Faire raisonner l'action en formation - Objectif Soins & Management n° 278 du 01/12/2020 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 278 du 01/12/2020

 

Management des soins

Dossier

Hélène Belou  

La formation professionnelle est assurée tant par l'Institut de formation que par le stage. Ces deux milieux ont pour vocation de faire construire des compétences dans et au travers les situations professionnelles dans une alternance intégrative (1).

Si la compétence se définit comme un « savoir agir complexe, mobilisant un ensemble de ressources internes et externes au sein d'une famille de situations (2), comment faire raisonner l'action pensée et/ou réalisée de telle sorte qu'elle donne un aperçu de la complexité des ressources mobilisées dans l'action par les acteurs, et de la complexité des conditions dans lesquelles ces actions se réalisent ?

Deux outils croisés aident à structurer le raisonnement de l'action : l'instruction au sosie issue du monde de l'ergonomie et le raisonnement de l'action tiré du champ de la didactique professionnelle. Enfin, l'article convoque les neurosciences cognitives pour éclairer les phénomènes de l'apprentissage.

Formations par les compétences : quels changements pour l'enseignement ?

Passer de l'approche pédagogique centrée sur les savoirs à une approche par les compétences (3) est pour le formateur en institut et le tuteur de stage un renversement des systèmes de formation et d'accompagnement. Avant l'ingénierie des formations par les compétences, l'attention de l'évaluateur se focalisait sur la performance et le résultat attendu. Avec les formations par les compétences, en plus du résultat et de la performance, il convient de faire émerger les conduites opératoires qu'un individu convoque pour la réalisation d'une tâche cohérente, pertinente, de qualité... Cette approche par les compétences illustre la réalité d'une mise en œuvre combinée d'un ensemble mobilisé par un professionnel. Ainsi, l'approche par compétences donnerait « plus de sens au métier d'élève » (4). Ce dernier prend une place au cœur du système de formation car devenant un « praticien réflexif » (ibid.), il explicite ses constructions intellectuelles, justifie ses raisonnements et prises de décisions et identifie ses leviers de développement.

Les outils d'aide à la mise en valeur des compétences

Les débriefings, les entretiens d'auto confrontation, les techniques de mises en récits sont autant d'outils disponibles qui permettent de rendre lisibles les raisonnements de l'action. Enoncer, expliciter ses chemins de pensée contribue à activer au niveau cérébral des mises en relation entre les informations nouvelles, perçues avec des connaissances préalables et à les organiser en système, de manière à faciliter leur maintien et leur intégration en mémoire. C'est un très beau « geste professionnel » (5) pour un formateur ou un tuteur que d'autoriser à un apprenant à élaborer sa pensée : Quelles informations a-t-il prises ? Où ? À quel moment ? Qu'est ce qui lui a fait penser ça ? Pourquoi ? En raison de quoi ? Quelles actions envisage-t-il, pour quoi ? Avec quels moyens, etc.

Apprendre pour les cognitivistes c'est ajouter de nouvelles connexions neuronales à d'autres préexistantes. Masson explique que « pour qu'il y ait apprentissage, donc modification des réseaux neuronaux, il faut que les neurones soient assez proches l'un de l'autre, qu'ils s'activent en même temps et de façon répétée » (7). On voit tout de suite combien il est crucial pour le guidant (8) de questionner les représentations existantes sur un sujet d'apprentissage aussi minimes soient-elles pour permettre la construction ou la réorganisation d'un système organisé de connaissances. A force de répétitions, une agilité de raisonnement se construit. Ce n'est que progressivement grâce à l'activation répétée des réseaux de neurones spécifiques à une connaissance que ceux-ci vont se renforcer et que celle-ci deviendra de plus en plus facile ou aisée. A l'instar des chemins d'une forêt, Steve Masson explique que plus les chemins neuronaux sont pratiqués, plus ils deviennent importants et plus larges et permettent ainsi, le passage plus rapide de l'influx nerveux d'un système de neurones à un autre (6). L'épaississement des connexions neuronales est proportionnel au temps de confrontation avec l'expérience d'apprentissage. Apprendre correspond donc à un renforcement des connexions synaptiques entre les cellules nerveuses.

