Approche naturelle - L'Infirmière Magazine n° 386 du 01/10/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 386 du 01/10/2017

 

FORMATION

L’ESSENTIEL

Claire Manicot*   Marie-Agnès Deslescluse**   Muriel Martineau***   Brigitte Fontaine****  


*sage-femme consultante en lactation
**médecin gynécologue du planning familial 44
***gynécologue obstétricienne, consultante en lactation, au Centre hospitalier Angoulême

Les méthodes de contraception naturelles ont le vent en poupe. Les professionnels de santé les ont longtemps ignorées, au regard de leur moindre efficacité. Aujourd’hui – sans forcément les promouvoir –, ils acceptent d’en parler avec les usagers.

Étant donné le contexte de méfiance envers la pilule et d’une manière générale envers les dispositifs médicalisés, il y a un regain d’intérêt pour les méthodes de contraception naturelles, qui furent longtemps réservées à des cercles restreints, notamment d’obédience religieuse. Les méthodes de contraception naturelles sont explicitées aujourd’hui sur le site officiel choisirsacontraception.fr ou sur les fiches mémos du site de la Haute autorité de santé (HAS). En effet, les professionnels de santé s’accordent pour penser que la meilleure contraception est celle que la femme choisit. Leur rôle est de donner toutes les informations et de rappeler les limites en termes d’efficacité (voir tableau p. 43) afin qu’elle puisse faire un choix éclairé et assumer un risque a priori plus élevé de grossesse. Ces méthodes exigent des femmes qu’elles connaissent bien leur corps ; des couples, une confiance, un engagement et une maîtrise de leur sexualité, et l’acceptation de périodes d’abstinence. Et, ainsi qu’une certaine frustration, puisque la période de fécondité correspond à une augmentation de la libido chez la femme.

Le coït interrompu

Le coït interrompu ou retrait est une méthode ancestrale encore utilisée (et beaucoup plus qu’on ne le pense). L’homme retire son pénis du vagin et éjacule à l’extérieur (mais à distance de l’entrée du vagin). Pour être efficace, il ne faut pas avoir deux rapports consécutifs. Cette technique demande une excellente maîtrise de l’homme qui doit reconnaître les signes de l’éjaculation et… de la femme, une grande confiance en son partenaire. Cela suppose aussi de part et d’autre d’accepter une frustration.

Les méthodes basées sur le cycle

Elles visent à identifier l’ovulation afin d’éviter d’avoir des rapports à ce moment-là, à moins d’utiliser des préservatifs. Déterminer la période de fertilité reste difficile car on doit anticiper. En théorie, l’ovulation se produit quatorze jours avant les règles suivantes. Les spermatozoïdes peuvent vivre jusqu’à quatre à cinq jours dans les organes génitaux de la femme et l’ovule est fécondable pendant deux à trois jours après l’ovulation. Il faut bien noter que les ovulations et donc les périodes de fécondité peuvent varier en fonction de divers facteurs (stress, voyage, maladie …?). Les méthodes demandent un apprentissage et seront plus efficaces après un temps d’observation des cycles. Elles nécessitent de noter son état de fertilité et ses règles sur un graphique.

La méthode Ogino

Il s’agit d’une abstinence périodique pendant les jours avant et après l’ovulation théorique chez les femmes dont le cycle est régulier. Le Dr Ogino, médecin japonais du XXe siècle, a estimé que la période ovulatoire s’étend du 12e au 16e jour après le début des règles et recommande de ne pas avoir de rapports sexuels entre le 8e et le 17e jour après le début des règles. Cela reste une estimation, seulement applicable pour des cycles de vingt-huit jours (en cas de cycles irréguliers, cela nécessite de prendre comme référence les cycles les plus longs et les plus courts, sachant que l’ovulation est en principe quatorze jours avant les règles qu’on ne connaît pas d’avance et augmente la période d’abstinence, d’autant plus que les cycles sont irréguliers).

La méthode des températures

La femme prend sa température tous les jours au lit avant de se lever, toujours par la même voie (axillaire, rectale ou buccale). Le jour de l’ovulation est identifié par une montée de température de 0,2 à 0,4?°C. Elle peut a priori avoir des rapports sexuels non protégés trois jours après Mais cette méthode ne permet pas d’appréhendre la période de fécondabilité procédant l’ovulation. La température sera transcrite sur une courbe qui débute le premier jour des règles.

