LA MIGRAINE, UNE PATHOLOGIE CHRONIQUE - Ma revue n° 024 du 01/09/2022 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 024 du 01/09/2022

 

JE ME FORME

PRISE EN CHARGE

Nathalie Belin*   Dr Christian Lucas**   Dr Anne Donnet***   Muriel Le Tutour****  


*Chef de service du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur, CHU de Lille (Nord).
**neurologue et président de la SFEMC
***Cheffe de service du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur, hôpital de la Timone, Marseille (Bouches-du-Rhône).
****neurologue
*****Service interdisciplinaire douleur soins palliatifs et de support, CHU de Nantes (Loire-Atlantique).
******infirmière chargée des consultations céphalées complexes et migraines.

LA PATHOLOGIE

DÉFINITION

La migraine est une pathologie chronique se manifestant par des crises récurrentes de céphalées avec des périodes sans symptômes. Elle fait partie des céphalées primaires, comme les céphalées de tension (communément appelées « maux de tête »), pour lesquelles il n’est pas retrouvé d’affection causale par opposition aux céphalées secondaires (symptomatiques d’une cause ORL, infectieuse, etc.). Les migraines sont classées selon :

→ les caractéristiques cliniques : migraine sans aura et migraine avec aura (lire les signes cliniques ci-contre) ;

→ la fréquence des crises : migraine épisodique ou chronique. Cette dernière est définie par la présence, depuis au moins trois mois, de céphalées survenant au moins 15 jours par mois, dont huit ont les caractéristiques de la migraine.

PHYSIOPATHOLOGIE

La migraine est considérée comme secondaire à une excitabilité neuronale anormale, elle-même en rapport avec une prédisposition génétique et environnementale (lire les facteurs de risque et facteurs déclenchants page ci-contre).

Hyperexcitabilité neuronale. Liée à l’activation excessive du système trigéminovasculaire, constitué des nerfs trijumeaux, elle induit la libération de neuropeptides inflammatoires et algogènes : substance P, peptide relié au gène de la calcitonine (CGRP, calcitonin gene-related peptide), monoxyde d’azote, sérotonine, etc. À noter que la sérotonine exerce une action vasoconstrictrice ou vasodilatatrice selon les récepteurs sur lesquels elle se fixe.

Vasodilatation et inflammation. Il en découle une vasodilatation des vaisseaux méningés associée à une inflammation et à une activation des neurones nociceptifs au niveau bulbaire contribuant au déclenchement, à l’amplification et/ou la persistance du message douloureux.

Parfois une « marche migraineuse ». L’aura migraineuse semble provoquée par un dysfonctionnement neurologique transitoire du cortex entraînant une vague lente de dépolarisation des neurones de l’arrière vers l’avant du cerveau : on parle de dépression corticale envahissante (DCE). Ce phénomène s’accompagne d’une hypoperfusion et de dysfonctionnements neurologiques transitoires à l’origine des signes de l’aura qui peuvent être visuels, sensitifs, etc.

SIGNES CLINIQUES

Les migraines sans aura sont les plus fréquentes. Les patients souffrant de migraines avec aura peuvent également avoir des crises sans aura.

Les crises de migraine se distinguent des autres types de céphalées. La 3e édition de la Classification internationale des céphalées (ICHD-3) en précise les critères diagnostiques.

Migraines sans aura. Le diagnostic est posé lorsque le patient a eu au moins cinq crises réunissant les critères suivants :

→ durée de crise entre 4 à 72 heures ;

→ au moins deux des caractéristiques suivantes : unilatérale, pulsatile, modérée à sévère, aggravée par l’activité ;

→ des nausées/vomissements ou une photophobie (amplifiée par la lumière) et une phonophobie (aggravée par le bruit).

Une osmophobie (aggravation par les odeurs) peut également être associée mais elle ne fait pas partie des critères retenus pour le diagnostic. Le caractère pulsatile et unilatéral est très évocateur.

