LES ANTIBIOTIQUES ENCORE AUTOMATIQUES - L'Infirmière Magazine n° 362 du 01/07/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 362 du 01/07/2015

 

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AVELINE MARQUES  

Alertant sur le risque majeur que représente la résistance aux antibiotiques, une campagne exhorte les établissements et les praticiens à s’engager sur leur « juste usage ».

On estime à 700 000 le nombre de décès annuels(1) imputables aux bactéries multi résistantes dans le monde. Jusque là « continue mais modérée », la résistance aux antibiotiques est aujourd’hui « exponentielle » et pourrait, à l’horizon 2050, provoquer 10 millions de morts, plus que le cancer. Au-delà du coût pour la société – 100 000 milliards de dollars –, « ce sont des activités entières de la médecine qui pourraient être menacées : chirurgie prothétique, néonatalogie et réanimation, chimiothérapies antitumorales, greffes… », alertent la Fédération hospitalière de France (FHF), l’association Le Lien et la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) qui ont lancé, en mai, une campagne sur le « juste usage » des antibiotiques à l’hôpital. « La décision de prescrire doit être interrogée », affirment-ils, notant que la France est l’un des pays les plus consommateurs d’antibiotiques en Europe. Si elle a provoqué un « infléchissement », la campagne nationale « Les antibiotiques, c’est pas automatique » a fait long feu et la consommation est repartie à la hausse : + 5,9 % depuis 2010. Et ce, alors que peu de nouvelles thérapeutiques ont été mises sur le marché.

Prescription sur avis

La FHF, Le Lien et la Spilf pointent également leur « mésusage », qui aggrave l’antibioresistance : mauvais choix de molécule, de posologie ou de durées… Leur campagne repose sur deux chartes, l’une à destination de l’établissement, l’autre des praticiens. Les hôpitaux signataires s’engagent à suivre leur consommation, à identifier un référent, à former tout nouveau prescripteur et à promouvoir le juste usage des antibiotiques en médecine libérale et dans les établissements médico-sociaux limitrophes. Les médecins, eux, sont incités à « ne prescrire les antibiotiques que dans les situations où ils ont fait preuve de leur efficacité », à suivre les recommandations nationales de prescription et à faire appel à l’équipe d’infectiologie ou au référent antibiotique devant toute situation problématique.

La campagne met en avant la ligne d’avis en infectiologie mise en place en mars 2014 au CHU d’Angers, qui a démontré un infléchissement de la prescription : en un an, 2 565 avis ont été rendus par des médecins seniors, le plus souvent à des internes, mais également à des libéraux (20 %). Si une antibiothérapie a été introduite ou maintenue à l’issue de 43 % des appels, elle n’a pas été initiée pour 22 % des patients, stoppée pour 6 % d’entre eux et modifiée dans 29 % des cas.

1- « Antimicrobial resistance : tackling a crisis for the health and wealth of nations », rapport au Premier ministre britannique dirigé par Jim O’Neill, décembre 2014.

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