LES ANTICOAGULANTS ORAUX DIRECTS - Ma revue n° 012 du 01/09/2021 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 012 du 01/09/2021

 

JE ME FORME

PHARMACO

Florence Bontemps  

Dr en pharmacie, Défimédoc

1 DE QUOI PARLE-T-ON ?

Indiqués en première intention dans le traitement de la maladie thromboembolique veineuse ou la fibrillation auriculaire (FA), les AOD ont détrôné les antivitamine K (AVK), en France, car leur maniement est plus simple. Mais le risque iatrogène demeure élevé et le risque hémorragique préoccupant. Ces traitements concernent près d’un million de personnes et les prescriptions ont considérablement augmenté chez les sujets âgés.

Produits

• Trois anticoagulants oraux directs (AOD) sont actuellement commercialisés :

– l’apixaban : Eliquis 2,5 mg et 5 mg ;

– le rivaroxaban : Xarelto 10 mg, 15 mg, 20 mg, et un kit d’initiation de traitement ;

– le dabigatran : Pradaxa 75, 110 et 150 mg.

• Un quatrième AOD pourrait être prochainement mis sur le marché : l’edoxaban (Lixiana).

Mode d’action et indications

• Les AOD ralentissent la coagulation, empêchant la formation de caillots qui peuvent bloquer une artère ou être libérés dans la circulation sanguine et obstruer un vaisseau plus fin.

• Ils ont la même fonction que les AVK (warfarine, fluindione, acénocoumarol) mais leur délai d’action plus rapide permet une utilisation dans des situations aiguës – thrombose veineuse profonde (TVP), embolie pulmonaire… –, sans avoir recours préalablement aux héparines de bas poids moléculaire (HBPM).

• Ils sont indiqués :

– en cas de fibrillation auriculaire, pour prévenir les événements thromboemboliques. En France, un million de personnes souffrent de fibrillation auriculaire. C’est l’indication majoritaire ;

– en traitement des TVP et des embolies pulmonaires, et en prévention des récidives ;

– en prévention des TVP post-chirurgicales après la pose d’une prothèse de hanche ou de genou.

• Tous les AOD agissent par voie orale. Leur délai d’action étant bref (entre 1 et 3 heures), lorsque le traitement est arrêté, les patients ne sont rapidement plus anticoagulés.

→ Grossesse : les AOD ne doivent pas être utilisés chez la femme enceinte ou allaitante. Chez la femme enceinte nécessitant une anticoagulation, on utilise une héparine de bas poids moléculaire. Chez la femme qui allaite, on peut utiliser une HBPM ou un AVK (warfarine ou acénocoumarol).

Posologies

• Contrairement aux AVK, les AOD sont donnés à doses fixes (pas d’ajustement en fonction de certains paramètres, comme l’INR), différentes selon les indications.

• Chez les patients qui présentent un risque hémorragique particulier (plus de 75 ans, poids inférieur à 60 kilos, clairance de la créatinine inférieure à 50 ml/mn, insuffisance rénale chronique), la posologie est diminuée.

→ Attention : le nombre maximum de prises par jour est de deux, jamais trois !

• Dans la fibrillation auriculaire, les posologies sont habituellement de 20 mg de Xarelto/jour (une prise/jour) ou 10 mg d’Eliquis/jour (5 mg matin et soir) ou 300 mg de Pradaxa/jour (150 mg matin et soir).

• En traitement d’une thrombose veineuse profonde ou d’une embolie pulmonaire, les posologies d’attaque sont plus élevées :

– Xarelto 30 mg/jour (15 mg matin et soir) pendant 21 jours, puis 20 mg une seule fois/jour ;

– Eliquis 20 mg/jour (10 mg matin et soir) pendant 7 jours, puis 10 mg/jour (5 mg matin et soir), puis 5 mg/jour (2,5 mg matin et soir) ;

– Pradaxa 300 mg/jour (150 mg matin et soir).

• En prévention des TVP après la pose d’une prothèse de hanche, les posologies d’AOD sont plus faibles : Xarelto 10 mg/jour ou Eliquis 5 mg/jour (2,5 mg matin et soir) ou Pradaxa 150 mg/jour.

Mode d’administration

• Le rivaroxaban se prend durant les repas car cela améliore sa biodisponibilité. Le moment de prise est indifférent pour l’apixaban et le dabigatran.

→ Attention : seuls l’apixaban et le rivaroxaban peuvent être écrasés et mélangés à de l’eau ou dans du jus ou de la compote de pommes.

• En cas d’oubli de prise, le patient risque rapidement de ne plus être anticoagulé. Il lui faut donc rattraper une dose oubliée jusqu’à 6 heures après l’oubli, pour un médicament en deux prises par jour (apixaban, dabigatran), et jusqu’à 12 heures pour un médicament en une prise par jour.

→ Important : informer le patient qu’il ne doit jamais doubler une dose pour compenser celle oubliée.

Ne pas ouvrir les gélules de dabigatran (attention lors de l’ouverture du blister), avaler la gélule entière (augmentation du risque hémorragique).

