LA RELATION DE SOIN À L’ÉPREUVE | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 368 du 01/02/2016

 

SÉGRÉGATION

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COLLOQUES

Catherine Faye  

Lors du 3e colloque international « La Ségrégation à l’ordre du jour : Soin, éducation et territoires », organisé le 4 décembre à Paris, des spécialistes ont évoqué leurs recherches sur la discrimination dans le lien transférentiel entre soignants et soignés.

C’est un Roissy »(1), « c’est un précaire », « c’est un Rom », autant d’expressions que l’on entend dans les couloirs d’hôpitaux et qui font écho à la violence des phénomènes ségrégatifs actuels. Une ségrégation qui s’accélère et se manifeste notamment dans les a priori basés sur les barrières de la langue ou les variantes culturelles, et le traitement différentiel des personnes étrangères ou perçues comme telles. C’est le constat dressé dans le cadre du projet Medress(2). Cette étude est actuellement menée en milieu hospitalier par Élise Pestre, psychanalyste et maître de conférences à l’UFR d’études psychanalytiques (Paris VII) et membre du CRPMS(3), Laure Wolmark, psychologue clinicienne et responsable de service psychothérapie et santé mentale au Comede(4), et Pascale Baligand, psychologue clinicienne et maître de conférences à l’université Paris-Diderot.

Le regard de l’autre

« La relation de soin à partir du lien transférentiel qui se crée va influencer l’orientation des prises en charge », explique Élise Pestre. Plus une société se confronte à la précarité, aux mouvements migratoires, à la violence des extrémismes religieux et politiques, plus les effets de ségrégation ou d’exclusion se manifestent dans les espaces institutionnels. Ainsi, la chercheuse a observé la complexité de la notion d’étranger et son impact sur la prise en charge. « Je ne comprends pas ce qu’elle dit », « ces gens-là sont plus dociles, mais il faut les surveiller », « ils consultent à l’africaine », « chez une parturiente africaine c’est inné, alors qu’une Française… ». Impuissance, incompréhension, manifestations confuses, réactions inconcevables… sont le lot quotidien de la relation soignant-soigné.

« On retrouve ce phénomène dans le domaine du care, de l’accompagnement des personnes âgées ou en situation de handicap », a ajouté Marguerite Cognet, sociologue et ancienne IDE. De fait, la question de l’identité, du regard de l’autre et des peurs interfère. Il convient donc de repenser l’inadéquation entre l’être et l’apparence, la complexité des demandes des patients et ce à quoi nous renvoie l’autre. « Face à une population vulnérable et dans un climat tendu, la relation soignant-soigné se construit sur des jeux d’identification », conclut la psychologue Marcela Gargiulo.

1- Patient qui vient se faire soigner en France.

2- Malade étranger dans la relation soignant soigné.

3- Centre de recherches psychanalyse, médecine et société.

4- Comité médical pour les exilés.