LE TRAITEMENT DES VARICES - Ma revue n° 024 du 01/09/2022 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 024 du 01/09/2022

 

JE ME FORME

BONNES PRATIQUES

Claire Manicot*   Pr Sophie Blaise**   Dr Christine Jurus***   Nathalie Loseto****   Hélène Omnes*****   Julie de Bodard******  


*professeur des universités et praticien hospitalier
**médecin vasculaire à Villeurbanne (69)
***infirmières.

Favorisées par divers facteurs, les varices peuvent être traitées selon différentes techniques, en fonction de leur calibre et de la pertinence des soins. Les infirmières interviennent en postopératoire comme en prévention.

Les varices sont des dilatations permanentes des veines superficielles des membres inférieurs, supérieures à 3 mm de diamètre. Elles sont la manifestation d’une insuffisance veineuse chronique due à un mauvais fonctionnement des valvules, soit en raison de facteurs héréditaires, soit en raison de nombreux facteurs favorisants : sédentarité, position debout, immobilisation, grossesse, obésité, etc. Quand les vaisseaux sanguins dilatés mesurent moins de 1 mm de diamètre, on parle de télangiectasies. Si leur diamètre est compris entre 1 et 3 mm de diamètre, on parle de veines réticulaires.

PHYSIOPATHOLOGIE

LES VEINES SUPERFICIELLES DES MEMBRES INFÉRIEURS

Le système veineux des membres inférieurs (voir la figure ci-contre) est constitué de deux réseaux qui prennent naissance au niveau de la voûte plantaire : un réseau profond et un réseau superficiel sous-cutané, anastomosés entre eux à plusieurs endroits par des veines perforantes. Physiologiquement le réseau superficiel a un rôle secondaire, il contribue à la thermorégulation du corps et assure 5 % du retour veineux, il est constitué de la veine grande saphène (face interne de la jambe) et de la veine petite saphène (face postérieure du mollet) et de leurs veines affluentes.

LA MALADIE VARIQUEUSE

Les varices peuvent être tolérées par les patients. Les raisons qui les poussent à se faire traiter sont diverses : les recommandations de leur médecin traitant, les symptômes (phlébalgies, sensation de gonflement, impatiences), le préjudice esthétique et la crainte de complications (thromboses, hémorragies, eczéma variqueux et troubles trophiques). Un examen clinique et un écho-doppler permettront d’établir une cartographie précise avec étude des reflux et des diamètres des varices.

LES THÉRAPEUTIQUES

Le principe du traitement consiste à éliminer les veines atteintes par les varices. On distingue :

→ les traitements d’ablation ou d’occlusion chimique ou sclérothérapie,

→ les traitements d’ablation thermique (laser, radiofréquence, vapeur) ou le traitement endovasculaire peu invasif,

→ la chirurgie conventionnelle sous anesthésie générale : stripping ou phlébectomie.

Les traitements seront choisis en fonction du calibre des varices et de la pertinence des soins(1). Pour les varices de diamètre supérieur à 8 mm, une ablation thermique sera proposée en première intention quand elle sera techniquement possible. Pour les varices de diamètre inférieur à 4 mm, une sclérothérapie à la mousse doit être proposée en première intention.

TRAITEMENT D’OCCLUSION CHIMIQUE : LA SCLÉROTHÉRAPIE

La sclérothérapie vise à détruire une varice par un processus de sclérose grâce à l’injection d’agent chimique, sous forme de mousse ou de liquide. Elle peut être pratiquée par un médecin vasculaire en cabinet de ville. Ce traitement consiste à introduire un cathéter dans la varice sous contrôle échographique puis à y injecter des produits sclérosants (Aetoxisclerol, Fibrovein). La forme mousse est plus efficace que la forme liquide mais elle ne peut être utilisée que pour des concentrations supérieures ou égales à 1 % d’aetoxisclerol. Il n’existe pas d’autorisation sur le marché de la forme mousse pour les télangiectasies ou les veines réticulaires où les concentrations utilisées doivent être inférieures. Compte tenu de la survenue d’effets indésirables cardiovasculaires graves, un groupe de travail a été constitué en 2022 afin d’identifier les nouvelles mesures à mettre en place pour sécuriser l’utilisation des produits sclérosants et des premières recommandations ont été publiées(2). Les patients sont invités à consulter leur médecin en urgence en cas de tachycardie, sensation d’oppression thoracique, toux, palpitations, trouble visuel, malaise avec perte de connaissance, maux de tête, trouble de la parole, fourmillements, picotements dans les extrémités des mains et des jambes, douleur du mollet associée ou non à un œdème ou à une rougeur.

