Des dispositifs implantables pour troubles cardiaques - L'Infirmière Magazine n° 370 du 01/04/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 370 du 01/04/2016

 

FORMATION

LA PATHOLOGIE

Dr FRANÇOIS WLART*   ANTOINE WALRAET**  

Moteur du système circulatoire, un cœur en bonne santé bat entre 60 à 100 fois par minute. Mais quand la mécanique se dérègle, dans certains cas d’arythmie cardiaque, l’implantation d’un dispositif permet d’aider le cœur à fonctionner correctement.

1. LE CŒUR : RAPPELS

Anatomie et fonctionnement

→ Le cœur est un muscle strié et creux, situé dans la cage thoracique. C’est une puissante pompe qui a la taille approximative d’un point fermé. Par contractions rythmiques, il permet d’assurer la circulation du sang dans l’organisme, essentielle au bon fonctionnement des autres organes. Il pompe en moyenne 5 à 6 litres de sang par minute, et bat en moyenne 100 000 fois par jour. Le cœur est ainsi « le moteur » du système circulatoire.

→ On distingue le cœur droit et le cœur gauche, chacun étant constitué de deux cavités : une oreillette au niveau supérieur et un ventricule au niveau inférieur. Ces quatre cavités jouent à la fois le rôle de réservoir et de pompe au sang. Ainsi, l’oreillette droite reçoit le sang appauvri en oxygène qui a circulé dans le corps par les veines caves. Le sang passe vers le ventricule droit qui le pompe vers les poumons via l’artère pulmonaire. L’oreillette gauche reçoit ensuite par l’intermédiaire des veines pulmonaires le sang nouvellement oxygéné. Enfin, le ventricule gauche envoie le sang par l’aorte dans tout l’organisme.

L’activité électrique du cœur

→ Comme tout muscle, le cœur se contracte et se décontracte, engendrant ainsi des battements cardiaques. Un cœur « en bonne santé » bat habituellement entre 60 à 100 fois par minute. Ces contractions sont assurées et coordonnées par le système de conduction électrique du cœur. Cette composante électrique est directement responsable de la phase mécanique de contraction/relaxation cardiaque avec laquelle elle est parfaitement synchronisée.

→ Cette activité électrique autonome est assurée par un ensemble de cellules spécialisées composées notamment du nœud sinusal, du nœud auriculo-ventriculaire, du faisceau de His et du réseau de Purkinje. Une impulsion électrique prend tout d’abord naissance dans le nœud sinusal, situé à la partie supérieure de l’oreillette droite. Puis le courant électrique parcourt les deux oreillettes. Ce signal active leur contraction, permettant le passage du sang des oreillettes vers les ventricules. Pendant ce temps, l’impulsion électrique atteint le nœud auriculo-ventriculaire. Depuis ce nœud, l’activité électrique se propage dans les ventricules le long des fibres dites « de conduction », ou « faisceau de His », organisées en deux branches, l’une pour le ventricule gauche et l’autre pour le ventricule droit, et qui se terminent par les fibres de Purkinje. Lorsque le signal est transmis aux ventricules, ceux-ci vont se contracter à leur tour.

→ Cette activité électrique produit des impulsions électriques que l’on mesure en réalisant un électro-cardiogramme (ECG). L’ECG enregistre une succession de séquences de l’activité électrique du cœur, représentées par des ondes nommées P, QRS et T. L’onde P est celle des oreillettes au moment de leur contraction, l’ensemble QRS correspond à la contraction des ventricules. L’onde T reflète le retour à la phase de repos (repolarisation) des ventricules.

2. LES PATHOLOGIES RYTHMIQUES

Habituellement, le rythme cardiaque est régulier. Il existe une synchronisation entre les battements des oreillettes et ceux des ventricules. On parle de « rythme cardiaque sinusal » : l’influx électrique prend bien naissance dans le nœud sinusal et sa distribution dans le cœur s’effectue selon une séquence rigoureusement ordonnée. Le cheminement électrique doit se faire sans ralentissement, ni retard. Toutefois, la formation ou la conduction de l’excitation électrique peuvent être perturbées.

Troubles conductifs : les bradycardies

Une bradycardie caractérise un rythme cardiaque trop lent par rapport à une situation donnée. Ces troubles conductifs – parfois asymptomatiques – peuvent se manifester par des malaises sans ou avec perte de connaissance (syncope), une dyspnée ou une asthénie. On distingue la dysfonction sinusale et le bloc auriculo-ventriculaire.

