SOINS EN COULEUR - L'Infirmière Magazine n° 362 du 01/07/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 362 du 01/07/2015

 

RECONSTRUCTION MAMMAIRE

SUR LE TERRAIN

TRANSMISSIONS

MARIE-CAPUCINE DISS  

L’Institut cancérologique de l’Ouest René Gauducheau, à Nantes, propose depuis cinq ans des séances de dermopigmentation réparatrice aux patientes ayant bénéficié d’une reconstruction mammaire, suite à une mastectomie. Des soins réalisés par les infirmières.

Lors de sa précédente consultation avec le chirurgien, Mme L. a reçu une fiche d’information afin de préparer le rendez-vous en consultation infirmière de dermopigmentation réparatrice. À son arrivée, Sylvie Pinel, infirmière à l’Institut cancérologique de l’Ouest (ICO) René Gauducheau, à Nantes, commence par vérifier qu’elle a bien compris en quoi consiste la technique de la dermopigmentation réparatrice, et lui donne les informations complémentaires nécessaires. L’infirmière recueille également le consentement de la patiente, s’assure de l’absence de contre-indications (allergies ou dispositif cardiaque), et vérifie que Mme L. s’est bien pommadée de crème anesthésiante, une heure avant son rendez-vous.

Dans la salle de soins, sont disposés, à côté du miroir, sur des tablettes, des échantillons de pigments aux larges nuances. Tout en gardant un œil sur le sein droit de la patiente, Sylvie Pinel dessine au crayon rouge le tracé de l’aréole et sollicite l’approbation de la patiente, qui se regarde dans le miroir, sur la dimension du tracé. L’infirmière lui demande également son avis pour le choix des couleurs. Deux pigments sont ainsi mélangés pour trouver le ton de l’aréole controlatérale.

Un soin sorti du bloc

« L’idée de cette consultation infirmière de dermopigmentation réparatrice est née d’une discussion avec une patiente qui portait sur son sein reconstruit un tatouage original, en forme de fleur », explique Sylvie Pinel. Une manière de s’approprier sa reconstruction, en faisant appel à un tatoueur de ville. À l’hôpital, jusque-là, seuls les chirurgies procédaient au tatouage d’aréole, au bloc opéraroire. L’infirmière est désireuse d’apporter un soin dans un lieu plus intime qu’une salle d’opération. La perspective d’acquérir une nouvelle compétence, faisant appel à une touche artistique, la séduit également. Aidée d’Isabelle Jaffré, chirurgienne, l’IDE obtient l’autorisation de la direction de l’établissement pour monter son projet. Suite à une formation auprès des laboratoires Biotic Phocea, Sylvie Pinel inaugure en 2010 la consultation infirmière de dermopigmentation réparatrice.

Aujourd’hui, deux IDE prennent en charge l’ensemble des patientes des six chirurgiens sénologues de l’ICO René Gauducheau. Une réelle plus-value vu le temps et les salles de bloc ainsi libérés. Les soignantes assurent deux jours de consultation par mois et réalisent 300 dermopigmentations par an, ce qui représente environ 200 patientes. Ces séances se situent dans la continuité du parcours de soins. Comme Sylvie Pinel travaille sur le plateau des consultations « plaies et cicatrisations », elle peut proposer la dermopigmentation réparatrice à certaines patientes. En hospitalisation, sa collègue, Maëlle Bedo, a également l’occasion d’aborder ce sujet et de repérer d’éventuelles contre-indications.

Touche finale

« On intervient au moment où la patiente se situe dans une phase “d’après-cancer”, avec tous les enjeux que cela peut présenter. Une partie de la consultation est consacrée à l’écoute et à la discussion. La patiente peut évoquer des problématiques de douleur, de reprise de travail avec des incapacités partielles, de relation avec les proches, ou de sexualité. À la fin du traitement, la famille et les amis considèrent parfois que ce cancer est de l’histoire passée », explique Sylvie Pinel, satisfaite d’apporter cette touche finale de la reconstruction mammaire. Une relation d’aide mais également de vigilance, car il s’agit aussi de signaler aux médecins certains troubles, d’orienter vers une consultation de soins de support, en fonction des plaintes exprimées.