Migraines avec aura. Elle est diagnostiquée lorsque le patient a eu au moins deux crises présentant les critères suivants :

→ un ou plusieurs symptômes d’aura réversibles : visuels (tache ou lumière scintillante, parfois perte de vision) ou sensitifs (fourmillements, picotements, parfois engourdissement) ou, plus rarement, phasiques (affectant le langage) ;

→ développement progressif des symptômes (plus de 5 minutes, généralement), souvent successivement et n’excédant pas 1 heure ;

→ aura avec une céphalée ou survenue d’une céphalée dans les 60 minutes.

Il existe également des formes plus rares d’aura qui se manifestent par des vertiges ou un déficit moteur (migraine hémiplégique).

Avant et après la crise. Certains patients ont des signes « avant-coureurs » (prodromes) quelques heures, voire 1 ou 2 jours avant la crise : irritabilité, fatigue, fringales, bâillements répétés, etc. Des symptômes peuvent également persister après (postdromes) : fatigue, baisse de la concentration, humeur dépressive, etc. Par ailleurs, une personne migraineuse peut avoir des céphalées de tension entre deux migraines, ce qui nécessite d’apprendre à les distinguer car leur prise en charge diffère.

FACTEURS DE RISQUE ET FACTEURS DÉCLENCHANTS

Des gènes de susceptibilité qui pourraient favoriser l’hyperexcitabilité neuronale ont été identifiés. De même, des facteurs environnementaux modulent l’expression de la maladie. Ils sont nombreux et peuvent changer avec le temps. Sont le plus souvent impliqués :

→ les variations hormonales chez la femme pouvant favoriser des migraines au moment des règles ou dans les deux jours qui précèdent (migraines cataméniales) ;

→ les changements de rythme ou d’état physiologique : stress, manque ou excès de sommeil, jeûne, effort physique brutal et intense, etc. ;

→ certains aliments : consommation excessive d’alcool, de caféine, etc. ;

→ des modifications environnementales : lumière vive, odeurs fortes, etc. ;

→ des émotions particulières.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic de la migraine est posé selon les critères cliniques précis (lire page précédente) et n’est possible que s’il y a déjà eu plusieurs crises similaires. Il est notamment nécessaire de faire la distinction entre la migraine et d’autres céphalées primaires, notamment :

→ la céphalée de tension : douleur diffuse, non pulsatile, généralement non accompagnée de signes digestifs et non aggravée par l’effort, voire améliorée par l’activité physique. Par ailleurs, une intolérance au bruit ou à la lumière est plus rare que dans la migraine ;

→ l’algie vasculaire de la face : douleur sévère centrée sur un œil, qui est rouge et larmoyant, et irradiant sur la moitié du visage pendant environ 1 heure et demie et pouvant se répéter à plusieurs reprises sur quelques jours.

Une imagerie cérébrale (scanner et surtout IRM cérébrale) est indiquée au moins une fois en cas d’apparition des crises après l’âge de 50 ans, en cas de migraine avec aura ou chronique. Elle est nécessaire devant des auras atypiques (vertiges, déficit moteur, etc.) et en urgence devant des symptômes évoquant une céphalée secondaire à une pathologie grave : un déficit neurologique brutal pouvant faire suspecter un accident ischémique transitoire, une céphalée brutale en coup de tonnerre, une fièvre, une raideur de la nuque, etc.

ÉVOLUTION ET COMPLICATIONS

Variable selon les patients. Les crises peuvent fortement impacter la qualité de vie des personnes touchées selon leur intensité et leur fréquence. On parle de migraine sévère lorsque les patients souffrent de migraine au moins 8 jours par mois ou que le retentissement sur leur quotidien est important. « En règle générale, les crises deviennent moins sévères et sont moins fréquentes avec les années. La migraine tend également à s’améliorer au cours de la grossesse, notamment chez les femmes souffrant de migraines cataméniales », indique la neurologue Anne Donnet.

Comorbidités. Les patients migraineux souffrent plus fréquemment de dépression, d’anxiété, de troubles du sommeil, etc. Ces comorbidités, recherchées au cours du diagnostic, favorisent le risque d’évolution vers une migraine chronique.

