Le LEEM monte au créneau et souhaite restaurer une autonomie - Objectif Soins & Management n° 278 du 01/12/2020 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 278 du 01/12/2020

 

Actualités

Anne Lise Favier  

Ruptures médicamenteuses

Les pénuries de médicaments font régulièrement la Une des journaux en pointant les pertes de chance pour les patients. Régulièrement visées, les entreprises du médicament (Leem) démêlent le vrai du faux et proposent des solutions pour un retour à plus d'autonomie.

« La prolifération de campagnes de désinformation sur les tensions d'approvisionnement de médicaments en France est particulièrement anxiogène pour les patients », déplore le Leem qui tient à rappeler que bien avant la crise sanitaire, il s'engageait auprès des pouvoirs publics dans le déploiement d'une feuille de route 2019-2022 pour lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France. « Non, il n'y a pas d'explosion des ruptures d'approvisionnement », s'insurge le Leem, qui explique que depuis 2016, un signalement plus précoce des situations à risques auprès de l'ANSM gonfle artificiellement les statistiques par rapport à la période antérieure. Si le Leem reconnaît être en partie responsable des tensions et ruptures d'approvisionnement toutefois existantes, il indique qu'il s'agit d'un « phénomène multifactoriel dans lequel les entreprises portent une responsabilité partagée avec l'ensemble des acteurs de la chaine du médicament » : la réponse doit alors être collective. Il assure qu'il ne délaisse pas la production des médicaments les plus anciens au profit des nouveaux plus chers, ce qui conduirait à des ruptures : « cette affirmation témoigne d'une méconnaissance manifeste de la réalité de notre secteur, les entreprises qui fabriquent des médicaments anciens ne sont pas les mêmes que celles qui innovent ». Concernant les stocks, le PLFSS 2020 a instauré trois nouvelles obligations à charge des entreprises du médicament : l'une concernant l'élaboration d'un stock de sécurité de quatre mois, l'autre sur l'élaboration et la mise en œuvre d'un plan de gestion des pénuries pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) et enfin une dernière sur l'obligation d'importation à la charge d'une entreprise défaillante. Malgré ces mesures instaurées par le PLFSS, la constitution systématique de stocks de sécurité de quatre mois ne serait pas de nature à stopper les tensions d'approvisionnement car « irréaliste sur le plan industriel compte tenu du nombre de spécialités concernées et des normes de qualité associées à la gestion des stocks », sans compter le fait que la France dépend à près de 80 % de l'étranger pour les MITM. Cette constitution ne serait d'ailleurs pas compatible avec la réglementation européenne car elle risquerait « d'entrainer une surenchère délétère dans laquelle chaque pays tenterait de sécuriser un haut niveau de stocks ».

Retrouver compétitivité et attractivité

Quelles solutions, alors, pour retrouver une autonomie stratégique et relancer le tandem attractivité/compétitivité de la production des médicaments en France ? Il faut se rappeler que de 1995 à 2008, la France était la première puissance européenne en terme de production de médicaments ; elle est aujourd'hui quatrième, derrière la Suisse, l'Allemagne et l'Italie avec 21 milliards d'euros produits, talonnée par l'Irlande et le Royaume-Uni. Aujourd'hui, elle ne produit que 22 % des médicaments remboursés, 50 % des médicaments non remboursés et seulement 27 % des vaccins et 17 % des principaux médicaments à l'hôpital. Sa production porte essentiellement sur des médicaments matures, principalement sous forme sèche (comprimés standards, enrobés ou pelliculés) et son outil de production est en sous capacité sur les lyophilisats, les sticks liquides et surtout les formes BFS qui sont celles dans lesquelles les solutions injectables, les antibiotiques, les perfusions, les solutions pour dialyse ou drainage sont conditionnées. Pour retrouver une autonomie, le Leem s'est réuni pour proposer un plan selon trois volets : investir, sécuriser l'approvisionnement et surtout accélérer la bio-production. Pour cela, il appelle de ses vœux une adaptation de la fiscalité destinée à renforcer la production ou la relocaliser tout en introduisant, par exemple, une clause de critère d'origine sur les appels d'offres hospitaliers et en mettant en place un marquage d'origine sur les conditionnements. Concernant la compétitivité, le Leem insiste sur la nécessité de se positionner sur la filière des thérapies innovantes, une position appuyée depuis 2018 par le Comité stratégique des filières des industries et technologies de santé. Il faut pour cela mettre en place une réflexion pour adapter la réglementation des biothérapies au regard des innovations de demain et allouer un crédit-impôt recherche pour favoriser le développement industriel. La complexité du marché du médicament nécessite dans un premier temps une remise à plat complète, via un audit, des capacités de la France à produire des principes actifs et des produits finis.