Mais apprendre, c'est aussi modifier ses connexions existantes. A force de ne plus être utilisés, des raisonnements non pratiqués comme des chemins en montagne s'effacent : construire et déconstruire des réseaux de neurones illustre la notion de plasticité cérébrale, cette capacité merveilleuse du cerveau à se remanier aux contacts des situations de vie et des apprentissages multiples. L'apprentissage repose donc sur le renforcement ou l'élimination des connexions synaptiques qui s'établissent entre l'axone d'un neurone et les dendrites des neurones voisins. La taxonomie SOLO explique que les connaissances s'organisent en un ensemble structurel. On dit que les connaissances sont organisées (voir schéma).

Acte, action et situation professionnelle

Mais comment, de quelle manière faire raisonner les apprenants sur leurs actions ?

Les formateurs et tuteurs rapportent une certaine forme de standardisation, de prêt à penser, de routines non réfléchies dans la manière dont les apprenants présentent leurs actions de soins : « Ce sont des actions tiroirs, on a tout et n'importe quoi... Les actions ne sont pas personnalisées. On dirait qu'ils ne voient pas le patient ! », rapportent les formateurs.

La pensée de l'apprenant doit prendre une forme linguistique partagée pour être comprise, reconnue et évaluée dans la logique des formations par les compétences. Safourcade (9) cite Mendel qui distingue la notion d'acte et d'action. Pour Mendel (1998), « L'action est ce qui se passe dans la tête du sujet aussi bien à propos de l'acte encore en projet, que de la continuation de ce projet durant l'acte ou bien à propos de l'acte une fois advenu ». L'acte, c'est « l'interactivité du sujet et d'une réalité qui lui est étrangère : autrui, la société, la nature ; il en reste ainsi un impensé majeur de notre culture ». Un acte se délimite dans le temps. Mendel distingue plusieurs temps : le « pré acte » constitué de l'ensemble des opérations intellectuelles, conscientes, cognitives, réflexives, discursives, qui représentent autant de ressources mises en œuvre avant l'engagement du sujet dans l'acte. La « phase post-acte » constituée d'opérations intellectuelles différentes telles que « reconstruction, évaluation, appréciation de l'efficacité, compte rendu, retour d'expérience, analyse après coup, jugement rétroactif, etc. Et au milieu, se trouve le « per acte », c'est-à-dire le « pendant l'acte », représentant le faire dans l'instant. C'est à tous ces temps que le guidant doit s'adresser pour faire raisonner.

Pastré (10) rapporte que les théories d'Ochanine (1981) en psychologie du travail montrent qu'il y a une mise en mots spécifique dédiée à l'action. Ses théories font écho à celles de Piaget (1974), pour qui l'activité humaine est organisée et cette organisation s'exprime sous forme de schèmes comportant des invariants qui rendent compte de l'action non stéréotypée mais adaptée aux circonstances. Ensuite Leplat (11) en ergonomie du travail, rend compte du couple sujet-situation en précisant que le sujet agit sur la situation en fonction du but que lui fournit la tâche prescrite mais qu'il peut aussi la redéfinir en fonction de l'analyse qu'il en fait. Pastré précise que dans beaucoup de cas la « situation est statique ». Elle ne se transforme que par l'action de l'opérateur, mais qu'il y a des situations, notamment dans le domaine du vivant, qui possèdent une dynamique propre et qui évoluent davantage quand un opérateur ajoute ses actions à la dynamique propre de la situation.

Les actions de soin sont donc toutes des situations dynamiques avec lesquelles le professionnel compose. C'est là tout ce qui fait « complexité » : mobiliser un ensemble de ressources internes à l'opérateur et externes comme tenir compte de la dynamique propre des situations et agir sur, avec et pour elles en congruence. N'est-ce pas ce qu'a voulu dire Jacques Tardif quand il définit la compétence comme un « savoir agir complexe » ?