L’ABLATION THERMIQUE OU CHIRURGIE MINI-INVASIVE

Les traitements d’ablation thermique consistent en l’introduction d’une sonde à l’intérieur de la varice afin d’aboutir à sa rétraction et à terme à sa destruction par différents procédés thermiques : laser, radiofréquence ou plus rarement vapeur. Le traitement par laser est pris en charge par l’Assurance maladie pour la grande veine saphène et la petite veine saphène alors que la radiofréquence n’est prise en charge que pour la grande veine saphène. Ces traitements peu agressifs, peuvent être réalisés en ambulatoire, sous anesthésie locale par tumescence, dans une salle dédiée ou de bloc opératoire (lire encadré p. 26).

La technique anesthésique consiste, une fois la fibre thermique mise en place dans la veine, à infiltrer, sous échoguidage, avec une pompe, un grand volume de solution de xylocaïne diluée par injections multiples répétées tout le long de la veine saphène afin de réaliser un manchon protecteur qui va absorber la chaleur et empêcher les brûlures cutanées. Le traitement thermique va ensuite, soit émettre des radiofréquences par sections tous les 7 cm, soit émettre en continu la chaleur du laser. On peut observer des effets indésirables tels que des ecchymoses.

LA CHIRURGIE D’EXÉRÈSE CLASSIQUE

Longtemps pratiquée, la chirurgie conventionnelle des varices sous anesthésie générale supprime des veines présentant des varices ainsi que les reflux entre réseau veineux profond et réseau superficiel (ligature au ras des veines profondes). Le stripping est une technique qui consiste à introduire une sorte de sonde dans la veine de haut en bas, à tirer dessus avec un stripper (un tire-veine) pour la retirer puis à suturer les extrémités. La phlébectomie est une autre technique d’exérèse des varices réalisée en introduisant un crochet à travers des micro-incisions pratiquées tous les 3 cm, le long du trajet veineux. Les suites opératoires présentent des ecchymoses, des douleurs à type de tiraillements, l’apparition de plaques rougeâtres et nécessitent un arrêt de travail de deux à quatre semaines. La chirurgie conventionnelle est aujourd’hui peu pratiquée. Mais certains établissements associent la technique de phlébectomie en complément des traitements d’ablations thermiques pour des zones limitées et pour traiter des varices collatérales de petits calibres.

LA COMPRESSION MÉDICALE POSTOPÉRATOIRE

La compression médicale est indiquée après l’intervention pour réduire le risque thromboembolique, le risque de saignement postopératoire (hématomes, ecchymoses) et le risque d’inflammation responsable d’œdème et de douleur. Il s’agit d’une compression pendant une semaine. Il est à noter l’absence de consensus sur le type et la durée de la compression en post-intervention. Les équipes s’accordent toutefois pour prescrire une compression forte immédiate, portée jour et nuit pendant 24 à 36 heures. Il peut s’agir d’un bas de classe 2, d’une bande de contention adhésive ou d’un bandage multitype. La compression est d’autant plus forte que le traitement pratiqué a été invasif, en particulier en cas de chirurgie conventionnelle sous anesthésie générale. À moyen terme, la compression médicale sera prescrite le jour pendant une semaine ou plus, selon l’état clinique du patient.

BANDES

Les bandes de compression médicale sont de longueur et de largeur différentes pour s’adapter aux situations pathologiques et aux morphologies. Certaines présentent aussi des repères pour faciliter la pose. Les bandages sont dits multitypes, lorsqu’ils associent la pose d’au moins deux bandes achetées à l’unité ou en kit. Il s’agit de bandes à allongement court (entre 10 et 100 %) qui peuvent rester en place plusieurs jours et nuits. La pression est modulable en fonction du rapprochement des spires, la pose des bandes est donc un acte qui engage la responsabilité infirmière (lire encadré « pose d’un bandage », p. 27). Les spires sont recouvertes à moitié ou plus selon la force de compression prescrite. On peut poser les bandes de façon circulaire ou en épis. Pour les kits de bandage multitype, il est recommandé de consulter les modes d’emploi et les vidéos élaborées par les laboratoires.

BAS ET CHAUSSETTES

Les modèles sont nombreux : chaussettes ou mi-bas, bas avec autofixant ou non, collants avec culotte compressive ou non, collants de maternité, etc. Des dispositifs peuvent être réalisés sur mesure.

Différentes classes de compression sont proposées selon la pression souhaitée sur le membre : 10-15 mmHg (classe 1), 15,1-20 mmHg (classe 2), 20,1-36 mmHg (classe 3), plus de 36 mmHg (classe 4).