La méthode Billings

La période de l’ovulation est déterminée à partir de l’aspect de la glaire cervicale examinée avec les doigts, au niveau de la vulve. Une sensation de sécheresse correspond à la période inféconde. Quand une sensation humide est ressentie, la période fertile approche. Lorsque la glaire s’amincit (on dit qu’elle est filante), est abondante, s’étire de plus de 5 mm entre le pouce et l’index, la femme est féconde. Cette méthode peut être utilisée en complément de la méthode des températures ; on parle alors de méthode sympto-thermique.

Les moniteurs d’ovulation (Persona, Clearblue)

La femme plonge chaque matin une bandelette dans ses urines puis passe celle-ci dans un lecteur. S’il y a une lumière verte, la journée est sûre, si la lumière est rouge, l’ovulation approche. Cette méthode est basée sur la durée du cycle et le résultat des bandelettes qui dépistent le pic hormonal ovulatoire de LH qui survient 35 heures avant l’ovulation. Si le conjoint est hyperfécond (certains spermatozoïdes sont vivants trois à quatre jours), cette méthode ne peut fonctionner. En revanche, elle est intéressante pour les couples qui veulent favoriser une grossesse. Elle fait figure d’exception par rapport aux autres car elle a un coût de 300 euros la première année (lecteur + bandelettes), 200 euros par an ensuite.

La méthode MAMA

Contrairement aux autres méthodes, MAMA (méthode de l’allaitement maternel et de l’aménorrhée) est une méthode de contraception sûre. Elle a été jugée fiable par des experts du monde entier réunis en 1995 à Bellagio, en Italie(1). La HAS la cite dans son rapport sur l’allaitement en 2002(2) ainsi que dans sa fiche mémo du post-partum de 2015(3).

L’allaitement peut être contraceptif si trois conditions sont réunies : enfant de moins de 6 mois ; allaitement exclusif (sans complément quel qu’il soit, ni eau ni lait artificiel) ; aménorrhée : absence de retour de couches. Attention : ne pas confondre le retour des couches avec les lochies, pertes sanguines du post-partum qui durent tant que la muqueuse utérine n’est pas cicatrisée (abondantes jusqu’à deux semaines après l’accouchement, clairsemées et faibles jusqu’à six semaines après). Le retour de couches est caractérisé par un saignement de plus de deux jours intervenant plus de dix jours après l’arrêt des lochies. C’est la succion régulière du mamelon qui augmente la production de prolactine, ce qui inhibe l’ovulation et donc le cycle menstruel. Les tétées se font à la demande, jour et nuit, six à dix fois par jour, en allaitant au moins toutes les quatre heures le jour et toutes les six heures la nuit. La MAMA reste une méthode mal connue et peu conseillée par le corps médical d’autant qu’en France, l’allaitement exclusif est rarement prolongé au-delà de quelques semaines, la reprise du travail des mères est rapide et « il est culturellement admis que les bébés doivent rapidement faire leurs nuits complètes »(4). Cette méthode, bien que très efficace, correspond peu aux mentalités françaises mais peut parfaitement convenir à certains couples et certains bébés.

1- Réunion parrainée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Family Health International (FHI) et l’Institut de santé reproductive de l’université de Georgetown.

2- Allaitement maternel, mai 2002 https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/Allaitement_rap.pdf

3- Fiche mémo, « contraception chez la femme en post-partum », 2015 https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2015-02/1e_ maj-contraception-post-partum-060215.pdf

4- « La MAMA est-elle adaptée aux habitudes culturelles françaises ? » par Isabelle Steffan, mémoire CREFAM 2009 file:///C:/Users/User/Downloads/ Isabelle_Steffan_ memoire.pdf

PRATIQUE

Où noter son cycle ?

→ Sur une grille papier. Sur le site internet methodes-naturelles.fr de l’association chrétienne Cler, rubrique documents à télécharger, ou sur le site sympto.org de la fondation non confessionnelle SympoTerm. Les grilles papier ne figurent sur aucun site officiel.

→ Sur une application à télécharger sur son téléphone portable. « Flo period tracker » permet de générer des graphiques, de suivre sa température et l’état de la glaire cervicale.