Une étape positive

La dermopigmentation se pratique avec un appareil électrique permettant d’abraser la peau et d’introduire le pigment dans le derme moyen. La profondeur à laquelle cette opération s’effectue dépend du type de peau et de reconstruction mammaire (voir encadré). En cas de mastectomie bilatérale, le mètre de couture est particulièrement utile pour positionner l’emplacement des aréoles. L’avis de la patiente est davantage sollicité.

S’il y a eu un geste chirurgical pour effectuer une diminution du sein controlatéral, il peut arriver que l’aréole ait été modifiée, prenant une forme de goutte d’eau ou qu’elle se soit éclaircie. L’infirmière la retravaille, pour qu’elle retrouve une forme ou une couleur naturelles. Il est également possible, lorsque la réfection du mamelon n’a pu être effectuée ou si elle s’est affaissée, de le restituer, en donnant un effet d’ombre en trompe-l’œil. La séance se termine toujours par une série de photographies, jointes au dossier consultable par l’ensemble des chirurgiens.

Un mois et demi plus tard, la patiente se rend à une deuxième séance pour apporter des retouches nécessaires. Car certains pigments employés étant à base de substances minérales, leur couleur a pu évoluer. L’infirmière doit alors reprendre la couleur, éventuellement aussi la forme du tatouage, en l’élargissant un peu. Il peut également s’avérer nécessaire de travailler sur l’aréole du sein controlatéral, pour une harmonisation générale, ou de transformer des points de radiothérapie en « grains de beauté ». « C’est valorisant de participer à une étape positive, souligne l’infirmière. La dermopigmentation réparatrice change souvent l’image que les patientes ont d’elles-mêmes. »

Lors de la consultation de la matinée, une des patientes de l’infirmière, venue pour une seconde séance, lui a confié que de se voir dans la glace avec son tatouage lui avait permis d’oublier qu’il s’agissait d’une reconstruction.

CAS DE DÉPART

Mme L., 48 ans, a été traitée pour un cancer du sein gauche par mastectomie, chimiothérapie et radiothérapie. En concertation avec le chirurgien, elle a opté pour une reconstruction du sein par prothèse, liporemodelage et réfection du mamelon par lambeau trifolié. Même si le volume du sein existe déjà, la reconstruction reste incomplète. Le chirurgien a, lui, constaté la cicatrisation complète de sa dernière intervention. Mme L. décide de prendre rendez-vous en consultation infirmière de dermopigmentation.

HISTORIQUE DU PROJET

→ 2009 : Sylvie Pinel monte le projet avec Isabelle Jaffré, chirurgienne.

→ 2010 : Formation à la dermopigmentation : certificat obtenu auprès de Biotic Phocea. Création de la consultation infirmière de dermopigmentation réparatrice.

→ 2011 : L’ensemble des patientes reçues en consultation sont revues par la chirurgienne et l’infirmière. Suite à cela, la nécessité d’une séance complémentaire de dermopigmentation s’est imposée.

→ 2011 : Formation d’une seconde IDE.

→ 2013 : Formation d’une troisième IDE.

RÉFECTION DU MAMELON

L’épilogue d’un long parcours

La mastectomie consiste en une ablation de la glande mammaire. Pour redonner du volume, trois types de reconstruction sont envisageables à l’ICO René Gauducheau : la prothèse sous pectorale, avec ou sans séance de liporemodelage, le liporemodelage ou le prélèvement de lambeau grand dorsal, avec ou sans liporemodelage. En fonction de la morphologie de la patiente, ce choix peut se restreindre. Si la patiente doit suivre des séances de chimiothérapie et de radiothérapie, ces interventions chirurgicales ont lieu environ un an et demi après la mastectomie. En cas de mastectomie bilatérale prophylaxique, pour les patientes ayant une mutation génétique, la reconstruction mammaire peut se faire au même moment que l’ablation. C’est aussi le cas pour certains états précancéreux de la glande mammaire.

La réfection du mamelon peut ensuite être réalisée, en effectuant une découpe cutanée superficielle en forme de trèfle, le lambeau trifolié, qui entraîne un relief plus ou moins important.

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