L'infirmière Magazine n° 379 du 01/02/2017

 

FORMATION

L’ESSENTIEL

M. F.  

Si l’éducation du patient en reste la pierre angulaire, les traitements ont pour objectif d’apaiser les symptômes et d’éviter ou de retarder les complications en visant le retour à une glycémie normale.

Les traitements du DT2 sont multiples, complexes et contraignants. Ils nécessitent un accompagnement éducatif rapproché, notamment assuré par les IDE des services, de l’hôpital de jour et de la consultation infirmière (lire aussi p. 41). Si la pharmacopée a connu des évolutions notables tant en termes de stratégie thérapeutique que de nouvelles classes de médicaments, la prise en charge non médicamenteuse reste la pierre angulaire du traitement du DT2 quel que soit le stade de la maladie.

Traitements non médicamenteux

Une alimentation équilibrée et variée associée à une activité physique (AP) modérée et régulière peuvent, à elles seules, équilibrer le DT2 durablement. L’alimentation, en maîtrisant les apports en sucres et en graisse, joue directement sur la glycémie et améliore l’action/efficacité de l’insuline résiduelle. Elle doit être normoglucidique (50 à 55 % de l’apport énergétique journalier), contrôlée en lipides et modérée en alcool. Il n’y a pas d’interdit, à l’exception du grignotage qui contribue beaucoup au déséquilibre glycémique. L’AP diminue l’insulinorésistance, ce qui permet une meilleure utilisation du sucre par les muscles. C’est la raison pour laquelle la Haute Autorité de santé (HAS) recommande deux à trois séances hebdomadaires d’AP contre résistance (renforcement musculaire) et 150 mn (2 h 30) d’activité d’intensité modérée (50 à 70 % de la fréquence cardiaque maximale, soit 220 – l’âge)(1). Ces mesures non médicamenteuses sont également recommandées pour réduire les risques cardiovasculaires du DT2 (dyslipidémie, HTA, surpoids, obésité) et améliorer la prévention de ses complications(2), y compris lorsque l’histoire naturelle du DT2 impose d’instaurer un traitement médicamenteux. Au-delà des recommandations générales concernant la diététique et l’AP, l’approche centrée sur le patient consiste à partir de ce qu’il fait déjà au quotidien et de convenir avec lui de ce qu’il peut modifier en fixant des micros objectifs qui soient spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et définis dans le temps.

Traitements médicamenteux

Lorsque l’HbA1c reste supérieure à l’objectif cible, le traitement médicamenteux doit être instauré. L’arsenal thérapeutique et les stratégies médicamenteuses ont connu d’importantes évolutions grâce, entre autres, à la mise sur le marché de nouvelles insulines et de nouvelles classes de médicaments : les incrétines (inhibiteurs de la DPP4, agonistes du récepteur du GLP1, voir encadré p. 48) et les inhibiteurs du transporteur sodium-glucose de type 2 (iSGLT2). Déjà utilisés dans certains pays européens et aux États-Unis, les iSGLT2 (dapagliflozine, canagliflozine, empagliflozine) sont très attendus en France car, au-delà de leur action antidiabétique, l’empagliflozine a, par exemple, montré un bénéfice spectaculaire en termes de prévention des complications cardiovasculaires chez les DT2. Leur commercialisation en France reste suspendue à l’aboutissement des négociations sur le prix et le remboursement de ces médicaments.

Stratégie thérapeutique recommandée

Selon l’algorithme de la HAS (voir p. 49), la stratégie thérapeutique du DT2 comprend quatre paliers.

→ Monothérapie. Elle repose sur la metformine et est débutée, sauf contre-indication absolue(3) dans les 3 à 6 mois suivant la découverte du diabète lorsque l’HbA1c cible n’est pas atteint sous traitement non médicamenteux. Ce traitement agit en limitant la néoglucogenèse et en augmentant la sensibilité des muscles à l’insuline (ils peuvent ainsi mieux capter et utiliser le glucose). C’est le traitement de base à partir duquel, lorsqu’il est bien toléré, l’intensification thérapeutique sera réalisée par adjonction d’autres classes thérapeutiques, y compris l’insuline. Ses effets secondaires (douleurs abdominales, diarrhées, nausées, vomissements, perte d’appétit) imposent une mise en place progressive et accompagnée afin d’individualiser l’ajustement des doses. Lorsque le diabète est d’emblée très déséquilibré ou lorsque la metformine ne permet pas d’atteindre l’HbA1c cible, une bi, voire une trithérapie est mise en place.