Chronicisation. Le diagnostic de migraine chronique peut être établi d’emblée ou faire suite à un abus des traitements de la crise qui favorise la chronicisation de la douleur. L’abus médicamenteux est défini par la consommation d’antalgiques non opioïdes (anti-inflammatoire non stéroïdien, paracétamol, aspirine) plus de 15 jours par mois, plus de 10 jours par mois pour les antalgiques opioïdes, un triptan ou un dérivé ergoté.

Migraine avec aura. Elle constitue un facteur de risque vasculaire indépendant avec notamment un risque plus élevé d’accident vasculaire cérébral ischémique « en particulier en cas de tabagisme associé ou de prise d’une contraception œstroprogestative qui est d’ailleurs contre-indiquée dans ce cas », précise la neurologue.

PRISE EN CHARGE

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Les nouvelles recommandations publiées en 2021 par la Société française d’études des migraines et céphalées (SFEMC) guident la stratégie de prise en charge des patients migraineux.

Les traitements de la crise doivent permettre de soulager la céphalée migraineuse en réduisant sa durée et son intensité. Un traitement de fond peut parfois être instauré pour réduire la fréquence et/ou la sévérité des crises. Dans ce cadre, la tenue d’un « agenda de crises » permet d’évaluer la fréquence des céphalées et d’apprécier l’efficacité des traitements mis en place.

TRAITEMENT DE LA CRISE

L’objectif recherché est un soulagement de la céphalée dans les 2 heures, sans récurrence dans les 24 heures. Le traitement est d’autant plus efficace qu’il est pris dans l’heure qui suit la survenue de la céphalée. La prescription doit comporter un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) et un triptan afin que le patient puisse gérer son traitement selon les indications suivantes.

En première intention

Migraine d’intensité légère à modérée : AINS ou aspirine notamment associé au métoclopramide en cas de nausées ou vomissements : acide acétylsalicylique + métoclopramide (Migpriv), ibuprofène, kétoprofène. Ils limitent l’inflammation méningée et la libération de substances algogènes.

Le paracétamol n’est recommandé qu’en cas d’intolérance ou de contre-indications aux AINS. Les antalgiques associés à la caféine ne sont pas préconisés car ils favorisent la chronicisation. Il en va de même pour les opioïdes qui exposent à un mésusage, une dépendance ainsi qu’à un risque d’abus médicamenteux.

Migraine d’intensité modérée à sévère : triptan + éventuellement AINS 1 heure après en cas de soulagement insuffisant. Les triptans, agonistes de certains récepteurs 5-HT1 de la sérotonine, vont exercer une vasoconstriction des vaisseaux cérébraux et une inhibition de l’inflammation locale. Un patient non répondeur à un triptan peut l’être à un autre. « En cas de crise d’intensité sévère, comme celles qui réveillent la nuit ou qui surviennent au moment du cycle menstruel, on recommande de prendre simultanément l’AINS et le triptan », indique le Dr Christian Lucas, neurologue.

→ À noter. Du fait d’une moins bonne efficacité par rapport aux triptans et de leurs effets indésirables potentiels cardiovasculaires, les dérivés ergotés (Diergospray, Gynergène caféine) ne sont indiqués qu’en dernière intention.

Migraine avec aura : AINS dès l’apparition de l’aura + triptan au début de la céphalée (le triptan est sans effet sur l’aura).

En cas d’échec

Avant de conclure à l’échec d’un AINS ou d’un triptan, ils doivent être essayés sur trois crises. Si l’inefficacité est constatée, il est alors possible de tester un autre AINS ou un autre triptan.

En cas d’action insuffisante, il est important en premier lieu de s’assurer que les modalités de prise sont correctes (prise précoce, notamment). Une optimisation des posologies du triptan ou de l’AINS ou encore un changement de galénique pour le triptan (spray nasal, forme à délitement oral) sont ensuite proposés.

TRAITEMENT DE FOND

Un traitement de fond est recommandé chez les patients qui ont recours à un traitement de la crise au moins 8 jours par mois ou dont les migraines impactent fortement leur quotidien, mais également chez les personnes atteintes de migraine chronique (lire la définition p. 16).