Les situations professionnelles en didactique professionnelle

La notion de situation de travail est première pour la didactique professionnelle (12). Elle peut se définir à l'origine pour concevoir ou transformer la formation en fonction de la compréhension du travail. Elle est vue comme moyen au sens où elle est un moyen de la formation, la situation étant plus ou moins aménagée pour être didactisée. Elle est aussi définie comme fin, car ces situations de travail, sont :

a/ ce à quoi des professionnels ou futurs professionnels ont affaire,

b/ ce avec quoi ils ont à faire (trouver le moyen de réaliser des tâches, de résoudre des difficultés de toutes natures...) au sens où ils doivent s'en accommoder et s'y accommoder,

c/ ce avec quoi ils ont à faire, au sens de ce avec quoi ils ont, en quelque sorte, à combiner leurs efforts, à coopérer : faire avec la situation, autrement dit encore, co-agir avec elle (13).

P. Mayen amène deux questions à notre réflexion : Qu'est-ce qu'une situation professionnelle ? et De quoi sont faites les situations professionnelles ? Il caractérise la notion de situation professionnelle et nous la résumons comme suit : les situations comprennent des prescriptions plus ou moins explicites. Elles invitent à des tâches (qui donnent lieu à des actions) à réaliser dans des conditions déterminées (matérielles, institutionnelles, physiques, sociales) et ont des « objets » à transformer. Toute action est le produit de l'interaction entre un individu et une situation. Ces situations comprennent des caractéristiques propres (qui vont dépendre de la situation et du sujet qui agit sur et avec elle). Ces situations s'inscrivent dans une classe de situations plus large dont elle partage des traits communs : les invariants. Elles comprennent :

• Un but général,

• Des sous-buts emboités les uns dans les autres,

• Des règles d'action : s'il se passe ceci... alors faire cela... Ces règles sont apprises et/ou issues composées par l'opérateur au cours de l'action et/ou apprises de l'expérience,

• Des anticipations : observations, organisations, décisions en amont de l'action,

• Des conditions de l'action : Invariants de nature conceptuelle qui en font le noyau central. Le schème est l'invariant, le canevas qui se conserve d'une situation singulière à une autre et s'investit avec plus ou moins d'ajustements dans des situations analogues (4). Ces conditions tiennent à la fois de la situation et du sujet qui agit sur et avec elle),

• Des modalités de l'action : comment il faut faire, les façons de faire,

• Des opérations de contrôle de l'action : la recherche d'indices, d'indicateurs sur l'action et sur la performance, la pertinence... de l'action.

Deux outils à combiner pour identifier la compétence en situation

Comment aider un apprenant à raisonner sur l'action ? Quelles questions poser quand on sait que de la qualité des questions proposées à un apprenant dépend la qualité de son raisonnement. Avec une question telle que « Enoncer vos actions, ou Déterminer vos actions... », la réponse ne peut être qu'une succession d'énoncés impersonnels. La question est trop vague. Plus une question est « puissante », plus elle contraint l'esprit à plus de précision et meilleur sera le raisonnement ! Il est primordial en tant que formateur/tuteur de prendre le temps de vérifier si sa question amène bien les effets attendus.

Deux outils, la modélisation d'une situation de travail (outil no 1) et l'instruction au sosie (outil no 2), s'ils sont croisés, amènent les apprenants et sujets agissants à rendre compte de la compétence mobilisée en situation de travail.

1er outil : modélisation d'une situation de travail

 

2e outil : l'instruction au Sosie

Je propose ces deux outils croisés pour les formateurs en IFSI dans le cadre du projet de soin : les apprenants précisent leurs intentions d'action en pré acte, ils explicitent comment ils s'y prendraient pour réaliser une tâche, de quoi ils tiendraient compte dans ce qui est essentiel à prendre en compte précisément dans cette situation pour que cette action soit pertinente, adaptée et quels contrôles de l'action ils feraient (posture réflexive) sur un point précis.