→ La dysfonction sinusale, trouble conductif situé au niveau du nœud sinusal dans l’oreillette. On distingue :

– la bradychardie sinusale (lorsque le rythme est lent et régulier) ;

– les pauses sinusales.

Lorsque la dysfonction sinusale est associée à des épisodes d’arythmie atriale, on parle de maladie rythmique de l’oreillette.

→ Le bloc auriculo-ventriculaire (BAV) est un trouble conductif situé à l’étage du nœud auriculo-ventriculaire ou du faisceau de His. On différencie :

– le BAV du 1er degré : la conduction entre l’oreillette et le ventricule est ralentie ; cela se manifeste sur l’ECG par un espace PR long ;

– le BAV du 2e degré : blocage intermittent entre l’oreillette et le ventricule ;

– le BAV du 3e degré (ou complet) : blocage permanent entre l’oreillette et le ventricule.

Les troubles conductifs sont généralement dégénératifs (liés au vieillissement). Parfois, ils sont aussi secondaires à la prise de médicaments bradycardisants (bêta-bloquant…) ou à des troubles ioniques (hyperkaliémie). Si ces troubles persistent après l’arrêt du médicament, ou si le traitement médicamenteux ne peut être stoppé, on propose alors au patient l’implantation d’un stimulateur cardiaque (pacemaker).

Troubles du rythme : les tachycardies

Une tachycardie caractérise un rythme cardiaque plus rapide que la normale. On distingue deux groupes de tachycardies selon l’étage en cause.

→ Les troubles du rythme atrial (ou supra-ventriculaire) : les arythmies surviennent dans les oreillettes. Les deux plus fréquents sont les fibrillations atriales et les flutters atrials. Ils ne constituent en général pas un risque vital, mais peuvent entraîner l’apparition de signes fonctionnels comme une dyspnée, des palpitations, une asthénie. Le risque principal est thrombo-embolique (accident vasculaire cérébral) par formation de caillots dans les oreillettes puis migration. Les traitements de première intention sont médicamenteux, associés à une éventuelle ablation par cathéter du foyer arythmique.

→ Les troubles du rythme ventriculaire : ils peuvent menacer le pronostic vital et entraîner un arrêt cardiaque (mort subite). On différencie :

– la tachycardie ventriculaire : l’arythmie est organisée et régulière ;

– la fibrillation ventriculaire : activité anarchique des ventricules conduisant à un arrêt cardiaque.

Un traitement médicamenteux pour éviter les récidives d’arythmie est généralement nécessaire, associé presque systématiquement à l’implantation d’un défibrillateur automatique implantable (DAI) pour protéger le patient d’une mort subite.

3. LES DISPOSITIFS MÉDICAUX IMPLANTABLES

Le stimulateur cardiaque

Les stimulateurs cardiaques, aussi appelés pacemakers, sont utilisés depuis plus de 50 ans. Actuellement, plus de 60 000 stimulateurs cardiaques sont implantés chaque année en France.

Fonctionnement

En cas de bradycardie, le stimulateur cardiaque va rétablir un rythme cardiaque normal. Le principe de base étant de délivrer une impulsion électrique de faible énergie au myocarde (muscle cardiaque) de façon à entraîner son excitation. La stimulation cardiaque vise à redonner au patient « électrostimulé » une activation électrique du cœur aussi proche que possible de la physiologie.

→ Cette stimulation est assurée par une ou des sonde (s) introduite (s) dans le ventricule et/ou dans l’oreillette. Ces sondes sont reliées à un boîtier de stimulation qui contient les programmes et les paramètres de surveillance du rythme cardiaque adaptés au patient. Il fournit, le cas échéant, l’énergie nécessaire à la délivrance des impulsions électriques. Le pacemaker a donc à la fois une fonction de stimulation et une fonction de surveillance du rythme cardiaque.

→ En fonction de l’origine du trouble électrique du cœur, différents modèles de stimulateurs peuvent être proposés aux patients, selon qu’ils stimulent une, deux ou trois cavités. On distingue les stimulateurs :

– mono-chambre (connectés à une seule sonde de stimulation, en général le ventricule droit) ;

– double-chambre (connectés à deux sondes : oreillette droite et ventricule droit) ;

– triple-chambre (reliés par trois sondes au cœur).

