IPA, un métier qui se structure - Objectif Soins & Management n° 278 du 01/12/2020 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 278 du 01/12/2020

 

Actualités

Claire Pourprix  

Représentativité

CNP IPA, ANFIPA, UNIPA, SOFRIPA, AFIPAG, IPAssociation... bien que la profession d'infirmier en pratique avancée ne compte encore que quelque 300 membres, elle dispose de nombreuses instances représentatives. Vu de l'extérieur, cela peut sembler un brun excessif et manquer d'unité. Les IPA nous éclairent sur le bien-fondé de ces organisations complémentaires.

Il y a tout d'abord l'ANFIPA. Initialement, il s'agit un groupe de travail sur la pratique avancée, le GIC REPASI, développé au sein de l'ANFIIDE (Association nationale française des infirmières et infirmiers diplômés et des étudiants), qui s'est mué en Association nationale des infirmier.e.s en pratique avancée en 2019. L'UNIPA, Union nationale des infirmiers en pratique avancée, est quant à lui le premier syndicat spécifique aux IPA et aux étudiants en pratique avancée, chargé de défendre leurs droits et de faire entendre des revendications au regard de l'évolution du métier. La SOFRIPA (Société française de recherche des infirmiers en pratique avancée) est une société savante visant à produire, évaluer et diffuser la recherche dans le champ de l'IPA. Enfin, dernier-né de ce début 2020 : le Conseil national des infirmières en pratique avancée. Constitué de trois membres fondateurs – ANFIPA, UNIPA et SOFRIPA -, le CNP IPA vise à permettre aux IPA d'être consultés et représentés dans le cadre des travaux engagés concernant la pratique avancée. Le CNP est un acteur institutionnel, reconnu par décret, au même titre qu'il existe un CNP par diplôme infirmier par exemple.

À cela s'ajoutent des associations de spécialité, comme l'AFIPAG, l'Association française des infirmiers en pratique avancée en gérontologie, qui rassemble des infirmiers, étudiants IPA et IPA exerçant dans le domaine du grand âge, ou encore l'IPAssociation, une instance localisée dans la région Centre-Val de Loire. Est-ce que cela peut préfigurer d'une multiplication des instances ? À ce jour, on compte environ 300 IPA diplômés en France et 1 000 en formation.

Un petit réseau pour faire grandir l'IPA

« Cela peut donner l'impression qu'il y a beaucoup d'instances, mais en fait elles sont complémentaires, car nous sommes un métier jeune pour lequel tout est à créer, à structurer, explique Laurent Salsac, infirmier en pratique avancée pathologies chroniques stabilisées (PCS) prévention et polypathologies courantes à Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire). Avec un syndicat, une association, une société savante et le conseil national, les IPA peuvent mobiliser les instances dont ils ont besoin, dans les secteurs qui les intéressent. Nous échangeons souvent entre nous, et en fonction des besoins des groupes de travail sont ouverts. »

Laurent Salsac, membre du collège PCS de l'ANFIPA, adhérent de l'UNIPA, participe à des groupes de travail du CNP IPA et à des travaux de la SOFRIPA visant à référencer la pratique avancée à l'étranger. « Il n'y a pas de volonté d'emprise d'une organisation sur une autre : chacun est libre d'adhérer. Nous sommes un petit réseau et avons envie de travailler ensemble pour faire grandir la pratique avancée pour apporter notre expertise sur le parcours patient, sans être dans l'opposition avec les infirmiers spécialisés ou les médecins. »

En France, l'enjeu est de faire de la pratique avancée avec une approche populationnelle, et non par spécialité d'organe. C'est ce qui explique l'existence de l'AFIPAG, dédiée à la gérontologie. « Le Master sciences de la santé expérimental, Mention sciences cliniques infirmières, spécialité IPA en Gérontologie, existait depuis 12 ans à l'université d'Aix-Marseille. Ce diplôme préfigurateur a permis de former, sur une période de 6 ans, 26 infirmiers spécialisés sur toute la France, qui occupent actuellement des postes de leadership dans le milieu de la gérontologie », précise Loriane Saliège, co-présidente de l'AFIPAG. L'association a été créée en 2017 par 5 infirmières fraichement diplômées de ce master dans l'objectif de se regrouper, de créer un réseau afin de mettre en commun leurs expertises. « Lorsque le décret sur la pratique avancée a été publié en juillet 2018, la gérontologie fut en partie incluse dans le domaine IPA pathologies chroniques stabilisées mais morcelée en pathologies d'organes, ne répondant que partiellement aux problématiques du vieillissement, perte d'autonomie et dont l'aspect de prévention reste très limité. L'association a alors pris un autre contour pour militer pour la création d'un diplôme d'IPA Gérontologie, souligne Loriane Saliège. Le référentiel est prêt et sera officialisé lors du congrès de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG), le 16 décembre 2020. Ce travail d'écriture est né suite à notre audition à la DGOS. Depuis, nous sommes dans l'attente... Nous travaillons avec l'UNIPA, l'ANFIPA, le CNP, la SOFRIPA et IPAssociation qui tous partagent l'approche populationnelle. »

Par ailleurs, un diplôme d'IPA Urgences est aussi à l'étude et en cours d'élaboration. Et fait l'objet d'âpres discussions. « Nous n'adhérons pas au projet tel qu'il est présenté par la DGOS, affirme Julie Devictor, infirmière en pratique avancée Onco-hématologie et présidente du CNP IPA. Nous souhaitons développer un modèle décloisonné, qui s'inscrit dans la transversalité avec la ville, or ce qui nous est proposé confine l'IPA dans le service d'urgences, modèle calqué sur la spécialité médicale. La plus-value de la pratique avancée est sa complémentarité, elle doit proposer autre chose, s'inscrire dans la transversalité notamment avec la ville, dans le parcours patient. » Le CNP réfléchit à l'ouverture de nouveaux domaines en concertation avec les autres CNP de la profession infirmière. Par exemple, les IADE sont associés à des discussions sur un domaine en soins critiques, le CNP des puériculteurs aux réflexions sur un domaine de soins aux enfants.