Je propose ces deux outils croisés en tutorat dans deux situations : 1o : Proposer aux élèves « une bonne question » au décours des activités de soin. 2o : Faire écrire aux tuteurs la situation emblématique de leur service. Ces écrits peuvent figurer dans le livret d'accueil. Ils rendent lisible la situation professionnelle et les compétences à construire pour la maîtriser (Voir exemples en service de médecine et en service de psychiatrie).

Conclusion

Faire raisonner pour appendre s'outille de méthodes et de postures. Les deux outils présentés ont l'avantage de faire construire une modélisation du raisonnement sur les temps de l'action et sur les caractéristiques de ce qui fait une situation professionnelle. Apprendre, c'est se construire un modèle opérationnel d'un système. Plus il y a d'entrainements répétés, mieux la logique du raisonnement sur et à partir des situations professionnelles sera efficiente.

Les prises d'information et de contrôle, les justifications et explicitations de l'action amènent des précisions qui d'ordinaire auraient échappé à la conscience du sujet agissant et du sujet observant la prise en main de la situation de travail. La beauté du soin et de ce qui fait la rencontre en est révélée.

Une personne qui raisonne est une personne dont le système cognitif est sans cesse remodelé du fait du travail cognitif et métacognitif engagé. Elle a enrichi sa conscience d'elle-même, elle s'autoévalue, réajuste, mesure son chemin quand elle peut dire enfin à propos d'un objet d'apprentissage : « Avant je pensais que... maintenant je me dis que... ».

Exemple de raisonnement de l'action en service de médecine et exemple de raisonnement de l'action en service de psychiatrie

En service de médecine

La compétence visée (6)

Réaliser un changement de poche de stomie de façon à ce qu'elle soit adaptée à la stomie, et explorer durant ce soin, où en est la personne dans son processus d'acceptation pour l'amener (si c'est le moment) à une alliance thérapeutique.

 

Cher collègue,

Demain, tu me remplaceras dans cette situation. Tu te conduiras comme une IDE du service le ferait.

But principal du soin : vidanger ou changer la poche

Sous-buts :

– analyser les selles, l'intégrité de la peau de la stomie, la peau servant à maintenir le support (allergie ou pas...),

– voir si le patient peut s'inscrire dans une démarche éducative et d'adhésion à sa stomie pour qu'il devienne ou redevienne autonome, lui redonner son pouvoir d'agir.

Anticipations

• Connaissances sur le type de matériel

Tout d'abord, il te faudra savoir s'il est temps de changer le support et/ou la poche de stomie. Pour cela, tu peux trouver l'information auprès du patient, de la stomathérapeute ou dans le dossier de soins : soit dans les transmissions ; soit dans la planification des soins.

Tu devras aussi connaitre quel est le type de stomie, car le matériel diffère selon telle ou telle stomie. Tu trouveras cette information dans le dossier médical. Tes connaissances sur les pathologies et techniques opératoires te permettront aussi de savoir à quel type de stomie tu auras à faire.

• Connaissances et représentations du patient par rapport à sa stomie :

Tu te devras aussi de rechercher si la pose de stomie avait été abordée avec le patient avant son intervention chirurgicale ou pas. Cela te sera d'une grande aide pour comprendre le contexte psycho comportemental du patient. Il est normal qu'un patient opéré en urgence ou non averti au préalable du fait d'une complication au bloc par exemple, soit en plein questionnement vis-à-vis de ce qu'il lui arrive. Il te faudra estimer par des questions larges ce qu'il sait, ce qu'il a compris réellement et ce qu'il peut entendre aujourd'hui.

