« IL FAUT ÉVITER LA VISIOCONFÉRENCE ! » - L'Infirmière Magazine n° 290 du 01/12/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 290 du 01/12/2011

 

PSYCHIATRIE

ACTUALITÉ

Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, estime que l’application de la loi du 5 juillet 2011(1) ne peut se faire que sous certaines conditions.

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Cette loi est-elle, selon vous, un progrès pour les patients ?

JEAN-MARIE DELARUE : Il faut tout d’abord rappeler que l’hospitalisation sans le consentement est une mesure destinée à soigner les patients. Cependant, c’est aussi une mesure qui porte atteinte à la liberté individuelle puisqu’elle constitue une privation de liberté. Aujour­d’hui, la personne qualifiée pour garantir cette liberté est le juge des libertés et de la détention (JLD), alors qu’avant la loi du 5 juillet dernier, la décision de l’hospitalisation sans le consentement des patients revenait exclusivement aux préfets et aux psychiatres. L’intervention du JLD était facultative. Elle est devenue obligatoire avec cette loi, ce qui constitue un progrès indéniable en matière de respect des droits des patients et de liberté des personnes. C’est une prise de conscience positive.

L’I. M. : Que pensez-vous des trois options prévues pour organiser ces audiences ?

J.-M. D. : Il s’agit de l’audience au tribunal, du déplacement du JLD à l’hôpital pour une audience publique, et de la visioconférence. Sur la première option, la question du transport des patients au tribunal reste à régler. On sait combien les sorties des malades sont compliquées à organiser, autant pour les patients eux-mêmes que pour les soignants mobilisés pour les accompagner. Les patients sont fragiles, voire instables psychologiquement, ce qui rend une extraction de l’hôpital suivie d’une audience au tribunal déstabilisante, si ce n’est traumatisante. C’est pourquoi je pense que ce sont les JLD qui doivent se déplacer dans les hôpitaux psychiatriques. Les audiences doivent être tenues à l’hôpital, pas au tribunal ! C’est la recommandation que j’ai faite aux ministères concernés(2). Et j’ai conseillé aux directeurs d’établissement psychiatrique de construire des salles d’audience à cet effet, car il faut que les patients soient entendus dans les meilleures conditions possibles.

L’I. M. : Quelle est votre position sur une audience organisée en visioconférence ?

J.-M. D. : Il faut éviter à tout prix la banalisation de l’utilisation de la visioconférence, et ne pas céder à l’argument du moindre coût économique. Ce système n’est pas adapté, par exemple, à un patient ayant des tendances paranoïaques. La visioconférence représente une déstabilisation multipliée par 100 par rapport à une audience au tribunal, qui n’est déjà pas la meilleure option… Et puis, il me semble indispensable qu’un juge soit en contact direct avec un malade lorsqu’il s’agit d’une décision aussi délicate qu’une sortie de l’hôpital ou une poursuite de son hospitalisation sans son consentement.

1– Voir l’Infirmière Magazine n° 283, p. 6-7.

2– Avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté du 14 octobre 2011, paru le 9 novembre au Journal officiel.