→ Bithérapie. Conformément aux recommandations, la metformine est associée à des sulfamides hypoglycémiants – les SH (gliclazide, glipizide, glimepiride) –, qui ajoutent leur action insulinosécrétrice (ils stimulent la libération d’insuline) à celles de la metformine. « Toutefois, les SH favorisent l’hypoglycémie (HG). C’est la raison pour laquelle ils sont de plus en plus souvent remplacés par les inhibiteurs de la DPP4, qui, bien tolérés, n’induisent pas d’HG ni d’effets secondaires majeurs, ni de prise de poids », précise le Pr Alfred Penfornis, chef du service endocrino-diabétologie du Centre hospitalier sud francilien.

→ Trithérapie. À ce stade, la HAS considère que si l’écart par rapport à l’objectif d’HbA1c cible est inférieur à 1 %, la trithérapie orale doit être privilégiée. Elle peut associer à la bithérapie un troisième médicament de la famille des inhibiteurs des alpha glucosidases (acarbose, miglitol). Ils entraînent un retard à l’absorption du glucose et limitent l’hyperglycémie (HPG) post-prandiale, mais sont souvent mal tolérés sur le plan digestif et doivent être introduits progressivement. En cas d’échec, ou si l’écart est supérieur ou égale à 1 %, plusieurs schémas sont possibles intégrant ou non l’insuline : metformine + SH + insuline ou metformine + SH + analogues du GLP1 ou metformine + SH + inhibiteurs de la DPP4 ou encore metformine + analogues du GLP1 + insuline.

→ L’insulinothérapie. Si l’insuline peut être associée au schéma thérapeutique dès la bithérapie, en pratique, dans la majorité des cas, elle est introduite en dernière intention dans l’objectif d’éviter les complications du DT2 ou lorsque les comorbidités associées au diabète (IRC, insuffisance hépatique) limitent l’accès aux traitements per os. C’est aussi le seul traitement médicamenteux du diabète gestationnel. « Pour une bonne moitié des patients, le passage à l’insuline constitue une étape compliquée à la fois sur le plan psychologique et pratique eu égard aux contraintes et aux inconvénients associés à ce traitement, Pr Alfred Penfornis. L’accompagnement éducatif est indispensable pour les préparer à cette transition et assurer les apprentissages nécessaires à la maitrise des injections, de l’autosurveillance glycémique et de l’adaptation des doses. »

Mise en œuvre de l’insulinothérapie

→ Schémas d’insulinothérapie et DT2. Le traitement par insuline s’initie en général par la prescription d’une insuline basale. En pratique, il s’agit d’une insuline « retard » ou lente (voir tableau récapitulatif p. 50), permettant, à raison d’une injection par jour, de couvrir la sécrétion basale de l’insuline.

• Le schéma bed time fondé sur une seule injection au coucher d’un analogue lent de l’insuline ayant une durée d’action de 24 heures (insuline glargine) et une efficacité maximale les 12 premières heures, permet de contrôler la glycémie la nuit, au réveil (en évitant les HG) et jusqu’au repas du soir suivant. Aujourd’hui, l’arrivée sur le marché de nouvelles insulines ayant une efficacité continue sur 24 heures (Toujéo, Xultophy) permet aux patients de choisir l’heure qui leur convient le mieux pour faire leur injection d’insuline basale.

• Schéma basal-bolus : lorsque l’insuline basale ne suffit pas à équilibrer correctement le diabète, des injections d’insuline rapide (bolus) sont rajoutées avant les repas. De plus en plus souvent, l’insuline rapide n’est utilisée qu’avant un des trois repas ou avant celui qui entraîne la plus importante hyperglycémie. Si nécessaire, des bolus sont rajoutés avant chaque repas, voire chaque collation. Ce schéma basal-bolus permet une grande flexibilité dans les horaires des repas. Il permet également de mieux corriger la glycémie en cas d’écarts.

• La pompe à insuline (PI). Ce dispositif permet d’éviter les injections répétées tout en mimant la sécrétion continue d’insuline par le pancréas. Il est utilisé chez des patients DT2 qui ne sont pas à l’objectif malgré un schéma basal-bolus fortement dosé ou qui sont à l’objectif sous basal bolus mais avec des doses d’insuline extrêmement importantes. Actuellement 4 000 personnes atteintes de DT2 sont équipées de PI. L’étude Opt2mise a récemment montré qu’une utilisation ciblée de la PI permet d’améliorer le contrôle glycémique chez les DT2 en échec d’une insulinothérapie basal-bolus intensifiée avec un avantage net lorsque l’HbA1c était au départ supérieur à 8,5 %(4). Après un suivi moyen de cinq ans, une amélioration de - 1,5 % était enregistrée et maintenue au fil du temps. Afin de mieux aider les patients à maîtriser leur traitement par pompe, certains établissements ont signé une convention de partenariat avec le Centre d’études et de recherches pour l’intensification du traitement du diabète (CERITD). C’est le cas du service de diabétologie du Centre hospitalier sud francilien, à Corbeil-Essonnes (91), qui a fait le choix d’intégrer à la prise en charge des patients sous PI, les IDE expertes du CERITD bénéficiant d’une délégation de tâche validée par la HAS et l’ARS (lire le témoignage ci-contre).