Cette thérapeutique, encore insuffisamment prescrite du fait, entre autres, d’un retard de diagnostic ou d’une méconnaissance de la stratégie de prise en charge optimale du patient migraineux, n’a pas pour objectif d’éliminer les crises mais vise à en réduire leur fréquence et, ainsi, permettre une diminution de la consommation des traitements de la crise et une amélioration la qualité de vie.

Molécules recommandées

Les bêtabloquants (propranolol et métoprolol) ou, en cas de contre-indications ou d’échec de ces traitements, l’amitriptyline (Laroxyl et Élavil), le candésartan (Atacand, Kenzen, etc., hors autorisation de mise sur le marché) ou le topiramate (Épitomax) sont les médicaments indiqués en première intention.

En deuxième intention, l’oxétorone (Nocertone) ou le pizotifène (Sanmigran), voire la flunarizine (Sibelium) qui ne doit être utilisée que lorsque les autres thérapeutiques sont inefficaces ou qu’elles sont mal tolérées, sur une durée de 6 mois maximum, peuvent être proposées. D’autres molécules sont parfois utilisées hors autorisation de mise sur le marché (AMM). C’est notamment le cas de la venlafaxine (Effexor).

En pratique, le traitement de fond est instauré à dose progressive, puis maintenu entre 6 et 12 mois en cas d’efficacité avant d’envisager une diminution progressive des posologies.

Place des anti-CGRP

Les anticorps monoclonaux anti-CGRP (frémanézumab et galcanézumab, disponibles en ville, et érénumab, à usage hospitalier) sont les premiers traitements de fond, non remboursés à ce jour, qui ont une action spécifique sur la migraine.

Ils fonctionnent en bloquant l’action du CGRP responsable d’une vasodilatation et d’une inflammation locale (lire la physiopathologie p. 16).

Les anti-CGRP sont indiqués chez les personnes qui présentent au minimum 8 jours de migraine par mois et après échec d’au moins deux traitements de fond.

Toxine botulique

En 2021, la toxine botulinique a obtenu une indication en prophylaxie de la migraine chronique chez des patients intolérants ou non répondeurs aux autres traitements de fond.

En injection intramusculaire au niveau de la face et du cou (en milieu hospitalier) tous les 3 mois, elle agit en bloquant les signaux de transmission de la douleur et en inhibant la libération de molécules, dont le CGRP.

PRATIQUES NON MÉDICAMENTEUSES

Certaines ont fait l’objet d’études cliniques démontrant qu’elles pouvaient améliorer la qualité de vie et aider à espacer les crises :

→ les thérapies cognitives et comportementales (TCC) de gestion du stress, en particulier celles incluant la méditation pleine conscience qui a montré un bénéfice dans un contexte de stress et d’anxiété induit par la maladie elle-même ;

→ la neurostimulation électrique transcutanée (Tens) au niveau supra-orbitaire, surtout utile en traitement de fond, à raison d’une séance de 20 minutes chaque jour. Des appareils sont disponibles dans le commerce (Cefaly, Paingone Qalm, etc.). Pour le Dr Donnet, cette technique est « moins efficace [en traitement de fond] mais peut être essayée en traitement de la crise » ;

→ l’acupuncture ;

→ l’activité physique, notamment les sports d’endurance (natation, marche, course à pied, etc.).

ACCOMPAGNEMENT DU PATIENT

À domicile ou au décours d’une hospitalisation, l’infirmière doit être à même d’échanger avec le patient sur son traitement, lui prodiguer des conseils, l’informer, etc. (lire l’encadré « Pour dialoguer avec le patient » p. 20)

OBSERVANCE

Traitement de la crise. Un échec du traitement de la crise peut être dû à l’usage du paracétamol au préalable alors qu’un AINS ou un triptan aurait été nécessaire d’emblée. Un triptan, prescrit dans le respect de ses contre-indications, est sûr et n’induit pas de risques cardiovasculaires.