En pratique, il est souvent compliqué pour les patients d’enfiler des dispositifs de classe 3 ou 4. C’est pourquoi des bas ou chaussettes peuvent être superposées, les classes de pression s’additionnant.

PRÉVENTION

Prévenir les varices, c’est prévenir l’insuffisance veineuse chronique. Pour une personne sur deux, ce n’est pas simple en raison du facteur génétique. Toutefois, certaines mesures d’hygiène de vie et le port d’une compression médicale peuvent réduire le risque d’apparition des varices. Toute la difficulté pour l’infirmière sera de faire passer ce message de prévention au long cours.

LA COMPRESSION MÉDICALE

Il s’agira de faire prendre conscience que la compression médicale fait partie intégrante de la prévention à tous les stades de l’insuffisance veineuse chronique. Les principales raisons d’inobservance sont l’intolérance au dispositif, le défaut de compréhension, la difficulté à la pose ou le chaussage. Il en résulte une nécessité constante d’accompagner les patients afin qu’ils adoptent leurs dispositifs prescrits.

HYGIÈNE DE VIE

Activité physique. Les exercices physiques, parce qu’ils sollicitent les muscles des membres inférieurs, facilitent le retour veineux. Il est donc recommandé aux personnes à risque de pratiquer une activité physique régulière au moins 30 minutes par jour, cinq jours par semaine soit en pratiquant un sport comme le vélo, la marche, la natation, la gymnastique ou bien en adoptant un mode de vie actif au quotidien (faire le maximum de déplacements à pied, prendre les escaliers). Certains sports sont déconseillés dans l’insuffisance veineuse : ceux qui provoquent des à-coups sur la voûte plantaire (basket-ball, sprint, jogging, sports de raquettes), ceux qui bloquent la circulation sanguine (équitation) ou ceux qui demandent des contractions musculaires intenses ou présentent des risques de chocs sur les jambes (rugby, football, sports de combat).

Alimentation. Pour éviter une pression excessive sur les jambes liée au surpoids, l’infirmière préconisera une alimentation sans excès (voire de perdre du poids si besoin), limitée en sel et riche en fibres. Il est primordial d’éviter la constipation car les efforts de défécation augmentent la pression veineuse.

Bonnes postures. Pour améliorer la circulation sanguine, il est recommandé d’éviter une compression du réseau veineux inférieur et d’activer la pompe musculaire du mollet en adoptant certaines conduites :

→ ne pas croiser les jambes en position assise,

→ en cas de position assise prolongée, faire des mouvements de flexion/extension de la cheville

→ en cas de position debout prolongée, éviter le piétinement, prendre des pauses régulièrement pour marcher, se mettre sur la pointe des pieds de temps à autre,

→ surélever les pieds du lit de quelques centimètres pour améliorer le retour veineux pendant la nuit.

En cas de long voyage. L’immobilisation prolongée en position assise lors de voyages en avion ou en voiture peut aggraver les troubles de la circulation veineuse. Recommander aux patients de porter des vêtements amples, de bouger les pieds, de ne pas croiser les jambes, de faire des pauses en voiture, ou de marcher régulièrement dans le couloir de l’avion et d’éviter de prendre des somnifères qui favorisent l’immobilité.

Les conduites à éviter :

→ l’exposition des jambes à la chaleur (bains chauds, saunas, exposition au soleil, épilation à la cire chaude),

→ ne pas porter de vêtements serrés au niveau du ventre et des jambes (ceintures, gaines, jeans étroits, mi-bas à élastiques),

→ éviter le port de chaussures à talons supérieurs à 3 cm de hauteur et le port de bottes hautes qui compriment le mollet.

À conseiller : finir si possible la douche par un jet d’eau froide des pieds aux cuisses.

RÉFÉRENCES

Notes

1. Hamel-Desnos C., Miserey G., « Varices saphènes et récidives. Traitements d’occlusion chimique ou thermique dans l’insuffisance des veines saphènes et des récidives », Phlébologie 2018, 71(3):10-17. En ligne sur : bit.ly/3PpCDx6

2. Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, « Traitement des varices : rappel des conduites à tenir pour réduire les risques cardiovasculaires liés à l’utilisation des sclérosants veineux », communiqué du 3 janvier 2022. En ligne sur : bit.ly/3avV1Wk

Autres sources

• Manicot C., « Les dispositifs de compression médicale », L’infirmièr.e n° 3-4, décembre 2020-janvier 2021. En ligne sur : bit.ly/3IwFq5j

• HAS, « La compression médicale dans les affections veineuses chroniques », décembre 2010. En ligne sur : bit.ly/3c9gip0