La chirurgie métabolique (bariatrique)

Elle peut être proposée comme traitement du DT2 chez des patients diabétiques obèses. Son efficacité sur le DT2 est variable, mais une rémission totale est souvent observée avec un taux pouvant atteindre 70 % à deux ans. Et ce, même si elle a tendance à s’estomper avec le temps et une reprise progressive du poids. Dans les cas où la chirurgie n’induit pas de rémission, elle présente du moins l’intérêt de diminuer temporairement les traitements antidiabétiques.

1- HAS, Guide du Parcours de soins – DT2 de l’adulte. Mars 2014 (bit.ly/1rJE6fn).

2- Cariou et al. Fréquence des hypoglycémies chez 4 424 diabétiques insulino-traités en France : résultats du suivi observationnel prospectif de l’étude Dialog. Diabetes & Metabolism, volume 39, n° S1, mars 2013.

3- Insuffisance rénale, cardiaque, pulmonaire sévères ; ischémie coronarienne évolutive ; infection aiguë, gangrène ou ischémie critique des membres inférieurs, grossesse.

4- Pompe à insuline et DT2, Équilibre, n° 303 Janvier-février 2015.

ZOOM SUR

Les incrétines, une nouvelle classe de médicaments

→ Les inhibiteurs de la dipetidyl-peptidase 4 (inhibiteurs de la DPP4) et les analogues du glucagon-like peptide-1 (aGLP-1) sont des hormones gastro-intestinales qui :

– ralentissent la vidange gastrique et l’absorption du sucre ;

– augmentent la sécrétion d’insuline et diminuent la sécrétion de glucagon ;

– augmentent la captation du sucre par les muscles ;

– diminuent la fabrication de glucose par le foie ;

– augmentent la satiété et font perdre du poids.

→ Les inhibiteurs de la DPP4 (sitagliptine, vildagliptine, saxagliptine ou formes associées à la metformine) sont administrés en comprimés. Ils sont généralement bien tolérés sur le plan digestif, mais sont contre-indiqués chez les patients ayant des antécédents de pancréatite. Des douleurs abdominales intenses imposent de consulter en urgence afin d’écarter tout risque de pancréatite aigüe.

→ Les aGLP-1 (liraglutide, exenatide, dulaglutide) sont des traitements injectables (stylo). Ils sont contre-indiqués en cas de pancréatite et d’insuffisance rénale ou hépatique chronique terminale. Contrairement aux insulines, ils ne nécessitent pas d’adaptation de doses. Leur modalité d’action diffère selon la molécule (2 injections par jour pour l’exenatide, 1 injection par jour pour le liraglutide et 1 injection par semaine pour le dulaglutide et l’exénatide LP).

Le liraglutide présente en outre un bénéfice cardiovasculaire chez les patients à très haut risque. Ces traitements sont en train de bouleverser la stratégie médicamenteuse à un stade précoce et à un stade avancé du DT2 en association à l’insuline – il existe une forme (Xultophy) associant l’insuline basale degludec au liraglutide(1). Ce bouleversement tient à leur efficacité sur la glycémie, à la perte de poids induite, à l’absence de risque accru d’HG, mais aussi à leur bénéfice en termes de prévention cardiovasculaire secondaire (diminution de la mortalité totale et des évènements pour le liraglutide) et à la simplicité d’utilisation (stylos en 1 injection par jour ou par semaine).

Molécule et DCI

→ Metformine :

– chlorhydrate de metformine (Glucophage) ;

– embonate de metformine (Stagid).

→ Les SH :

– gliclazide (Diamicron) ;

– glipizide (Minidiab, Glibenese, Ozidia) ;

– glimepiride (Amarel) ;

– glibenclamide (Daonil).

→ Les inhibiteurs de la DPP4 :

– sitagliptine (Januvia, Xelevia) ;

– vildagliptine (Galvus) ;

– saxagliptine (Onglyza) ;

– formes associées à la metformine (Janumet, Velmetia, Eucreas, Komboglyze).

