DES HABITANTS IMPLIQUÉS CONTRE LES INÉGALITÉS - L'Infirmière Magazine n° 290 du 01/12/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 290 du 01/12/2011

 

SANTÉ PUBLIQUE

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

Le pari lancé par le service de santé de la ville de Nanterre est de partir des « savoirs profanes » des personnes pour améliorer leur état de santé.

Il n’y a pas que Neuilly dans les Hauts-de-Seine. Il y a également Nanterre et ses 91 000 habitants, une ville où les indicateurs socio-économiques et de santé sont plutôt mauvais. Alors, au lieu de plaquer des politiques de santé venues d’en haut, le service de santé de la ville a choisi d’inverser la logique, et de partir de la parole des habitants. Pourquoi ? Parce que, selon la responsable du service, le Dr Hélène Colombani(1), les politiques descendantes tendent à accentuer les inégalités de santé. Exemple avec le dépistage du cancer du sein. « Le dispositif est mal adapté, explique-t-elle. Les convocations sont envoyées par courrier, mais si les femmes les comprennent mal, elles les jettent. D’autres femmes ont peur du cancer, et ont le sentiment de ne pas avoir le contrôle sur la démarche. »

Capacité à agir

Partir de la parole des habitants doit permettre d’inverser la spirale péjorative, en jouant sur un facteur clé : la restauration de la capacité à agir, ajoute Hélène Colombani. Les habitants de Nanterre ont, ainsi, été mis à contribution pour établir un diagnostic de leurs besoins de santé : un questionnaire leur a été adressé par le service de santé de la ville, et leur diagnostic a été comparé avec celui posé par les professionnels de santé… À partir de cette double analyse, des priorités ont été retenues, en termes, notamment, de nutrition et de santé dentaire. Des groupes de femmes se sont en outre impliqués par le biais des centres sociaux. « Certaines se sont inscrites à un atelier de diététique, puis ont décidé de mettre en place un restaurant social, raconte le médecin. Elles ont écrit le projet, cherché des financements et mis en place d’autres actions de santé, en particulier autour du sport. Avec l’argent récolté grâce au restaurant, elles sont parties entre femmes, pour un voyage en Turquie ! »

Des femmes ont également coorganisé des rencontres avec les professionnels du service de santé de la ville : elles ont « démédicalisé » les propos, animé des ateliers, pris la parole lors des conférences. « Tout cela a contribué à ranimer leur capacité à agir », observe Hélène Colombani avec enthousiasme. Un groupe d’entraide mutuel (GEM) de patients a, par ailleurs, été intégré au conseil local de santé mentale, et des femmes ont été recrutées comme assistantes de prévention bucco-dentaire…

Le médecin estime que « l’éclairage par ces savoirs profanes permet de révéler des leviers d’action pour améliorer l’impact des politiques de santé. Il renforce la motivation et le dynamisme des habitants et donne de la perspective aux actions ». Et il montre que la somme des changements individuels peut déboucher sur un vrai changement social et structurel.

1– Propos tenus lors du congrès annuel de la Société française de santé publique (SFSP), le 4 novembre.

INFIRMIÈRES

Bientôt un master en santé publique ?

« Les infirmières qui travaillent en milieu scolaire, pénitentiaire, de travail ou ordinaire sont particulièrement bien placées pour repérer les besoins de santé, et il serait intéressant qu’au moins quelques-unes d’entre elles aient des connaissances en santé publique. » Forte de ce constat, Martine Guinard, professeur en sciences infirmières à l’École des hautes études en santé publique, a imaginé un master de santé publique qu’elle a présenté lors du congrès de la SFSP. Quasiment construit déjà, son programme sur deux ans comprend une année de tronc commun au département des sciences infirmières et paramédicales de l’EHESP (à Ivry, 94) et un niveau 2 axé sur la cancérologie, la gérontologie et la gestion des parcours complexes de soins. Lors du congrès, l’instigatrice du projet a lancé un appel : « Nous avons besoin du feu vert d’une université qui ose se lancer dans l’aventure ! »