• Noël B., « Anesthésie locale par tumescence », Revue médicale suisse n° 246, avril 2010. En ligne sur : bit.ly/3AM6awQ

• Collège des enseignants de médecine vasculaire (CEMV), « Prise en charge des varices », polycopié de phlébologie, 2008. En ligne sur : bit.ly/3PqOKts

ABLATION THERMIQUE : RÔLE INFIRMIER

L’ablation thermique des varices est effectuée sous anesthésie locale par tumescence (injection sous-cutanée par pompe d’un grand volume de solution de xylocaïne diluée avec du bicarbonate). Le patient n’a pas besoin d’être à jeun. La séance se déroule dans des conditions de salle dédiée ou salle de bloc opératoire (avec matériel adéquat) en milieu hospitalier, en présence d’un médecin vasculaire et d’une infirmière. L’infirmière assiste le médecin qui pratique l’anesthésie, insère une sonde sous contrôle échographique, puis élimine la veine par traitement endoveineux : laser, radiofréquence ou vapeur.

1 PRÉPARATION DU PATIENT

• Installation du patient en décubitus dorsal pour une intervention sur la grande saphène (décubitus ventral ou latéral pour une intervention sur la petite saphène), la partie supérieure du corps sous des arceaux,

• Badigeonnage de la jambe avec un antiseptique,

• Installation des champs stériles opératoires.

2 PRÉPARATION DU MATÉRIEL

Enfiler la tenue : blouse, gants, charlotte, masque, champs stériles, lunettes de protection en cas de traitement au laser,

Vérifier et installer les appareils : l’échographe, l’appareil utilisé pour le traitement (vapeur, radiofréquence, laser), l’appareil pour réaliser l’anesthésie locale par tumescence,

Installer sur un guéridon le matériel nécessaire* : cupule avec sérum physiologique, bistouri, dispositif stérile à mettre sur la sonde d’échographie avec fibre (le modèle dépend du diamètre de la veine), matériel (tubulure, aiguilles sous-cutanées) et produits pour l’anesthésie locale par la tumescence (perfusion de bicarbonate, xylocaïne),

Assister le médecin selon ses besoins.

3 DÉROULEMENT

Accompagnement du patient : il s’agit de lui expliquer le déroulement de la séance et de le rassurer.

Le moment le plus critique est l’anesthésie par tumescence qui peut provoquer des sensations douloureuses.

Certaines infirmières pratiquent l’hypnose**, ce qui entraîne la relaxation du patient et un confort pour le médecin qui concentre son attention uniquement sur le geste qu’il réalise (voir photo ci-dessous)

À l’issue de la séance :

- poser la compression médicale prescrite, en rappelant son importance au patient, l’importance de respecter la prescription. Il s’agit en général de la garder jour et nuit pendant 48 heures ou 72 heures, puis le jour au moins une semaine ;

- aider le patient à quitter la table d’intervention, à se lever puis à se rhabiller et lui proposer une collation avant de quitter l’établissement.

* liste donnée à titre indicatif, elle dépend du mode opératoire de l’opérateur et du protocole du service

** proposée au service de médecine vasculaire du CHU Grenoble-Alpes

Pose d’un bandage

La pose se fait toujours au repos, jambes allongées :

- prévoir (selon les modèles) une bande d’ouate ou de jersey pour la protection de la peau,

- positionner le pied à 90°,

- démarrer ensuite avec la bande de compression à la racine des orteils,

- débuter par 2 tours d’ancrage autour du pied,

- envelopper le talon,

- refaire un tour sur le pied en faisant un 8,

- remonter sur la cheville puis le mollet et s’arrêter à 2 doigts au-dessous du creux poplité (du bas vers le haut, ne jamais redescendre).

→ Prise en charge par les Idels :

- Tarification : il n’existe pas de cotation pour la pose et la dépose de dispositifs de compression, seules.

- Prescription : les Idels sont autorisées à renouveler une prescription à l’identique de la prescription médicale pour les bas et chaussettes, mais pas pour les bandes.

Info +

CONSEILS AUX PATIENTS

On donnera les conseils suivants pour l’enfilage des bas et chaussettes au quotidien :

- être en position assise, ongles des pieds coupés, le matin au lever, après la toilette,

- retourner le bas/chaussette en ne laissant que le pied à l’endroit,

- procéder doucement, enfiler le bout du pied, bien positionner le talon,

- sans tirer, retourner le bas/chaussette, dérouler sur la cheville et la jambe s’il s’agit d’un bas.

Il existe des enfile-bas (non remboursés par la Sécurité sociale).