[Soins empêchés par le conjoint : un dilemme éthique pour les soignants] - Ma revue n° 032 du 01/05/2023 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 032 du 01/05/2023

 

ÉTHIQUE ET SOINS AU QUOTIDIEN

J’EXERCE EN LIBÉRAL

SANTÉ ET TRAVAIL

Marie-Claude Daydé  

infirmière libérale

Chez ce couple âgé, très fusionnel, qui n’a pas d’enfant, Elsa, infirmière libérale, intervient de temps à autre pour des soins ponctuels, notamment à Monsieur. Au cours d’une de ses visites, elle a repéré que l’épouse, qui a des antécédents d’accident vasculaire cérébral, a beaucoup de difficultés à effectuer sa toilette. L’infirmière propose son aide, une prescription est d’ailleurs déjà faite, mais le couple n’a sollicité personne car Monsieur refuse des visites régulières « chez lui » disant « qu’ils peuvent se débrouiller seuls ! » Bien que le domicile soit aussi celui de son épouse, elle ne prend pas position et semble subir la décision. La situation interroge la professionnelle tant sur la question de l’autonomie décisionnelle de la patiente dans son lieu de vie que sur l’accès à des soins nécessaires qui lui est refusé. Comment la professionnelle peut-elle mettre en œuvre le respect de la bienfaisance chez ce couple dont l’épouse semble vulnérable ?

Est-elle en demande d’aide ? Peut-on considérer qu’il y a là un défaut d’action quant à la réalisation de ses besoins fondamentaux ? Il est important aussi de s’interroger sur la question du fonctionnement de ce couple marié depuis soixante-cinq ans. Autant de questions qu’il convient de partager en équipe pluriprofessionnelle, pour tenter d’ouvrir des « possibles » et éviter la maltraitance - équipe réduite ici au binôme médecin-infirmière. Cette situation, assez fréquente au domicile, peut avoir des origines différentes, qui peuvent engendrer une souffrance de l’époux. Comme le fait de ne plus être dans la maîtrise de son lieu de vie, qu’il craint de voir envahi par des soignants, des aidants, ou encore le déni de la maladie de son épouse, qui donc n’aurait pas besoin d’aide. Il importe de ne pas figer la situation, en s’appuyant sur des « normes » soignantes, et de tenter d’avancer progressivement, sans être trop intrusif.