Les cadres de santé prennent la parole - Objectif Soins & Management n° 279 du 01/02/2021 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 279 du 01/02/2021

 

Actualités

Magali Clausener  

Prise de parole

Le 26 janvier, un collectif de cadres et cadres supérieurs de santé a pris la parole au sujet des clusters dans les hôpitaux publics. Une première qui n'est qu'une première étape. En effet, le même collectif est en train de rédiger une tribune afin de faire entendre leurs voix sur leur rôle et leurs attentes.

Les cadres de santé des hôpitaux publics sont-ils en train de se rebiffer ? Dans une « prise de parole » diffusée le 26 janvier, une soixantaine de cadres et de cadres supérieurs de santé de plusieurs établissements s'insurgent contre les « propos choquants » tenus par les médias et « parfois » par leurs propres directions culpabilisant les soignants dans les hôpitaux touchés par des clusters Covid-19. Une première, car l'encadrement hospitalier est habituellement plutôt discret. « La crise sanitaire a mis en évidence que les cadres de santé n'arrivent pas bien à s'exprimer dans le quotidien. Ils sont sous pression, tiraillés entre la direction et leur équipe, ils ont un peu peur de prendre la parole à titre individuel et aussi pour leur carrière », explique Florence Pinsard, cadre de santé à Pau et co-autrice de la prise de parole. Mais l'actualité les a fait sortir de leur réserve. « La stigmatisation des soignants a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Et nous avons décidé de réagir », affirme ainsi Axel Hoffmann, cadre infirmier à l'hôpital de Cahors (Lot) et co-auteur du texte. L'idée est de prendre la défense des équipes et des services. La prise de parole met en avant les conditions de travail difficiles comme les salles de détente « bien trop petites » et le ratio soignants/patients « trop bas qui ne garantissent pas une sécurité des soins optimale ». Le collectif n'hésite pas aller plus loin en soulignant que « depuis quelques jours, il semble que l'on nous demande, à nous, à nos équipes, de réfléchir à ne plus manger, ne plus boire sur nos lieux de travail, à éviter les transports, à ne plus nous plaindre du manque de personnels et de reconnaissance » et que « lors de l'apparition d'un cluster, il est plus souvent mis en avant de mauvaises pratiques et un manque de respect des recommandations, que des conditions de travail difficiles ne permettant pas la qualité et la sécurité des soins ». Et de conclure : « Il nous semble important, à nous cadres de santé, en leaders de nos équipes de soins, de réaffirmer les efforts immenses de tous pour continuer à garantir qualité et sécurité des soins. »

Une tribune sur le rôle des cadres

Cette prise de parole n'est cependant qu'une étape. Le collectif qui compte actuellement 240 membres échangeant via un groupe WhatsApp, veut aller plus loin. « Nous sommes la pierre angulaire des établissements de santé. Mais nous sommes peu reconnus et valorisés par la direction. Nous devons défendre nos équipes et nous-mêmes. Nous demandons à avoir de l'autonomie et une capacité de décision dans nos services », remarque Florence Pinsard. D'où la rédaction d'une tribune sur le rôle et la place de l'encadrement au sein de l'hôpital public. « Nous voulons proposer des solutions innovantes de management. Par exemple, pouvoir disposer d'un budget formation pour le service. Aujourd'hui, les arbitrages sur les demandes des soignants sont flous. Or, les cadres connaissent les besoins de formation de leurs équipes. Nous pourrions, avec le chef de service, établir un plan de formation au plus près du terrain. Pourquoi ne pas avoir non plus un budget délégué pour l'achat des petits équipements ou bien encore pour les ressources humaines », détaille Alex Hoffmann. Le cadre infirmier songe également à une réflexion sur les délais de titularisation très hétérogènes entre les établissements : « A Paris, les stagiaires sont titularisés au bout d'un an, à Cahors ils doivent attendre 5 à 7 ans », constate-t-il.

Si certains membres du collectif sont syndiqués, Florence Pinsard et Axel Hoffmann insistent sur la dimension apolitique et a-syndicale de leur groupe. « Nous ne voulons pas travailler contre les syndicats, mais partager nos propositions », précise Florence Pinsard. « Il s'agit d'apporter une réflexion et d'échanger sur l'hôpital public et son organisation », ajoute Axel Hoffmann. Le projet semble séduire de nombreux cadres de santé. Diffusée sur les réseaux sociaux, la prise de parole a déjà suscité de très nombreuses réactions. « Sur Linkedin, il y a eu 10 000 vues et des cadres nous ont contacté », relate Florence Pinsard. Un intérêt qui prouve que la démarche correspond à une véritable attente de l'encadrement.