2 QUE FAUT-IL SAVOIR/SURVEILLER ?

Suivi biologique

• Aucun test d’hémostase n’est fiable sous AOD. Il n’y a donc pas lieu de faire des INR.

• L’effet des AOD étant identique chez tous les patients et stable (au contraire des AVK), les contrôles biologiques ne sont pas utiles avec ces anticoagulants.

• Le seul dosage utile chez un patient sous AOD est le suivi de la clairance rénale, au minimum une fois par an et plus souvent en cas d’insuffisance rénale. Celle-ci doit être évaluée avant introduction du traitement.

• Il faut aussi contrôler la fonction hépatique.

Élimination

• Les AOD sont tous éliminés par le rein (à 80 % pour le dabigatran). Ils nécessitent donc une adaptation posologique en fonction de la clairance rénale pour éviter le surrisque hémorragique. Il convient d’être particulièrement vigilant chez le sujet âgé.

• Les anticoagulants oraux directs sont contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère (clairance inférieure à 30 ml/mn).

Effets indésirables

• Les principaux effets indésirables des AOD sont le risque hémorragique, majeur, mais aussi le risque de thrombose en cas de sous-dosage (erreur de posologie, oubli de prise, mauvaise observance du traitement).

• En cas de surdosage, le saignement peut être discret (saignement des gencives, du nez, hémorragie conjonctivale, apparition d’hématomes, présence de sang dans les urines et/ou dans les selles, règles anormalement abondantes) ou se traduire par des signes trompeurs comme une pâleur inhabituelle, une fatigue importante et anormale, un essoufflement, des céphalées inhabituelles.

• Actuellement, seul l’idarucizumab (Praxbind), antidote du dabigatran, est commercialisé. Il est réservé à l’usage hospitalier et en situation d’urgence (hémorragies graves ou actes de chirurgie en urgence). L’andexanet alfa (Ondexxya), l’antidote de l’apixaban et du rivaroxaban, pourrait être mis sur le marché prochainement.

→ Conduite à tenir en cas de saignement sous AOD : faire préciser au patient et noter l’heure de la dernière prise et la dose, puis contacter le médecin. La normalisation demande 12 à 24 heures. Si la prise est récente, l’administration de charbon actif peut être envisagée.

• Les autres effets indésirables des AOD sont des troubles digestifs, des nausées, des diarrhées, des douleurs abdominales (surtout pour le dabigatran), des réactions allergiques notamment cutanées, et une augmentation des transaminases.

• Du fait du risque hémorragique, les injections intramusculaires doivent être évitées chez les patients sous AOD. Les vaccins peuvent être administrés en sous-cutané. Le vaccin anti-Covid doit tout de même être administré en intramusculaire, avec compression du point d’injection pendant 3 minutes.

Interactions médicamenteuses

• Les AOD présentent moins de risques d’interactions que les AVK, mais ils en présentent tout de même, en particulier le dabigatran. La plupart du temps, le risque est hémorragique.

• Certaines associations demandent à être confirmées (par le médecin ou le pharmacien) : corticoïdes et AINS (augmentation du risque hémorragique de l’anticoagulant oral par agression de la muqueuse gastroduodénale), antiagrégants plaquettaires (aspirine, prasugrel, clopidogrel, ticagrelor…), amiodarone, vérapamil, et certains traitements antifongiques.

• Il n’y a pas de régime alimentaire spécifique pour les patients sous AOD.

RÉFÉRENCES

• Omédit Centre-Val de Loire, “Prévenir les erreurs liées à la prise d’anticoagulants oraux directs”, mis à jour en février 2019. En ligne sur : bit.ly/2SQ3M4A

• Site du Collège national de pharmacologie médicale, “Anticoagulants oraux directs (AODS)”, mis à jour le 2 juillet 2018. En ligne sur : bit.ly/3hh6IjZ

• Haute Autorité de santé (HAS), “Fibrillation auriculaire non valvulaire. Quelle place pour les anticoagulants oraux ?”, mis à jour en mai 2018. En ligne sur : bit.ly/36fKBUJ

• HAS, évaluation des technologies de santé « Les anticoagulants oraux », juillet 2018. En ligne sur : bit.ly/3dLh5KJ

• Fédération française de cardiologie, brochure « Bien vivre son traitement : anticoagulants et antiagrégants », 2020. À télécharger sur : bit.ly/3zgNFNy

L’auteure déclare ne pas avoir de liens d’intérêt

Attention, il existe un risque de confusion de noms entre :

– Pradaxa et Plavix (antiagrégant plaquettaire) ;

– Xarelto et Xatral (traitement de l’hypertrophie de la prostate).

Xarelto kit d’initiation de traitement correspond au premier mois de traitement des TVP et des embolies pulmonaires. Il comporte 42 comprimés dosés à 15 mg et 7 comprimés dosés à 20 mg. La posologie passe de 15 mg deux fois/jour à 20 mg une fois/jour. Attention aux erreurs de compréhension du patient !

Rappeler au patient l’importance de bien suivre son traitement. De même, la Haute Autorité de santé recommande le port d’une carte mentionnant le traitement, à compléter d’une fiche de liaison pour faciliter la coordination entre soignants.