Après le PPP, la renaissance - L'Infirmière Magazine n° 356 du 01/01/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 356 du 01/01/2015

 

CH SUD-FRANCILIEN

DOSSIER

Libéré de son partenariat avec le privé, le centre hospitalier implanté à Corbeil-Essonnes a pris ses marques. Patients et praticiens affluent.

C’était mieux avant » : la cadre de santé du service de diabétologie, Mélanie Pessel, « n’entend plus beaucoup » cette phrase rituelle, presque trois ans après la fusion des hôpitaux de Corbeil-Essonnes et d’Évry au sein du Centre hospitalier sud-francilien (CHSF). Au cœur d’une vive polémique lors de son ouverture, début 2012, le nouvel hôpital de 110 000 m2, aux allures de paquebot, a trouvé son rythme de croisière… ou plutôt de hors-bord : son activité a augmenté de 13 % en 2013 par rapport à 2012, puis de 8 % au premier semestre 2014. Dès l’ouverture, la fréquentation des urgences a augmenté de 20 %. S’il a fait couler beaucoup d’encre, il a donc séduit les patients : « La maternité réalise 5 000 accouchements par an et refuse 30 parturientes par mois. On prend de l’activité aux cliniques privées », se félicite Catherine Fayet, déléguée Sud-santé, le syndicat majoritaire, pourtant vent debout contre le projet du nouvel hôpital. « Une unité neurovasculaire et un service de cardiologie interventionnelle ont été créés. Cela nous booste, nous attirons les professionnels », renchérit Véronique Smolarek, adjointe à la direction des soins. Le CHSF est presque devenu un hôpital normal : il est en train de se libérer du partenariat public-privé (PPP) qui a permis de financer la construction du nouveau bâtiment. Inauguré en 2012 à Corbeil-Essonnes, il est la propriété du groupe de BTP Eiffage, chargé de son entretien. En contrepartie, l’établissement doit verser un loyer annuel de 40 millions d’euros. Le PPP a aussi compliqué la conception du bâtiment : les soignants ont été consultés, « mais il fallait être sûr de soi, car toute modification devenait ensuite très difficile, les procédures étant très lourdes. Le moindre changement de cloison était un enfer administratif », raconte Véronique Smolarek. Or 8 000 malfaçons sont constatées à l’ouverture : des portes automatiques qui s’ouvrent trop lentement, des bras articulés mal installés, des avaries dans le circuit d’eau chaude, etc. Les contentieux entre les deux partenaires sont incessants. Eiffage et la direction se mettent finalement d’accord en avril dernier pour résilier le bail emphytéotique qui les liait.

Guéridon mobile

Les malfaçons se résorbent petit à petit, mais les infirmières doivent s’adapter à un bâtiment de 350 mètres de long et 150 mètres de large. « Les distances sont importantes, même à l’intérieur d’une unité, raconte Véronique Smolarek. Pour éviter les allers-retours entre le poste de soins et les chambres, un chariot équipé d’un petit guéridon mobile a été conçu. Il permet de préparer les perfusions au lit du patient, ce qui le rassure souvent. » Mais elle raconte que cela a été « tout un travail pour que les chariots soient bien vidés en fin de faction ». De même, la gestion des stocks selon le système du plein-vide a suscité des réticences chez les infirmières : « Certaines craignaient de manquer et faisaient des réserves. »

« Il nous a fallu un an et demi à deux ans pour être au clair », estime Mélanie Pessel. Aujourd’hui encore, les infirmières restent sous la pression constante d’un plan de retour à l’équilibre, justifié par l’endettement du nouvel hôpital (31 millions d’euros en 2013) : « Il faut que l’activité augmente à moyens constants, poursuit Mélanie Pessel. En tant que cadre, je me suis lancé un défi : me saisir de ces contraintes comme d’une opportunité. Le déménagement est l’occasion de repenser les organisations, de traquer les gaspillages, les tâches et les déplacements inutiles, pour rester au plus près du patient. »

EN SAVOIR PLUS

→ « Anticiper la mise en service d’un bâtiment », un guide publié en 2012 par l’Agence nationale d’appui à la performance (Anap), est téléchargeable sur son site internet (www.anap.fr). S’appuyant sur les expériences de cinq établissements, l’Anap recense les bonnes pratiques : définition des organisations cibles, préparation des équipes, des équipements, des systèmes d’information, pilotage du projet, conduite du déménagement, etc.

→ « Évaluation du financement et du pilotage de l’investissement hospitalier », un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales publié en mars 2013, analyse en particulier les deux plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012. S’ils étaient « justifiés » pour remettre à niveau un parc hospitalier « obsolète », les investissements ont été bien plus importants que prévu et ont donc conduit les hôpitaux publics à s’endetter lourdement. Le rapport est disponible sur le site internet de l’Igas : www.igas.fr