→ Les inhibiteurs des alpha glycosidases :

– acarbose (Glucor) ;

– miglitol (Diastabol).

→ Les analogues du GLP-1 (aGLP-1) :

– liraglutide (Victoza) ;

– exenatide (Byetta, Byduréon) ;

– dulaglutide (Trulicity).

TÉMOIGNAGE PASCALE PICAUD DIRECTRICE DES SOINS DU CERITD1, LE CENTRE D’ÖTUDES ET DE RECHERCHES POUR L’INTENSIFICATION DU TRAITEMENT DU DIABÀTE

« NOUS SOMMES LE BRAS AMBULATOIRE DE L’HÔPITAL »

Pour coordonner les soins entre l’hôpital, la ville et le domicile et aider le patient à une meilleure observance de son traitement, le CERITD a mis en place un suivi de proximité par des IDE.

« Les IDE du CERITD interviennent dès l’hospitalisation durant laquelle les patients DT1 et DT2 suivent la semaine d’éducation consacrée à la mise sous PI. Cette étape constitue le point de départ de notre collaboration avec les IDE de l’hôpital. Un bilan partagé est effectué en fonction duquel nous sommes amenées à intervenir conjointement ou séparément auprès du patient. Cette intervention peut être individualisée ou en groupe dans le cadre d’ateliers thématiques. Ce travail est réalisé sur la base d’une convention de partenariat entre l’établissement et le CERITD. À la sortie du patient, nous nous inscrivons dans son parcours ambulatoire selon les nécessités de son suivi, mais surtout dès qu’il en fait la demande. L’IDE le rencontre à sa convenance, en consultation dans les locaux du CERITD, à son domicile, sur son lieu de travail, dans un restaurant à l’heure du déjeuner ou dans l’enceinte de l’établissement scolaire. Cette prise en charge ambulatoire est possible grâce à une délégation de tâches accordée par les diabétologues hospitaliers aux infirmières, dans le cadre d’un protocole de coopération délégant/délégué(2) validé par la HAS et l’ARS. En vertu de ce protocole, les IDE peuvent modifier/adapter la prescription des doses d’insuline, ajuster la prescription basal-bolus, gérer en premier recours la situation en cas d’HG et d’HPG, proposer au patient (en accord avec le prescripteur) un autre modèle de pompe si celle fournie met le patient en difficulté, prescrire, lire et interpréter certains contrôles sanguins (glycémie, HbA1c, cétonurie, cétonémie). Toutefois au moindre signe d’alerte (signe d’acidocétose par ex.) sortant des compétences de cette délégation, l’IDE doit contacter le délégant ou les secours. L’IDE du CERITD qui suit un patient en ambulatoire peut aussi, à sa demande, voir le patient lorsqu’il est ré-hospitalisé. Dans ce cas, elle intervient en termes de conseils et non plus sur sa délégation d’actes puisque le patient est hospitalisé.

La philosophie de notre intervention, c’est l’ETP que nous réalisons en lien permanent avec les équipes de l’hôpital d’après un programme autorisé par l’ARS qui vient d’être reconduit pour quatre ans. Notre expertise repose sur l’expérience des IDE recrutées, sur une formation complémentaire théorique et pratique de quatre à six semaines, sur la communication et le dialogue avec les médecins et les équipes IDE de l’hôpital ainsi que sur l’organisation de staffs pluri professionnels mensuels avec les médecins des patients que nous suivons. Ces échanges et ces espaces de parole sont très utiles car en retour de la confiance qu’ils nous accordent et qui est très valorisante pour les IDE, nous apportons aux médecins des informations de vie (perte d’emploi, naissance d’un enfant, rupture sentimentale, décès…) qui peuvent l’aider à comprendre une courbe de glycémie anarchique, une prise ou une perte de poids surprenante, le lien entre le résultat d’HbA1c et ce que ne dit pas le patient… C’est un peu comme si nous étions le “bras ambulatoire de l’hôpital”. Un rôle dont nous sommes fières, d’autant que le CERITD dispose aujourd’hui de quatre antennes à Évry (Essonne), Besançon (Doubs), Nancy (Meurthe-et-Moselle) et Reims (Marne) qui lui permettent de se mettre au service de nouveaux patients. »

PROPOS RECUEILLIS PAR M. F.

1- Le CERITD a pour objet l’amélioration de la prévention et du traitement des diabètes. Des IDE expérimentées y partagent, sous délégation d’actes, la prise en charge des patients entre l’hôpital et la ville.

2- InVS, BEH n° 34-35, novembre 2015. outils