AUX ORIGINES DE LA DOULEUR - L'Infirmière Magazine n° 368 du 01/02/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 368 du 01/02/2016

 

NÉONATALOGIE

ACTUALITÉS

COLLOQUES

CLARISSE BRIOT  

Les 22e journées de la douleur de l’enfant, organisées par l’association Pédiadol du 9 au 11 décembre à Paris, se sont intéressées aux solutions pour pallier ou éviter la douleur dès la salle de naissance.

La douleur de l’enfant, liée à la pathologie ou aux soins médicaux, ne doit pas rester sans réponses. Et c’est très tôt, dès les premiers instants de vie, qu’elle doit être prise en compte. La plénière de l’association Pédiadol est ainsi revenue sur l’intubation trachéale néonatale, un geste douloureux fréquemment pratiqué. Les recommandations préconisent une analgésie et/ou une sédation avant sa réalisation, mais excluent l’urgence vitale et la réanimation en salle de naissance. Et dans la pratique ? Élizabeth Walter-Nicolet, pédiatre à la maternité Notre-Dame de Bon Secours (Paris), a montré – à travers les résultats de l’étude Epipage 2(1) – que cette prémédication était effectivement très peu pratiquée chez les prématurés de moins de 34 semaines, avec un maximum de 10 % de prémédication pour les 32-34 semaines. « Plus les enfants sont immatures, moins ils ont de chance d’être prémédiqués », a souligné la pédiatre. Des études montrent pourtant la faisabilité et les bénéfices d’un tel protocole : « L’absence de recommandations et la crainte des effets secondaires sont les causes possibles de ces résultats. »

À fleur de peau

Autre pratique explorée, désignée comme une « habitude à la vie dure » dans les maternités françaises : la séparation entre le nouveau-né et sa mère. Angélique Tasseau, pédiatre à la maternité Notre-Dame de Bon Secours, a rappelé les bénéfices d’un peau à peau précoce et prolongé, trop peu pratiqué en dépit des recommandations, comme le montre l’étude menée au sein de son établissement entre janvier et février 2015. « Il faut améliorer les connaissances des intervenants, informer les parents, intégrer le peau à peau comme un soin à part entière et savoir différer les soins de routine, qui sont la cause principale de la séparation », a souligné la pédiatre. Cette proximité s’avère en effet importante pour le développement du bébé, comme l’a présenté Pierrick Poisbeau, professeur en neurosciences et physiologie, à travers ses travaux sur les rongeurs. L’altération des interactions mère-enfant, entraînant une modification de mécanismes moléculaires, peut en effet se traduire par une hypersensibilité à l’âge adulte.

Ces hypothèses sont prolongées par le travail du neuropsychiatre Boris Cyrulnik, venu parler de la grande vulnérabilité des nourrissons, et de leur capacité de résilience si l’on intervient assez vite. « Les sentiers de la douleur sont “circuités” très tôt, au cours des interactions précoces des premiers mois de la vie », a-t-il confirmé, constituant comme une « mémoire sans souvenirs ». La voix, le toucher, les odeurs, les manipula?tions des proches viennent sécuriser l’enfant et lui permettent de réguler la douleur. A contrario, si le nourrisson est isolé, privé de cette « niche sensorielle et affective », le moindre stimulus de douleur sera plus tard aggravé par cette vulnérabilité acquise. « Nous avons vu que nous pouvions agir sur la sensation de douleur, par les médicaments ou des techniques comme l’hypnose, a-t-il conclu. Mais nous pouvons encore davantage agir sur le sentiment de douleur, en développant le plus possible les signes d’attachement. »

1- Étude épidémiologique sur les petits âges gestationnels.

PÉDIATRIE

Des outils malins pour éviter les larmes

« Des moyens atypiques existent pour contrôler la douleur provoquée par les soins chez l’enfant, mais ils sont très peu utilisés en France », a souligné Daniel Annequin, anesthésiste et président de l’association Pédiadol. Dans la malle aux objets insolites, on trouve par exemple le Buzzy, diffusé par l’association Sparadrap, qui associe le froid, la vibration et la distraction. Ou encore le ShotBlocker, un disque de plastique souple comportant des picots, qui permet, lorsqu’il est appliqué sur la peau, de saturer les signaux sensoriels et de perturber la transmission de la douleur au moment d’une injection. Autre innovation : l’immersion dans la réalité virtuelle. Les matériels se sont démocratisés et peuvent désormais fonctionner avec un smartphone. Mais il existe aussi des moyens simples et peu coûteux. Ainsi, une équipe d’urgentistes de Sydney utilise un gant jetable pour figurer un « requin qui ne mord pas ». Autres astuces : faire dessiner un enfant sur un tableau ou dévider à toute vitesse une boîte de mouchoirs en papier pour créer un effet de surprise. Avis à la créativité des équipes !