MUSIQUE ET SOINS, L’ACCORD PARFAIT - Ma revue n° 034 du 01/07/2023 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 034 du 01/07/2023

 

JE ME FORME

PRISE EN CHARGE

Thomas Laborde*   Dr Nicole Duperret-Gonzalez**   Sylvie Gervaise***  

La musique adoucit les mœurs. Ce vieil adage ne serait que l’ombre de la réalité. Car la musique peut bien plus encore qu’apaiser les tensions sociales. Et ses effets sont de plus en plus reconnus par le monde scientifique. Il reste du chemin à parcourir avant de la voir pleinement adoptée dans les pratiques médicales, mais des avancées notables permettent à la musicothérapie de se mettre en place. Parcours, éclairages, expériences et témoignages.

En l’étudiant, la science laisse entrevoir les pouvoirs de la musique. Ses effets sont observés dans différentes parties du corps. Ainsi la musique stimule-t-elle différentes zones du cerveau, et pas seulement l’un des deux hémisphères(1). Elle est reconnue pour favoriser la neurogenèse, processus par lequel le cerveau développe davantage de neurones, améliorant nos capacités cognitives. C’est ce qu’ont pu prouver des chercheurs de l’université McGill à Montréal(2), en observant le phénomène via l’image à résonance magnétique (IRM). Le rythme du cœur est également sensible à celui de la musique, ralentissant à l’écoute d’une musique lente, et accélérant au contraire à l’écoute d’une musique dynamique(3).

PHYSIOLOGIE

L’écoute de la musique agit sur la production de molécules et d’hormones. Certaines recherches ont même permis de mettre ce phénomène en évidence. Ainsi, plusieurs études scientifiques ont-elles pu démontrer un effet de l’écoute de la musique dans la production de dopamine - neurotransmetteur agissant comme « hormone du bonheur » - par différents chercheurs dans le monde : c’est le cas des travaux menés par Hervé Platel, chercheur en neuropsychologie à l’université de Caen(4). Outre-Atlantique, Robert Zatorre et Anne Blood, deux neuroscientifiques, ont également montré que l’écoute de la musique libérait de la dopamine dans le sang(5).

Le recours à la musique dans les soins est également recommandé par le fait que son écoute réduit le taux de cortisol, hormone libérée par le corps lorsqu’il subit un stress quelconque, et diminue ainsi la douleur et le stress. Et pas seulement. En écoutant de la musique, d’autres émotions telles que la tristesse ou l’ennui, peuvent être modifiées.

DES IMPACTS RECONNUS SUR LA MOTRICITÉ

Des chercheurs en psychologie et neuropsychologie des universités canadiennes Concordia et McGill ont étudié l’impact, il y a dix ans déjà, d’un apprentissage précoce de la musique sur la motricité. 36 musiciens adultes ont participé à une épreuve motrice, une séquence de mouvements, et subi une scintigraphie cérébrale(6). La moitié du groupe avait commencé à apprendre la musique avant 7 ans, les autres plus tardivement. Mais tous avaient le même nombre d’années d’expérience. Les musiciens précoces ont fait preuve d’une meilleure synchronisation. Par ailleurs, après analyse cérébrale, les résultats attestent d’une augmentation de la substance blanche du corps calleux au sein de ce même groupe. C’est lui qui participe à relier les régions motrices droite et gauche du cerveau. En somme, plus l’apprentissage de la musique commence tôt, plus la connectivité est importante. À noter que les musiciens précoces ne sont toutefois pas forcément meilleurs musiciens. Il serait aussi possible, dans certains cas, d’identifier l’instrument pratiqué grâce à une neuro-imagerie des régions cérébrales motrices, qui permet de visualiser les extensions des doigts.

MUSIQUE ET MUSICOTHÉRAPIE

Toutes ces recherches et expériences constituent autant d’arguments pour considérer la musique comme un véritable outil thérapeutique. Ainsi a pu avancer la fameuse musicothérapie. François-Xavier Vrait, directeur de l’Institut de musicothérapie de Nantes, en précise la définition : « La musicothérapie est une pratique de soins, de relation d’aide, d’accompagnement, de soutien ou de rééducation utilisant le son et la musique sous toutes leurs formes, comme moyen d’expression, de communication, de structuration et d’analyse de la relation. » Une définition que rejoint la Fédération française des musicothérapeutes, qu’elle complète en indiquant que la musicothérapie « consiste à prendre en charge des personnes présentant des difficultés de communication et/ou de relation. Il existe différentes techniques de musicothérapie, adaptées aux populations concernées : troubles psychoaffectifs, difficultés sociales ou comportementales, troubles sensoriels, physiques ou neurologiques. La musicothérapie s’appuie sur les liens étroits entre les éléments constitutifs de la musique et l’histoire du sujet. Elle utilise la médiation sonore et/ou musicale afin d’ouvrir ou restaurer la communication et l’expression au sein de la relation dans le registre verbal et/ou non verbal. » Autant d’éléments qui ont motivé nombre d’expériences et de pratiques, dont quelques-unes seront abordées au fil de ces pages. (Les références sont à retrouver p. 25)

HISTORIQUE DE LA MUSICOTHÉRAPIE

1954 Jacques Jost propose au Centre d’études radiophoniques de la radiodiffusion française l’étude du pouvoir affectif de la musique à l’aide d’encéphalogrammes. Cette étude fut réalisée dans le laboratoire d’encéphalographie de la Clinique des maladies mentales et de l’encéphale, à la faculté de médecine de Paris. Pendant dix-huit ans il a poursuivi l’étude et l’application des techniques psychomusicales en psychiatrie, en collaboration avec les docteurs Guilhot et Garnier. Une partie de ce travail a été réalisée dans le cadre du Laboratoire d’études des communications interpersonnelles, rattaché à l’École pratique des hautes études (EPHE), dans le service du Pr Baruk.

1969 Aidé par de nombreuses personnalités du monde médical et artistique, Jacques Jost fonde le premier Centre français de musicothérapie, dédié à la recherche.

1971 Création de l’association loi 1901 A.R.A.T.P., composée d’un comité médical et d’un comité musical.

1974 1er Congrès mondial de musicothérapie au centre hospitalier universitaire (CHU) la Pitié-Salpêtrière à Paris (13e arrondissement).

1977 Congrès français de musicothérapie au Palais des Congrès de Paris.

1981 Création du Centre international de musicothérapie (CIM).

1986 Création de la Fédération mondiale de musicothérapie par Rolando Omar Benenzon et J. Jost : 1res Journées nationales de musicothérapie-hôpital Esquirol (Saint-Maurice, Val-de-Marne).

1991 Création de l’EMTC : European Music Therapy Confederation.

1996 Congrès international de musicothérapie « La Musique & l’Homme » au CHU la Pitié-Salpêtrière à Paris.

2003 Création de l’antenne sud-est du Centre international de musicothérapie.

2004 Création de la Fédération française de musicothérapie.

2008 Action humanitaire en Roumanie pour l’application de la musicothérapie dans les centres pour enfants handicapés. 2011 Congrès mondial de musicothérapie à Séoul (Corée).

2013 Action humanitaire en partenariat avec l’association « Roumanie autism ».

Le CIM poursuit activement son implication pour le développement et la reconnaissance de la musicothérapie, en collaborant, entre autres, aux travaux de la Fédération française de musicothérapie. À ce jour, le CIM a formé plus de 1 000 praticiens, en France et à l’étranger.

Source : http://musicotherapie.info