Des patients suivis à la trace - L'Infirmière Magazine n° 370 du 01/04/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 370 du 01/04/2016

 

FORMATION

ORGANISATION

CLARISSE BRIOT  

Maillon essentiel du parcours du patient à l’hôpital, l’organisation de la fonction brancardage doit répondre aux exigences d’efficacité, de réactivité et de sécurité. Illustration avec la réorganisation déployée au CH de Vienne, qui s’accompagne de l’informatisation de la gestion des transports.

Dans les couloirs du CH de Vienne (38) – 649 lits et places –, il n’est pas rare de croiser un brancardier pianotant sur un smartphone. Serait-il occupé à envoyer des textos ou à terminer une partie de Candy Crush ? Non, évidemment. Le smartphone est, depuis un peu plus d’un an, son nouvel outil de travail. Il est l’élément visible d’une réorganisation de la fonction brancardage dans l’établissement, dont l’origine remonte à un événement indésirable grave d’identitovigilance survenu fin 2012, lors du transfert d’un patient d’une unité de soin vers un plateau technique.

Nouvelles procédures

À la suite de cet événement, l’hôpital a mis en place de nouvelles procédures.

→ La pose d’un bracelet d’identification lors de l’admission du patient est généralisée et un protocole de vérification d’identité à toutes les étapes de sa prise en charge est établi, notamment pour les phases où les risques sont majorés : les transports vers le bloc opératoire et les plateaux techniques.

→ Une feuille de route papier est mise en place pour sécuriser la liaison entre les services et le brancardage. « Y sont notamment mentionnés l’identité complète du patient à transporter (au moyen d’une étiquette), le numéro de chambre, la présence du dossier médical et la cohérence patient/bracelet/ dossier/étiquettes, détaille Christine De Coster, cadre supérieure de gérontologie qui a travaillé sur ces nouvelles procédures. Le brancardier doit vérifier ces éléments d’identification avec un soignant du service qui appose sa signature sur la feuille de route. »

Entraide

Cette étape supplémentaire nécessite une réorganisation de la fonction brancardage. « Jusque là, nous fonctionnions de façon totalement déconcentrée, explique Chantal Tenet-Bouvier, cadre supérieure du pôle médecine-urgences qui a planché sur le sujet. Il y avait des brancardiers identifiés dans des secteurs précis : le bloc opératoire, l’imagerie, la cardiologie et la neurologie. Ils avaient leurs brancardiers propres, qui prenaient en charge uniquement les transports de leurs unités. Nous avons souhaité élargir la prestation brancardage sur l’ensemble de l’hôpital, pour qu’elle couvre également les transports inter-unités, et revoir la répartition des effectifs, car nous constations des déséquilibres. »

Plateau d’imagerie, bloc opératoire et plateau d’endoscopie digestive, consultations de spécialités, cardiologie, pneumologie, neurologie et service des urgences : tous ont désormais recours à la même et unique équipe de brancardage (17,15 ETP à l’heure actuelle). « Nous avons créé une sorte de pool, précise Chantal Tenet-Bouvier. Même si les brancardiers restent attachés à un plateau technique, ils ont tous les mêmes façons de travailler et peuvent s’entraider, glisser par exemple de l’imagerie au bloc opératoire, en fonction de l’activité. »

Gestion informatisée des transports

Depuis janvier 2015, cette nouvelle organisation s’accompagne de l’informatisation de la gestion des transports.

→ Le processus est le suivant :

- les demandes de transferts, saisies par les unités de soins dans un logiciel maison, sont directement transmises aux brancardiers via leurs smartphones ;

– le brancardier disponible sélectionne la course sur son terminal et indique qu’il la prend en charge. Ainsi, dans le cas d’un trajet retour, il se rend au plateau technique, valide la prise en charge du patient sur le téléphone après avoir vérifié son identité ;

– le brancardier effectue le transfert, puis confirme l’arrivée du patient dans son service et demande à un soignant d’apposer ses initiales sur le smartphone, attestant ainsi que son identité a bien été vérifiée.