Modalités de l'action

• Pour la technique du soin 

D'un point de vue strictement technique au bon déroulement du soin : commence par annoncer le soin au patient pour le prévenir mais aussi pour ne pas préparer ton matériel pour rien pour X ou Y raison. Prends un chariot propre, une ou deux paires de gants, une paire de ciseaux non stérile, du SHA, de la cellulose ou du papier toilette, des compresses non stériles, de l'eau, du savon doux, 1 « molinéa », un sac poubelle et bien sûr le modèle de support et poche du patient. S'il s'agit d'un 1er change post-opératoire, tu pourras emmener plusieurs modèles qui pourraient convenir au patient selon son type de stomie. Par exemple, s'il s'agit d'une colostomie (peu de selles et dures), emmène des monoblocs. S'il s'agit d'une iléostomie (selles abondantes et très liquides), emmène des bi-blocs car il lui faudra changer plus souvent de poche et donc il y a plus de risque de léser la peau. D'où l'utilité de pouvoir laisser le support 2 à 3 jours ! Certains modèles permettent de rajouter des collecteurs pour la nuit, ce qui permet de rassurer et d'apporter plus de confort au patient durant son sommeil. Dans tous les cas, il est très important d'expliquer les différences entre les modèles au patient, de le laisser s'exprimer et de le laisser choisir.

Te voilà dans la chambre, demande au patient de s'installer et installe-toi aussi ! Prépare tout ton matériel. Mets du SHA puis tes gants. Enlève la poche du patient. Nettoie le superflu de selles. Prends des compresses imbibées d'eau et de savon, lave, rince, sèche. Evalue l'état cutané du patient. La peau est-elle intacte ? Irritée ? Lésée ? Saigne-t-elle ? L'orifice stomial est-il bien rosé ? Ou noir, nécrosé ? Est-il invaginé ? Y a-t-il une baguette qui soutient la stomie ? (Cette baguette est enlevée par la stomathérapeute vers le 10e jour ou par nos soins sur prescription du chirurgien). Après avoir évalué tout cela, ré-appareille la stomie, assure-toi que tout tienne bien. Enlève tes gants, passe du SHA.

• Règles d'action

– Si ça coule trop alors tu peux mettre des compresses sur l'orifice stomial, de la poudre, voire du Smecta® pour te permettre d'avoir le temps de coller ton support.

– Si la peau et/ou l'orifice stomial sont lésés, montre-le aux chirurgiens ou à la stomathérapeute.

– Si tu n'arrives pas à appareiller la stomie (par exemple, si l'orifice stomial est convexe ou concave) alors appelle la stomathérapeute.

• Pour explorer l'adhésion du patient et l'amener à l'autonomie dans ses autosoins :

Tu devras au moment du soin évaluer la dimension émotionnelle et comportementale du patient.

Règles d'action

• Si le patient ne verbalise pas, c'est peut-être un indicateur qu'il n'est pas prêt à reconnaître, à accepter, peut être peur, déni,

Si le patient ose regarder sa stomie ou ta manière de t'y prendre pour réaliser le soin (exemple : tenir une compresse sur son orifice stomial), c'est peut-être qu'il veut en parler ou dire quelque chose à ce sujet. Laisse venir les réactions,

• Si tu sens que le patient peut aborder sa stomie sereinement, il te faudra l'amener à une démarche éducative d'appropriation en lui proposant par exemple dans un 1er temps de tenir une pince, une compresse (donne lui le sentiment qu'il t'est utile pour le soin, remercie-le pour chaque aide qu'il t'apporte. Ça l'engagera plus facilement. Après, il pourra vidanger seul sa stomie. Tu pourras par exemple lui donner des objectifs à atteindre : « demain vous changerez la poche, après demain vous changerez la poche et le support ». Cela jusqu'à ce que le patient puisse gérer sa stomie au quotidien.

• Si le patient refuse de parler ou de participer au soin, s'il tourne la tête, ou est écœuré, alors essaie de détourner la situation en lui parlant d'autre chose, ne le force pas, ne le brusque pas. Renvoie-lui simplement par un reflet : « je vois que vous ne voulez pas regarder » en baissant le ton en fin de phrase et pas sous forme de question – ce qui l'obligerait à se justifier et ce n'est pas le moment. Fais-en part à l'équipe, reviens plus tard, laisse cheminer et/ou propose de faire appel à un psychologue.

• Si tu sens que le patient est en difficulté par rapport à sa stomie, alors propose lui un temps de relation, type relation d'aide, ce qui peut débloquer le problème et faciliter le cheminement.