Traitement de fond. Encourager le patient à respecter les posologies prescrites.

Agenda des crises. La personne migraineuse consigne l’intensité des crises, le moment de leur survenue et leur durée, et les médicaments pris. Il s’agit d’un outil de suivi indispensable lorsque les céphalées se répètent. À remplir via l’application mobile Apo Migraine ou en version papier (téléchargeable sur le site de SFEMC ou de l’association La Voix des Migraineux).

Migraine avec aura. Encourager l’arrêt du tabac ainsi que la prise en charge des autres facteurs de risque cardiovasculaires (surpoids, hypertension artérielle, diabète, etc.).

« GÉRER » UNE CRISE

Dès le début des symptômes, s’isoler, si possible, dans une pièce au calme, sombre et fraîche, et bien s’hydrater en cas de vomissements. L’application de froid sur la tête peut permettre de soulager la douleur (poches de froid, roll on au menthol, par exemple). De même, la caféine, de par son action vasoconstrictrice, peut calmer la céphalée, mais consommée en excès, elle peut l’entretenir. Les antalgiques renfermant de la caféine ne sont d’ailleurs pas recommandés pour la migraine.

AU QUOTIDIEN

Rythme de vie régulier. Ce sont surtout les variations brutales de rythme de vie ou d’état qu’il convient de « maîtriser » : saut de repas, relâchement de la pression durant le week-end ou les vacances (ce qui, paradoxalement, peut déclencher une migraine). Apprendre à lâcher prise via des techniques de relaxation peut être utile : sophrologie, méditation, yoga, etc. L’activité physique a prouvé son efficacité lorsqu’elle est pratiquée de façon régulière et progressive.

Alimentation. Bien que l’identification des facteurs déclenchants au niveau alimentaire reste assez difficile, essayer autant que possible de repérer quels aliments ne conviennent pas.

Autres. Se protéger de l’éblouissement provoqué par le soleil ou à réverbération en portant des lunettes solaires. Des filtres antilumière bleue protègent des lumières des écrans et des Led.

RÉFÉRENCES

Recommandations

• Lantéri-Minet M., Valade D., Géraud G. et al., « Prise en charge diagnostique et thérapeutique de la migraine chez l’adulte et chez l’enfant », Revue neurologique, 2013;169:14-29. En ligne sur : bit.ly/32EZ892

• “Revised guidelines of the French Headache Society for the diagnosis and management of migraine in adults. Part 1: Diagnosis and assessment” (bit.ly/3bBs0bS) ; “Revised guidelines of the French Headache Society for the diagnosis and management of migraine in adults. Part 2: Pharmacological treatment” (bit.ly/3ynDWH6) ; “Revised guidelines of the French Headache Society for the diagnosis and management of migraine in adults. Part 3: Non-pharmacological treatment” (bit.ly/3u3Fmnu), Revue neurologique, Sept. 2021;177(7):725-59. La traduction en français est en cours et sera disponible sur le site de la Société française d’études des migraines et céphalées (SFEMC).

• Comité de classification des céphalées de la Société internationale des céphalées, « La Classification Internationale des Céphalées (ICHD-3) ». À télécharger sur le site de la SFEMC : sfemc.fr

Autres sources

• Base de données publique des médicaments.

• Collège des enseignants de neurologie, « Migraine, névralgie du trijumeau et algies de la face ». En ligne sur : bit.ly/3I1aZnE

• Haute Autorité de santé, « Avis de la Commission de la transparence Ajovy (frémanézumab) », 16 septembre 2020. En ligne sur : bit.ly/3bzr1sH

• Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), « Migraine une maladie de mieux en mieux connue », mis à jour le 25/09/2020. En ligne sur : bit.ly/3y3rzyF

• Centre de référence sur les agents tératogènes, « Antimigraineux et grossesse », mis à jour le 26 mars 2021. En ligne sur : bit.ly/3QMCtBn

• Fiches d’information sur la migraine et les céphalées de tension, et informations à destination des patients ou des professionnels de santé sur le site de la SFEMC.