Indications/contre-indications

L’objectif premier des stimulateurs cardiaques est de traiter certaines bradycardies symptomatiques.

→ Ses deux principales indications sont :

– la dysfonction sinusale si celle-ci est associée à des symptomes,

– les BAV du 2e et du 3e degré, ainsi que les patients ayant fait des syncopes avec troubles conductifs identifiés à l’exploration électrophysiologique.

Par ailleurs, les patients présentant une insuffisance cardiaque avec altération de la fonction ventriculaire associées à des QRS élargis (entraînant un asynchronisme de contraction des ventricules) peuvent nécessiter l’implantation d’un stimulateur cardiaque triple chambre pour resynchronisation. Le but étant de stimuler le ventricule droit et gauche en même temps pour affiner les QRS et resynchroniser les parois des ventricules.

→ Les contre-indications existent en regard de l’acte chirurgical lui-même (trouble de l’hémostase, hyperthermie). Elles restent souvent transitoires.

Le défibrillateur automatique implantable

Inventé en 1967, le premier défibrillateur automatique implantable (DAI) a été posé sur l’homme en 1980. Ce dispositif médical présente un aspect similaire aux stimulateurs cardiaques.

Fonctionnement

Les DAI sont composés :

– d’un boîtier de défibrillation ;

– d’une sonde de défibrillation (implantée dans le ventricule droit). Elle peut être associée à d’autres sondes de stimulation.

→ Le DAI permet la détection et le traitement des troubles du rythme ventriculaire. Il possède les mêmes fonctions de stimulation qu’un pacemaker mais il est en plus capable de délivrer un choc électrique de plus haute énergie pour défibriller. Comme pour les pacemakers, différents modèles de DAI existent : mono, double et triple chambre.

→ Le boîtier du DAI se rapproche de celui du stimulateur cardiaque : il comprend une pile, des circuits électroniques permettant d’analyser le signal électrique du cœur, une mémoire interrogeable à distance, ainsi qu’un ou plusieurs capteurs. Le boîtier du DAI comprend, en plus, un condensateur permettant l’accumulation d’une charge d’énergie importante pour permettre la défibrillation. Grâce à des algorithmes, le DAI est capable de détecter et de discriminer les différences entre par exemple une arythmie atriale et une arythmie ventriculaire qui, elle, nécessite d’être traitée.

→ Comme pour les pacemakers, les DAI enregistrent leur activité au cours du temps, ce qui permet au rythmologue d’analyser plus finement les troubles du rythme dont souffre le patient. Ces dispositifs peuvent communiquer avec un « programmateur », c’est à dire avec un ordinateur placé dans le cabinet du cardiologue. Il sert à programmer le dispositif médical implantable ainsi qu’à récupérer les données d’activité enregistrées.

Indications/contre-indications

→ Les DAI sont indiqués :

• En prévention primaire, chez les patients présentant une cardiopathie à risque de mort subite (en général sur fibrillation ventriculaire) :

– cardiopathie avec une fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) < 35 % ;

– autres cardiopathies rythmiques (syndrome du QT long, syndrome de Brugada, dysplasies arythmogènes).

• En prévention secondaire, chez les patients ayant déjà eu des événements rythmiques comme :

– une mort subite récupérée ;

– une tachycardie ventriculaire ;

– une fibrillation ventriculaire.

→ Les contre-indications sont identiques à celles de la pose d’un pacemaker.

4. L’INTERVENTION CHIRURGICALE

La technique d’implantation d’un DAI est similaire à celle d’un pacemaker (PM).

• Cette chirurgie, généralement réalisée sous anesthésie locale, se déroule dans un environnement aseptique strict. Une heure avant l’intervention, une antibioprophylaxie est admnistrée au patient. Un anxiolytique peut être également prescrit en prémédication.

• L’implantation se fait habituellement sous la peau, en-dessous de la clavicule, et généralement en avant du muscle pectoral. Pour les PM, on préfèrera choisir un site d’implantation contro-latéral à la main dominante (donc en général à gauche) ; pour les DAI, une implantation au niveau prépectoral gauche offre de meilleurs vecteurs de défibrillation.

• Après une incision cutanée sous-claviculaire d’environ 3 à 5 cm, une poche sous-cutanée prépectorale est confectionnée pour recevoir le boîtier.