Conditions essentielles à prendre en compte pour réaliser ce soin en qualité

Tu dois d'une part réaliser un acte technique vis-à-vis de la poche et en même temps, identifier, analyser où en est le patient dans son processus d'acceptation pour l'amener à ce qu'il soit autonome dans ses activités de soin, s'il en a envie.

Voilà ton soin est terminé, il te reste à ranger le matériel et faire tes transmissions orales et écrites.

En service de psychiatrie

Compétence visée

Organiser le moment de l'administration des médicaments en fonction du risque de non observance des patients, afin que l'administration se fasse en sécurité dans un climat calme et serein et de manière implicite.

 

Cher collègue,

Demain après-midi je devrai quitter le service plus tôt que d'habitude, à 17 h. Je ne serai donc pas là au moment de la distribution des traitements et ce sera alors à toi d'administrer les médicaments du soir aux patients.

Anticipations

Au préalable, il faut que tu saches quels patients nécessitent une surveillance particulière pour la prise de leur traitement ; cette information t'est donnée lors des transmissions orales et fait également l'objet d'une prescription médicale écrite dans le dossier des patients concernés.

L'administration des médicaments se fait toujours en salle de soins (cela pour éviter toute tentative de dissimulation de comprimés ou gouttes dans le repas). Tu sauras organiser l'administration avec logique, un patient après l'autre, et de préférence avant 18h30 afin qu'un interne du service soit encore présent au cas où il y aurait un problème. Il est aussi souhaitable qu'un autre soignant reste avec toi en salle de soins ou à proximité. Une fois ces conditions réunies, je te conseille de procéder comme suit :

Modalités d'action 

• Propose tout d'abord au patient de se laver les mains et éventuellement d'aller aux toilettes avant de venir en salle de soins, afin qu'il ne puisse pas utiliser ces prétextes pour retourner en chambre après la prise du traitement, le risque étant qu'il s'y fasse vomir.

• Vérifie la prescription médicale, puis donne le traitement au patient et observe-le très attentivement car un comprimé peut facilement être caché dans une main, une manche, sous une bague, ... parfois les patients ont, entre autres, de vrais talents de magiciens !

• Pour t'assurer qu'il a bien avalé ses médicaments, demande-lui d'ouvrir la bouche et de soulever la langue. Cependant, si son traitement se présente uniquement sous forme buvable (comme c'est souvent le cas), tu peux te permettre d'être moins intrusif et de seulement le faire parler (en lui posant une question ouverte par exemple) car il pourra difficilement te répondre s'il n'a pas avalé ses gouttes (alors que l'on peut parler tout en conservant un comprimé dans un coin de la bouche).

• Ensuite, invite-le à s'installer directement au réfectoire, sans passer par sa chambre, pour les raisons évoquées précédemment.

• S'il essaie d'imposer des conditions ou s'il refuse la prise de ses traitements, malgré tes explications bienveillantes, avises-en le médecin...parfois les patients ont, entre autres, de vraies qualités de négociateurs !

Concernant les patients qui adhèrent davantage aux traitements :

L'administration se fait au réfectoire, au moment du dîner (sauf précaution particulière propre à chaque thérapeutique), toujours sous ta surveillance ; en effet, même sans être opposé aux soins, un patient peut involontairement faire tomber un comprimé, ou oublier de le prendre, d'autant que tremblements, difficultés de concentration ou encore troubles mnésiques sont assez fréquents dans les pathologies ou effets secondaires d'un traitement en psychiatrie.

• Par ailleurs, veille à faire preuve au maximum de discrétion professionnelle, ce qui n'est pas toujours aisé dans une salle commune. Si un patient te pose des questions sur son traitement, tu peux par exemple lui proposer d'en discuter après le repas, en salle de soins, à l'abri des oreilles indiscrètes. 

• Enfin, dans tous les cas, pense à contrôler que tu as bien tracé l'administration ou la non-administration de chaque traitement.