• Association de patients La Voix des Migraineux : www.lavoixdesmigraineux.fr

VIGILANCE

“Il faut différencier migraine et céphalée de tension”

Dr Anne Donnet, neurologue cheffe de service du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur à l’hôpital de la Timone, à Marseille (Bouches-du-Rhône).

« La migraine est une pathologie sous-diagnostiquée pour laquelle l’automédication est importante.

Or, un diagnostic non posé ou une mauvaise compréhension/adaptation du traitement ne permet pas une prise en charge optimale, d’où des céphalées qui durent ou des crises qui se répètent, avec le risque, au final, de surconsommer des antalgiques. Il faut agir fort et vite pour désamorcer une crise, or, prendre du paracétamol retarde le recours à un AINS ou à un triptan qui mettra plus de temps pour être efficace. Il est donc important d’orienter vers un avis médical lorsqu’un diagnostic n’a jamais été posé et d’éduquer le patient pour différencier migraine et céphalée de tension qui peuvent être associées. »

Épidémiologie

→ La migraine affecte environ 15 % de la population adulte avec un pic de fréquence entre 35 et 39 ans. Elle touche 2 femmes pour 1 homme.

→ Environ un tiers des patients souffrant de migraine ont une migraine avec aura. Les symptômes visuels sont les plus fréquents, d’où le terme de « migraine ophtalmique ».

→ Environ 3 % des patients souffrant de migraine épisodique développent une migraine chronique chaque année.

→ Chez l’enfant, la prévalence de la migraine est estimée entre 3 et 7 %.

Sources : Recommandations 2021 sur la migraine de l’adulte, et Recommandations 2012 sur la migraine de l’adulte et de l’enfant, Société française d’études des migraines et céphalées (SFEMC).

POUR DIALOGUER AVEC LE PATIENT

Muriel Le Tutour, infirmière ressource douleur chargée des consultations céphalées complexes et migraines au sein du Service interdisciplinaire douleur soins palliatifs et de support au CHU de Nantes (Loire-Atlantique), revient sur les informations clés à transmettre pour optimiser le diagnostic et la prise en charge.

NE PAS BANALISER LES CÉPHALÉES

La migraine n’est pas un simple mal de tête. C’est une pathologie neurologique dont il y a presque autant de formes que de patients. Certains ont deux ou trois crises par an qu’ils gèrent bien. Mais encore faut-il que le diagnostic ait été posé et que le traitement soit adapté. D’autres souffrent de céphalées plusieurs jours par mois et ont une qualité de vie fortement dégradée. Entre les deux, tous les cas sont possibles. Prendre des antalgiques, ne serait-ce que du paracétamol plusieurs jours par mois pour soulager des maux de tête doit inciter à consulter.

APPRENDRE À DISTINGUER MIGRAINE ET CÉPHALÉE « BANALE »

C’est important car la prise en charge diffère (le paracétamol peut suffire pour une céphalée de tension, même s’il ne constitue pas la seule solution, alors que les triptans sont inefficaces) mais ce n’est pas toujours facile. Des céphalées unilatérales, à bascule (une fois à gauche, une fois à droite), pulsatiles (demander au patient s’il a l’impression que son cœur bat dans sa tête), avec souvent des nausées et/ou des vomissements et/ou une aggravation avec le bruit, la lumière ou les odeurs sont caractéristiques d’une migraine. Le besoin d’être dans le noir ou des maux de tête qui réveillent la nuit est également très évocateur d’une crise de migraine.

OPTIMISER LES TRAITEMENTS DE LA CRISE

AINS ou triptans se prennent idéalement dans l’heure qui suit le début de la céphalée, voire en même temps si la crise est intense. Différer leur prise par crainte d’effets indésirables ne fait qu’aggraver la situation : la migraine risque de durer plus longtemps, d’être plus intense et, au final, consommer davantage de médicaments. Ce qui est justement ce que l’on souhaite éviter !

