Guillaume Decormeille - Objectif Soins & Management n° 0292 du 17/04/2023 | Espace Infirmier
 

OBJECTIF SOINS n° 0292 du 17/04/2023

 

Portrait

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Claire Pourprix

  

Infirmier, sapeur-pompier, formateur, chercheur, PhD… Guillaume Decormeille est devenu un expert en simulation au service de l’apprentissage des étudiants en soins infirmiers. Guillaume Decormeille parle aussi vite qu’il enchaîne les expériences professionnelles. Son parcours est celui d’un passionné, qui refuse de se mettre des barrières et sait enjamber les obstacles.

Baccalauréat médicosocial en poche, il entre à l’Ifsi d’Auxerre dont il sort diplômé en 2004. Dès 2005, il intègre le service des maladies infectieuses et tropicales du CHU de Toulouse, où il travaille de nuit, puis le service de réanimation polyvalente où il alterne jour et nuit jusqu’en 2019. Sa vocation infirmière remonte à l’enfance : « Depuis l’âge de 9 ans, je voulais être infirmier. J’ai orienté mes études en lien avec la profession, j’ai travaillé comme faisant fonction d’aide-soignant en maison de retraite pendant ma scolarité et je me suis engagé comme sapeur-pompier volontaire à partir de 1998 car je souhaitais exercer dans le soutien aux personnes. » Parallèlement à son emploi d’infirmier, Guillaume Decormeille exerce en effet en tant qu'infirmier sapeur-pompier volontaire (au grade de lieutenant) de 2010 à 2019. Il devient membre de la Société de réanimation en langue française (SRLF) en 2010, au sein de laquelle il s’investit dans la Commission d’épidémiologie et de recherche clinique (Cerc) pour promouvoir la recherche paramédicale par des études scientifiques en réanimation de 2017 à 2022.

Premiers projets de recherche infirmière

Ses premiers pas dans la recherche paramédicale datent de 2013, année où il devient formateur en simulation en santé à l’Institut toulousain de simulation en santé (itSimS) du CHU de Toulouse. Il effectue, sur financement personnel, un diplôme universitaire en recherche paramédicale et sciences infirmières à Bordeaux. Il mène des travaux visant à développer la gestion des protocoles de sédation par les infirmiers eux-mêmes : « J’ai toujours voulu faire avancer ma profession, avoir un pas d’avance et permettre une meilleure prise en charge des patients », témoigne-t-il. « Dans le domaine de la sédation, les pratiques étaient très hétérogènes et la mise en place de protocoles infirmiers dans mon hôpital a aidé à les harmoniser. »

Toujours en lien avec la réanimation, il obtient en 2015 le Trophée national de l’infirmier hospitalier lors du Salon infirmier à Paris, pour « le tout premier projet en France et en Europe sur le silence en réanimation », mené avec un de ses collègues, Cédric Baron, également infirmier en réanimation au CHU de Toulouse.

Bien décidé à aller plus loin dans la recherche infirmière, Guillaume Decormeille effectue, sur son temps personnel, un master 2 Sciences de l’éducation et gestion des services de santé à l’université Toulouse Jean-Jaurès. Il explore alors la problématique de la conduite du changement dans la mise en place et l’harmonisation des protocoles dans les unités de soins.

Une Cifre pour mener sa thèse

À l’issue de ce nouveau cycle d’études, il s’inscrit en thèse en 2019 sur le thème de la psychologie cognitive. « Il y a un lien triangulaire entre les sciences de l’éducation, la simulation numérique et la psychologie cognitive : celle-ci étant centrale pour comprendre le phénomène d’autorégulation des apprentissages des étudiants infirmiers, comprendre comment ils travaillent ou apprennent sur simulateur numérique », précise-t-il.