→ L’informatisation permet un gain de temps et une communication en temps réel. « Les avantages sont nombreux, témoigne Guillaume Cataldi, brancardier rattaché au service de cardiologie. D’abord, toutes les informations nous parviennent directement et de façon complète : nom, prénom, date de naissance, chambre du patient, côté porte ou fenêtre. Auparavant, nous ne disposions pas forcément de tous ces éléments, qu’il fallait parfois aller chercher auprès des soignants ou sur le tableau des entrées. C’est donc un gain de temps et cela réduit les risques d’erreur. » L’agent pointe également les bénéfices pour la coordination entre brancardiers. « Sur mon pôle, nous sommes deux. Dès que l’un valide une course, elle disparaît du smartphone de l’autre. Cela évite que l’on se rende tous les deux sur place pour la même course. Par ailleurs, on peut se joindre aisément. » Cette facilité est également appréciée des services. « Auparavant, les agents fonctionnaient avec un bip, explique Christine De Coster. Une fois l’appel reçu, ils devaient raccrocher, puis trouver un téléphone et rappeler le numéro, en dérangeant parfois un soignant pour le faire. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, les services peuvent les joindre en permanence. » Les brancardiers sont également prévenus en temps réel si un transport s’ajoute ou s’annule, évitant des déplacements inutiles. De plus, ils peuvent optimiser leurs trajets en prenant en charge une course qui se situe à proximité, au lieu qu’un brancardier ne soit appelé depuis une autre extrémité de l’hôpital.

Recentrage sur les missions

Le redéploiement des effectifs de brancardage, accompagné par l’informatisation, a permis aux soignants de se recentrer sur leurs missions de soins. « Auparavant, nous étions amenés à transporter nous-mêmes les patients vers les plateaux techniques ou vers un autre service, témoigne Isabelle Chapuis, infirmière en cardiologie. Désormais, il y a toujours un brancardier pour le faire. Nous ne sortons quasiment plus du service. » La validation de la feuille de route papier ou son équivalent sur smartphone est en revanche ressentie comme un peu fastidieuse. « Cela demande que nous nous interrompions dans un soin, ce qui n’est pas très confortable », avance l’infirmière.

Répartition de la charge de travail

À l’échelle de l’’établissement, la gestion informatisée permet « une cartographie complète des transports, notamment inter-unité de soins, souligne Chantal Tenet-Bouvier. Nous avons pu mieux répartir la charge de travail des brancardiers et ajuster les moyens à l’activité. Ainsi, on s’est aperçu que le brancardier de neurologie était loin d’être utilisé de façon optimale. En gérontologie, alors que nous avions prévu la présence d’un brancardier le samedi matin, nous nous sommes rendus compte, au bout d’un mois, qu’elle était inutile ».

L’adaptation à la nouvelle organisation, aux procédures et au nouvel outil de gestion se fait progressivement. « Nous allons faire le point pour discuter d’éventuels ajustements, reconsolider ce qui est en place, questionner les unités qui ne l’utilisent pas », indique Christine De Coster. L’hôpital décidera ensuite de son éventuelle généralisation et de l’opportunité de passer à un véritable pool centralisé de brancardage.

INFORMATISATION

Un suivi très fin des anomalies

De nombreux établissements ont adopté une gestion informatisée et en temps réel du brancardage.

→ C’est le cas du CH de Valenciennes (59) – plus de 2 000 lits et 350 transports en moyenne par jour – depuis 2010. « Nous fonctionnions sur une fausse centralisation, sans traçabilité des actions, avec des pertes de temps, une fatigabilité des agents et aucune formalisation des demandes de transports », explique Nathalie Dhellem, directrice logistique. Depuis, la fonction est totalement centralisée. Saisies via le logiciel Théo, les demandes de transports parviennent au régulateur qui les attribue aux brancardiers. L’agent reçoit la demande sur son smartphone. Il valide la prise en charge puis confirme à nouveau, une fois le transfert terminé. « Un code couleurs en fonction des secteurs permet d’éviter les déplacements inutiles », précise Nathalie Cholet, responsable brancardage. Cette organisation fait gagner du temps et permet un suivi très fin des anomalies (25 types identifiés, la plus fréquente étant celle du patient pas prêt) qui sont ensuite exploitées avec les services pour donner lieu à des actions correctives. À la clé, une plus grand efficience : l’établissement a réduit ses effectifs de brancardiers (37 ETP contre 54 en 2010) et ses coûts de transports (- 17 % entre 2012 et 2015) alors que l’activité est croissante.

→ Au CHU de Dijon (21), qui a informatisé le brancardage dès les années 90, cette régulation se fait même de façon automatique depuis 2013. C’est un calculateur (et non plus un régulateur) qui sélectionne la course à donner selon des critères de temps, de distance et de priorité.