EXPLIQUER LE DÉLAI D’ACTION D’UN TRAITEMENT DE FOND

Il doit être pris au moins 3 mois à dose efficace, donc après l’augmentation initiale de posologie, pour juger de son efficacité. Beaucoup de patients le prennent pendant 1 mois puis se découragent ou augmentent trop vite les posologies et le supportent mal.

L’INTÉRÊT D’UN AGENDA DES CRISES

Il guide la prise en charge dès lors que les migraines surviennent plusieurs fois par mois. Par exemple, 8 jours de migraine dans le mois incitent à mettre en route un traitement de fond ou à le réévaluer s’il est déjà prescrit. Si les 8 jours de céphalées surviennent en deux crises prolongées, cela révèle plutôt une gestion incorrecte des traitements de la crise. Il est essentiel pour le médecin d’avoir ces informations pour pouvoir adapter le traitement.

AGIR SUR L’HYGIÈNE DE VIE

L’éviction complète des facteurs favorisants les crises est impossible et peut affecter négativement la qualité de vie. Certaines règles d’hygiène de vie peuvent en revanche avoir un impact favorable sur les crises : pratiquer une activité physique en aérobie qui plaît pour faciliter l’adhésion et le maintien dans le temps (marche rapide, natation, vélo, etc.), avoir un rythme de sommeil et de repas régulier et éviter les excitants (café, thé, etc.). Pour les personnes anxieuses, il peut être intéressant de les orienter vers une thérapie cognitive et comportementale de gestion du stress ou des émotions, ou vers des pratiques psychocorporelles (yoga, méditation, tai-chi, etc.).

Info +

LA MIGRAINE DE L’ENFANT

• Chez l’enfant, les crises durent généralement moins longtemps que chez l’adulte, mais sont souvent intenses et associées à une pâleur et des signes digestifs au premier plan.

• Le traitement de la crise repose sur l’ibuprofène en première intention si le paracétamol n’est pas efficace. Le sumatriptan par voie nasale est le seul triptan utilisable chez l’enfant à partir de 12 ans. En traitement de fond, les méthodes psychocorporelles (relaxation, TCC, hypnose, etc.) sont encouragées.

L’AVIS DU SPÉCIALISTE

“Les anti-CGRP sont efficaces chez 70 à 80 % des migraineux sévères”

Dr Christian Lucas, neurologue chef de service du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur, CHU de Lille (Nord), et président de la Société française d’études des migraines et céphalées (SFEMC).

« Les anti-CGRP constituent une petite révolution pour la prise en charge des migraineux sévères mais ils ne sont malheureusement pas remboursés en France. Ils sont efficaces dans 70 à 80 % des cas avec une diminution de la fréquence des crises de 50 à 75 %. 10 % des patients n’ont même quasiment plus de migraines. Ils n’entraînent pas d’interactions médicamenteuses et sont bien tolérés, ce qui est un atout par rapport aux autres traitements de fond responsables d’effets sédatifs ou d’une prise de poids, notamment. L’eptinézumab (Vyepti), un anti-CGRP qui a obtenu une AMM européenne, sera remboursé mais sa prescription, réservée aux neurologues hospitaliers, son administration en perfusion intraveineuse tous les 3 mois en hospitalisation de jour et son coût en limiteront l’accès. »

Info +

MIGRAINE, GROSSESSE ET CONTRACEPTION

• La contraception œstroprogestative (orale, patch, anneau intravaginal) est contre-indiquée en cas de migraine avec aura. Un dispositif intra-utérin au cuivre ou une contraception progestative sont recommandés.

• Chez les femmes souffrant de migraine cataméniale, une contraception hormonale (progestative ou œstroprogestative) prise en continu peut être proposée de manière à induire une aménorrhée.

• En cas de grossesse, le traitement de la crise à privilégier est le paracétamol, les AINS étant déconseillés pendant les deux premiers trimestres et contre-indiqués à partir du sixième mois. Si un triptan est nécessaire, le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat) préconise le sumatriptan ou, en cas d’inefficacité, le rizatriptan ou le zolmitriptan. Si un traitement de fond est nécessaire, l’amitriptyline, le propranolol ou le métoprolol sont à privilégier.