Reste que faire une thèse ne coule pas de source pour un infirmier… « Le CHU n’ayant pas souhaité financer une thèse infirmière à l’époque – depuis il en a financé une –, j’ai dû trouver un financement extérieur pour mener à bien mon projet », confie Guillaume Decormeille. « J’ai fait appel au dispositif Cifre (Convention industrielle de formation par la recherche), qui permet à une entreprise d’embaucher un doctorant moyennant un crédit d’impôt en s’engageant par convention de partenariat avec l’ANRT (Agence nationale recherche technologie). »

Et c’est ainsi qu’il intègre la société SimforHealth pour un contrat à durée déterminée de trois ans, à temps plein, pour mener sa thèse. Mise en disponibilité du CHU, arrêt provisoire de ses activités extrahospitalières : il se consacre pleinement à ses travaux de recherche et termine sa thèse en 2022 sous le titre « Les simulateurs numériques lors de la formation initiale en sciences infirmières : états des lieux, facteurs d'apprentissage et d'acceptabilité ». 

Lorsque « l’aventure commence », SimforHealth vient de réaliser la collection Compétences infirmières sur simulateurs numériques, dans le cadre d’un projet régional de la Nouvelle-Aquitaine. « Pour moi, c’était une aubaine ! », se réjouit Guillaume Decormeille. « Cela m’a permis de bénéficier d’un terrain de jeu idéal pour faire des comparaisons entre Ifsi utilisateurs et non utilisateurs et essayer de déterminer quels sont les facteurs individuels qui favorisent l’apprentissage des étudiants infirmiers sur simulateur numérique, quelles sont les stratégies d’auto-régulation de l’apprentissage qu’ils développent. »

Ces années de thèse se révèlent très prenantes, « un véritable travail d’équipe familial », relate Guillaume Decormeille, pour qui le soutien de la famille a été majeur dans sa réussite, « d’autant que ma fille est née 2 semaines après que j’ai démarré mes travaux ! ». Elles se révèlent aussi très enrichissantes sur la découverte du monde de l’entreprise : « Jérôme Leleu, le fondateur de SimforHealth et ancien président de la French Tech, est pionnier en France sur le développement de la simulation numérique en santé dont les soins infirmiers. Cette expérience en entreprise m’a permis d’enrichir mon réseau professionnel, j’ai découvert une structure privée à la hiérarchie horizontale et non pyramidale comme celle que l’on connaît à l’hôpital, la force de l’agilité dans la gestion de projet, et cela m’a ouvert le champ de l’innovation en santé, avec de nouvelles techniques pédagogiques potentielles. »

Sa thèse terminée, Guillaume Decormeille décide alors de rester dans la start-up comme responsable d’accompagnement pédagogique. « La crise sanitaire a permis de dédramatiser l’usage des simulateurs dans les Ifsi et en a accéléré l’acceptabilité. Aujourd’hui, j’aide les formateurs d’Ifsi à intégrer les simulateurs numériques dans leur pédagogie. Ma mission est de les accompagner à l’usage en proposant des formations. En parallèle, en tant que jeune docteur, je participe aux travaux de recherche et développement de SimforHealth en lien avec les simulateurs numériques, je lance de nouvelles études en Ifsi et je donne ponctuellement des cours à l’université des sciences infirmières. »

S’il a quitté l’hôpital et les sapeurs-pompiers, Guillaume Decormeille entend bien poursuivre sa carrière multifacettes : coauteur de « L'infirmier(e) en service de réanimation », ouvrage collectif paru en décembre dernier aux éditions Elsevier Masson, il encadre un master en soins intensifs à l’université de Barcelone, un master infirmier en pratique avancée et un autre en psychologie à Toulouse. Il est membre de la Société francophone de simulation en santé (SoFraSimS) et du Comité de rédaction de la revue Recherche en soins infirmiers (RSI)… Et il n’entend pas en rester là ! Il vient de déposer sa demande de qualification au Conseil national des universités en sciences infirmières (CNU 92). Son ambition : mener une double carrière, universitaire et industrielle.