L'ANCIM vent debout contre « l'oubli » des cadres - Objectif Soins & Management n° 279 du 01/02/2021 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 279 du 01/02/2021

 

Actualités

Claire Pourprix  

Politique

L'Association nationale des cadres de santé n'a pas été invitée à participer au Ségur de la santé... Depuis, bien que le Premier ministre Jean Castex, lors d'une visite au CHU de Strasbourg en novembre dernier, a reconnu un « oubli » et donné l'espoir d'un rattrapage, la profession reste dans l'expectative. Explications de Dominique Combarnous, sa présidente.

Comment expliquez-vous que les cadres de santé n'aient pas participé au Ségur de la Santé ?

Je ne l'explique pas... Nous avons été interviewés par le Pr Olivier Claris, Président de la commission médicale d'établissement des Hospices Civils de Lyon, dans le cadre de sa mission sur la médicalisation de la gouvernance et la simplification du fonctionnement de l'hôpital qui a démarré en décembre 2019. Ses travaux ont donné lieu à un rapport au printemps dernier, destiné à être versé aux travaux du Ségur de la santé afin d'alimenter la concertation. Dans ce rapport, il met bien en exergue le rôle des cadres de santé ainsi que l'importance du binôme cadres-médecins (voir encadré). Mais ensuite, les cadres n'ont pas été invités à participer au Ségur et, pire, aucune ligne ne les concerne directement dans la proposition de loi qui en a découlé ! On nous a complètement oubliés ! C'est une aberration alors même que cette loi vise à « améliorer le système de santé par la confiance et la simplification »... La revalorisation salariale, ainsi que la juste reconnaissance du niveau de formation des cadres de santé de proximité et supérieurs sont indispensables pour renouer la confiance.

L'ANCIM n'a pas baissé les bras pour autant : quelles démarches avez-vous entreprises ?

Nous avons pris contact avec la député du Rhône Anissa Khedher, qui est une ancienne cadre de santé et nous a toujours soutenus. Elle a proposé huit amendements au projet de loi pour appuyer le rôle et la place du cadre de santé dans l'organisation des établissements de santé. Ils ont tous été rejetés, à l'exception de la représentation à parité des professions médicales et paramédicales au sein de la Commission des soins infirmiers et de la Commission médicale d'établissement, lorsqu'elle est unifiée en une seule instance comme cela peut être le cas dans certains établissements.

De plus, comme le ministre de la Santé, Olivier Véran, a rappelé lors des débats parlementaires que les cadres font un travail remarquable, nous lui avons écrit pour lui demander de reconnaître l'expertise en management et en pédagogie des cadres de santé et des cadres supérieurs de santé et de revaloriser notre profession. Cela a abouti à un rendez-vous le 11 janvier dernier avec des conseillères du ministère de la Santé.

Sur quoi portent précisément vos revendications ?

Le rôle de cadre a évolué au cours du temps. Or notre dernier référentiel, qui date de 2012, n'a pas été suivi d'effet. Quant à notre référentiel de formation, il date de 1995...

Dans ce contexte, nos souhaits portent sur trois points principaux :

• faire du cadre de santé et du chef de service un binôme managérial équilibré et opérationnel, en permettant au cadre de santé d'être décisionnaire en lien avec le chef de service ou responsable d'activité pour piloter efficacement ;

• faire reconnaître pleinement le statut de manager d'équipe de proximité et le rôle stratégique des cadres de santé, afin de favoriser la parole et la réelle participation dans le fonctionnement des services, la constitution des pôles, la gouvernance des hôpitaux, à l'échelon de l'hôpital ou du GHT ;

• enfin, si la CME et la CSIRMT sont regroupées dans un établissement, respecter une équité de pouvoir entre les paramédicaux avec un quota égal de représentants.

Il est essentiel de faire reconnaître les spécificités de notre métier, alors que le Ségur de la Santé doit permettre d'aboutir à la reconnaissance des spécificités du personnel. Le leadership, la gestion des compétences, la capacité à s'adapter pendant les crises sont autant d'expertises fondamentales dans l'organisation des soins. En conséquence, nous demandons une revalorisation salariale (qui est en cours dans le cadre du Ségur) et une réforme de la formation. À ce jour il n'existe pas de formation uniforme sur le territoire : certains ont un niveau licence, d'autres master... Cela ne facilite pas notre légitimité pour négocier des salaires équivalents à un niveau master 2. Il nous semble que tous les cadres de santé devraient avoir un niveau master 2 et les cadres supérieurs bénéficier d'une formation supérieure pour que leur métier devienne un véritable métier, alors qu'il s'agit aujourd'hui seulement d'un statut obtenu par concours sur titre. Nous souhaitons également que les cadres gèrent des équipes à taille humaine (pas plus de 20 personnes) et soient dotés d'outils performants pour réduire le temps passé à gérer des plannings pour pallier l'absentéisme, une tâche qui occupe 60 % de notre temps de travail.

Avez-vous le sentiment que la cause des cadres a été entendue ? Êtes-vous optimiste pour la suite ?

Nous avons demandé à ouvrir une concertation sur le rôle, la mission et la posture des cadres, mais cela n'a pas eu beaucoup d'échos... En revanche, les conseillères nous ont prêté une oreille attentive, et nous ont appuyé pour rencontrer la DGOS au sujet de la formation. Fin janvier, nous avons intégré un groupe de travail sur le retour d'expérience des formations des professions arrêtées pendant la crise de la Covid, qui ont connu des suspensions de formation (infirmier anesthésiste, de bloc opératoire, puéricultrice, cadres de renfort...).

Je suis plutôt optimiste car nous avons été reçus au ministère, on nous a écoutés, les conseillères ont pris connaissance du document complet que nous leurs avons transmis et qui expose l'ensemble de notre démarche, elles ont bien compris notre problématique et nos demandes. Reste à savoir ce que cela donnera concrètement... Nous avons déjà eu l'impression qu'on nous ouvrait des portes – par exemple avec le rapport de Singly en 2009 ou celui de Yahiel et Mounier sur la formation en 2010 – sans que cela ne change rien. Espérons qu'il en sera autrement cette fois-ci !

Extrait de la recommandation 17 du Rapport Claris : « Faire du chef de service et du cadre de santé un binôme managérial équilibré et opérationnel »

« Le chef de service doit, si ce n'est « choisir » le cadre de santé, être réellement impliqué dans son affectation. Cela passe par un dialogue équilibré en ce sens avec la Direction des soins et le cadre du pôle.

Dans cet esprit, le chef de service doit avoir un lien fonctionnel avec le cadre de santé pour mener à bien son organisation et son projet de service. Le chef de service et son cadre forment un vrai binôme, un attelage, qui permet de créer les conditions d'une implication de l'ensemble des équipes médicale et soignante. »