étudiants en médecine – mais rien n'a encore paru au Journal Officiel.

« Nous ne sommes pas des super aides-soignants »

« Le contexte est très compliqué, reconnait Bleuenn Laot. Car avec la 2e vague, nous sommes tous mobilisés pour apporter notre aide. Mais il faut faire attention à ce que nous ne soyons pas considérés comme des super aides-soignants : nous devons veiller à notre formation dans les bonnes conditions, à maintenir la continuité pédagogique, sans abandon des stages. Les étudiants en soins infirmiers sont les professionnels de demain ! Les ARS ont en charge d'organiser nos temps de stage, le pouvoir d'interrompre notre formation. Par exemple, elles peuvent instituer un stage d'un an au lieu de plusieurs stages différents, ce qui va à l'encontre de la diversité de notre apprentissage et fait la force de notre formation. »

Les étudiants craignent pour la reconnaissance de la valeur de leur formation. Au vu de la pénurie d'infirmiers sur le terrain, il fait peu de doute que leur formation sera validée. Mais auront-ils les connaissances et la pratique nécessaires pour soigner correctement les patients ? Pour maintenir la pression sur les instances de décision et affirmer que les étudiants ne veulent pas d'une formation au rabais, la FNESI a lancé une campagne de communication. Une vidéo signée #JeSoigneraiDemain a été vue près de 70 000 fois sur Instagram : un succès.

Que faire de plus ? En cette période troublée, Bleuenn Laot se refuse à imaginer une grève massive des étudiants ou des manifestations. Et préfère la voie de la co-construction de projets, associant les étudiants en soins infirmiers et d'autres fédérations en santé qui « sont dans la même galère ».