Communiquer pour améliorer l'intégration des IPA

À leur lancement, les IPA ont souvent été présentés comme des « super infirmiers ». Un qualificatif qui les dessert, car il peut être perçu comme dégradant pour leurs collègues infirmiers. De fait, les IPA ne sont pas toujours les bienvenus dans les équipes. « Notre intégration n'est pas facile : beaucoup de professionnels de santé pensent savoir ce qu'est la pratique avancée, certains ont du mal à se détacher de leurs représentations, souligne Julie Devictor. Pour maîtriser le concept de pratique avancée, nous avons fait au moins deux ans d'études. Or certains de nos collègues pensent qu'ils font déjà de la pratique avancée depuis longtemps, sans en maîtriser toute l'envergure. Ou bien certains en ont une représentation médicale, en confondant par exemple l'exercice en pratique avancée et les protocoles de coopération. » Il y a donc un véritable besoin de communication sur ce métier. Julie Devictor est d'ailleurs rédactrice en chef de la toute nouvelle Revue de pratique avancée (voir encadré) destinée à mieux la faire connaître. « Les médecins, cadres, cadres supérieurs, et directeurs de soins qui ont l'habitude de collaborer avec des infirmiers dans des missions transversales nous font un bon accueil. En revanche avec d'autres, on se heurte à des difficultés comme le manque de confiance affiché sur nos compétences de la part des médecins, qui pour certains ont un blocage d'ordre financier, le fait de nous déléguer une partie de leur patientèle pouvant réduire leur chiffre d'affaires. Avec les cadres, les infirmiers et infirmiers spécialisés, comme les IADE, IPDE et les IBODE, nous travaillons en étroite collaboration et cela a permis de lever des interrogations. Nous connaissons nos champs de compétences et d'expertise respectifs, cela permet de travailler ensemble de manière cohérente. »

Ce travail mené au niveau national par les différentes instances représentatives de la profession pour aider les IPA à trouver leur place dans le système de soins est parfois renforcé au niveau local. C'est l'objet, par exemple, d'IPAssociation, créée en 2019 et présidée par Barbara Gombert, IPA mention Pathologie stabilisée. « Notre association est née de la réunion d'étudiants au niveau régional, en Centre-Val de Loire, qui désiraient accompagner les étudiants en pratique avancée et les futures implémentations d'IPA sans être sous l'égide des médecins ou des infirmiers libéraux. Nous avons ressenti le besoin d'être autonomes et cela nous permet d'être l'interlocuteur direct de l'ARS pour défendre notre profession, sans intermédiaire. Nous travaillons en toute transparence avec l'UNIPA et l'ANFIPA. » La formule semble efficace : l'association regroupe une vingtaine d'IPA et travaille étroitement avec l'ARS. « Elle nous renvoie des infirmiers qui veulent devenir IPA et souhaite nous associer à l'accompagnement des projets des futurs étudiants pour qu'ils présentent des projets plus aboutis à la faculté de Tours-Angers ».

La jeune profession, du haut de ses 4 ans, se structure petit à petit. « On peut imaginer qu'on va aller vers une multiplication des associations au niveau local, ou des représentations locales du syndicat national, car c'est un moyen de défendre nos intérêts, sur le terrain, souligne Laurent Salsac. Nous sommes en train de construire les fondations d'une maison : cela peut donner l'impression que l'on part dans tous les sens, mais c'est nécessaire à notre structuration. »

CNP IPA : porter des messages communs

Le CNP IPA est constitué de trois membres fondateurs : l'UNIPA, l'ANFIPA et la SOFRIPA. Chacun compte deux représentants au bureau et cinq délégués qui constituent l'assemblée générale du CNP. Ses travaux portent actuellement sur trois enjeux :

– L'élargissement du champ d'action des IPA au premier recours, qui a été acté par le Ségur de la santé ;

– La consultation pour l'ouverture de nouveaux domaines, en conservant toujours une approche populationnelle et non par spécialité médicale ;

– La formation des IPA sur le territoire, en lien avec les universités ;

– Les thématiques prioritaires de formation professionnelle continue.

Lancement de la Revue de la pratique avancée

Éditée par Edimark, cette nouvelle revue s'adresse aux IPA ainsi qu'à tous les acteurs du soins amenés à travailler avec : infirmiers, médecins, directeurs d'hôpital, des soins, cadres et auxiliaires médicaux qui seront concernés bientôt par la pratique avancée. Son objectif est d'offrir un espace de communication à cette nouvelle profession afin d'en faciliter le déploiement et l'acceptation.