Règles d'action

• Si un patient refuse un traitement, alors ne le brusque pas, ne cherche pas à l'imposer ou à imposer ton autorité. Ce refus est chargé d'intentions ou de messages. Il dit quelque chose de la situation dans laquelle il est présentement. Reste calme, parle doucement, lentement, montre-toi droit, sûr, et en douceur reprend le traitement.

• Il ne faudrait pas que la tension monte chez lui et chez les patients qui partagent sa table. Tu reprendras la situation plus tard, quand il sera apaisé. Tu évalueras si c'est une réaction temporaire ou une décision plus affermie. En tous les cas, transmets oralement pour que tes collègues reprennent la situation de soin et réalise aussi des transmissions écrites.

Conditions de réussite de l'action

Ce qui est fondamental à prendre en compte dans cette situation pour la qualité de cette activité :

Ton défi est de faire en sorte que chaque patient ait son traitement et que ça se fasse en toute tranquillité, sans générer du stress ou de la pression :

1. Sécurité dans le bon respect de l'administration

2. Recherche d'adhésion dans la douceur pour la qualité et la sécurité des soins et des personnes

Indicateurs de qualité de ton action

Ton action aura été efficace, si les patients ont pu prendre leurs traitements dans des conditions de calme, et si tu as su repérer en amont les signes d'opposition et les contourner avec agilité.

Si cela ne se passe pas comme ça, ne te culpabilise pas. Les patients s'expriment et expriment aussi leurs souffrances dans leurs oppositions.

Voilà, j'espère que tu as compris que ce soin peut être un peu plus compliqué et prendre un peu plus de temps qu'il n'y paraît, mais je te fais confiance et compte sur toi pour mener cette mission à bien.

 

A bientôt,

Aurélie.

(1) Malglaive (1990) disponible sur : https://polaris-formation.fr/wp-content/uploads/2015/07/article_ccornier_alternance_integrative.pdf

(2) Tardif, J. (2006). L'évaluation des compétences : Documenter le parcours de développement. Montréal, Canada : Chenelière Éducation.

(3) Coudray & Gay, (2009) Le défi des compétences. Comprendre et mettre en œuvre la réforme des études infirmières. Issy-les-Moulineaux : Elsevier-Masson.

(4) Perrenoud P. (2000), Développer la pratique réflexive : Dans le métier d'enseignant, ESF.

(5) Geste professionnel au sens de (Jorro, 2006, p. 8) comme mouvements du corps adressés, porteurs de valeurs et inscrits dans une situation. Jorro A. (2006), L'agir professionnel de l'enseignant. Séminaire de recherche du Centre de Recherche sur la formation - CNAM, Paris, France.

(6) Compétence écrite selon la norme AFNOR : porte un verbe d'action centré sur l'action, une finalité : pour... afin de ...et ainsi...Est contextualisée : donne des indications sur le comportement en prenant soin de..de telle sorte que... en faisant attention à ..., en étant attentif à ... Marianne Poumay Docteure en Sciences de l'Education et Professeure à l'Institut de Formation et de Recherche en Enseignement Supérieur (IFRES) de l'Université de Liège.

(7) Masson S. (2020), Activer ses neurones pour mieux apprendre et enseigner, Odile Jacob, p. 47.

(8) Entendre formateur, tuteur, toute personne en mesure de faire raisonner un apprenant.

(9) Safourcade S. (2010) Du sentiment d'efficacité personnelle aux actes professionnels.

Exemple de l'action des enseignants de collège. Recherche et Formation, 2010, No 64, p. 141-156.

(10) Pastré P. (2011), La didactique professionnelle : Approche anthropologique du développement chez les adultes, Presses Universitaires de France.

(11) Leplat cité par Pastré P. (2011), La didactique professionnelle : Approche anthropologique du développement chez les adultes, Presses Universitaires de France, chapitre 5, p. 149.

(12) Science (1990) rassemblant, psychologie du développement, ergonomie et didactique.

(13) Mayen P. (2011), Les situations professionnelles : un point de vue de didactique professionnelle, Phronesis, Volume 1, Numéro 1, Janvier 2012, p. 59-67 https://id.erudit.org/iderudit/1006484ar