Objectif Soins n° 247 du 01/06/2016

 

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Laëtitia Di Stefano  

Santé environnementale Philippe Perrin se dit “éco-infirmier”. Il forme des soignants et fait de la prévention primaire en santé environnementale. La conférence du Salon Infirmier nous a permis de lui poser des questions sur cette notion d’éco-infirmier. Interview.

Molécules toxiques, polluants, présents dans les produits du quotidien, l’air, l’eau… n’ont pas de secrets pour Philippe Perrin. Avec un diplôme d’État d’infirmier, un diplôme d’éco-conseiller et un diplôme inter-universitaire “santé publique et environnement”, il aspire à changer les comportements pour une meilleure santé.

OSM : Qu’est-ce qu’un éco-infirmier?* ?

Philippe Perrin : Quelqu’un qui forme et préconise une meilleure hygiène de vie globale, base de bonne santé. Nous faisons des recommandations au sujet des produits du quotidien mais également sur des éléments de citoyenneté (moyens de transports, gestion des déchets…). L’idée est une approche globale, dans un souci de préserver la planète et les générations futures, et pas uniquement la santé de l’individu.

OSM : Un conseiller-formateur en somme ?

Philippe Perrin : En quelque sorte. Je me sens toujours professionnel de santé, mais je ne travaille que dans le champ de la prévention. Je prends en compte des éléments sociaux, environnementaux, et pas seulement la maladie, pour améliorer la santé.

OSM : Pourquoi la santé environnementale ?

Philippe Perrin : Les soignants doivent s’emparer de cette thématique. Nous sommes des gestionnaires de crise sanitaire, et nous devons nous investir massivement dans le champ de l’éducation. Quand un patient angoissé (après avoir fait des recherches sur Internet) demande des réponses sur les pesticides ou la pollution au médecin, souvent, il n’en a pas ! On vit au quotidien dans une soupe chimique, où les choses sont difficiles à distinguer, d’où l’intérêt de les étudier. L’effet “cocktail” des molécules toxiques, dans notre environnement notamment, est préoccupant.

OSM : Il n’y a pas de service “santé environnementale” à l’hôpital…

Philippe Perrin : Non, mais les établissements en font déjà, sans le nommer ainsi. Par des politiques d’achat responsable par exemple : changer de produits ménagers, limiter les polluants. C’est parfois contraint par des directives de la Haute Autorité de santé, mais c’est mieux que rien.

OSM : Des exemples de produits problématiques ?

Philippe Perrin : Les parabènes évidemment, trop présents, dans les produits sans rinçage pour les bébés par exemple. Les additifs alimentaires : des études montrent le lien entre leur absorption et l’hyperactivité chez les enfants par exemple (E102, E104…). Les pesticides en tous genres, présents dans les insecticides, produits anti-poux… et l’alimentation. Il est démontré que le risque de maladie (Parkinson, Alzheimer, cancers) est augmenté chez les agriculteurs et leurs enfants en utilisant. La liste est longue si l’on ajoute les perturbateurs endocriniens, le tabac…

OSM : Quels services hospitaliers seraient concernés prioritairement ?

Philippe Perrin : La pédiatrie et la maternité ! Les enfants, qui évoluent plus près du sol, voire à quatre pattes, respirent plus, mangent et boivent plus, mettent tout à la bouche… Ils sont les sentinelles de notre environnement. Ils sont confrontés à 130 000 molécules potentiellement toxiques par an. Des études ont retrouvé dans leur sang : bisphénol, pesticides, triclosan, paraffines chlorées… Il y a un énorme travail de prévention à faire auprès des parents !

* Plus d’infos : www.ecoinfirmier.com

Santé environnementale, kézako ?

Définie dès 1994 par l’Organisation mondiale de la santé, elle comprend « les aspects de la santé humaine, y compris la qualité de vie, déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psycho-sociaux et esthétiques de notre environnement. Elle concerne également la politique et les pratiques de gestion, de résorption, de contrôle et de prévention des facteurs environnementaux susceptibles d’affecter la santé des générations actuelles et futures ».