• La ou les sonde (s) sont ensuite positionnées dans leur (s) cavité (s) cardiaque (s) respective (s), sous contrôle radioscopique, par différents abords veineux : la veine sous-clavière, la veine céphalique. Le passage des sondes n’est pas douloureux.

• Les sondes sont fixées à la paroi du ventricule ou de l’oreillette grâce à une vis rétractile, sous contrôle scopique. On vérifie alors les bons paramètres de stimulation et de détection des sondes. Elles sont ensuite connectées au boîtier qui est introduit dans la poche préalablement réalisée.

• On procède à la fermeture cutanée à l’aide de fils de suture ou avec une colle dermique.

• Le PM/DAI est interrogé en fin de procédure pour vérifier son bon fonctionnement et pour procéder aux réglages des modes de stimulation/défibrillation. Dans certains cas, pour les DAI, un test de défibrillation est réalisé : on induit une fibrillation ventriculaire et on vérifie que le DAI la détecte et la traite correctement.

• L’implantation de ces dispositifs est une intervention courante dont la durée moyenne est de l’ordre de 45 à 60 minutes pour les dispositifs double-chambre ; il faut compter au minimum 90 minutes pour un triple-chambre.

5. LES COMPLICATIONS POSSIBLES

L’implantation d’un DAI ou d’un pacemaker n’est pas sans risque. Comme pour tout geste invasif, des complications peuvent survenir.

→ Les complications post-opératoires immédiates telles que :

– des complications hémorragiques et/ou un hématome (par exemple un hématome de la poche sous cutanée) ;

– des douleurs liées à l’intervention ;

– un déplacement de sonde précoce ;

– des troubles cutanés comme des rougeurs ;

– un pneumothorax (plus rare) ;

– un hémothorax lié au geste chirurgical (très rare) ;

– des stimulations phréniques liées à une position de la sonde trop proche du nerf phrénique ;

– un hémopéricarde avec ou sans tamponnade lié à la perforation du ventricule ou de l’oreillette lors de la mise en place des sondes.

→ Les complications plus tardives, telles que :

– le risque infectieux nécessitant de procéder à l’extraction du matériel (sonde et boîtier) : infection de la loge d’implantation suite ou non à l’extériorisation du stimulateur ; infection des sondes avec risque d’endocardite ;

– un risque thrombo-embolitique (rare).

→ Il existe également un risque de dysfonction de sonde lié à :

– un déplacement de sonde ;

– une fracture de sonde ;

– une rupture de l’isolant de la sonde qui aboutit à un défaut de stimulation ou de détection.

→ Cas particulier des DAI pouvant délivrer :

– des chocs électriques inappropriés : soit sur de la tachycardie sinusale ou sur une arythmie supraventriculaire, sur défaut de discrimination du DAI ;

– des chocs inappropriés suite à la détection d’interférences liées à une dysfonction de la sonde ou à l’existence d’un courant extérieur.

TECHNOLOGIES

De la télésurveillance à la miniaturisation

Plusieurs fabricants se partagent le marché des stimulateurs cardiaques et des défibrillateurs automatiques implantables (DAI), comme Medtronic, St. Jude Medical, Boston Scientific, Biotronik ou LivaNova, un marché porté par les évolutions technologiques.

Ainsi, de nombreux modèles peuvent échanger des informations avec un boîtier externe disposé à proximité immédiate du lit du patient. Ce boîtier est relié par téléphonie à un serveur de surveillance. Il peut ainsi avertir en permanence le centre d’implantation de toute anomalie détectée, que cela concerne le fonctionnement du dispositif implantable ou les paramètres enregistrés sur le patient.

Par ailleurs, la tendance est à la miniaturisation. Des « mini-stimulateurs cardiaques » sans sonde sont de plus en plus développés. Il s’agit de sortes de « capsules », de la taille d’une grosse pilule, directement fixée dans le ventricule. Ce dispositif commence à être implanté à quelques patients en France.

On assiste également à l’essor des défibrillateurs sous cutanés : le choc électrique est ici transmis par une sonde qui n’est pas fixée dans le cœur, mais implantée sous la peau, au-dessus du sternum. Le boîtier de défibrillation est lui latérothoracique, implanté sous l’aisselle. Avec ce procédé, on évite les risques d’infections intra-cardiaques, ainsi que les risques de fractures de sondes, et l’on préserve le capital veineux du patient.