Peut (bien) mieux faire - L'Infirmière Magazine n° 303 du 15/06/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 303 du 15/06/2012

 

PLAN 2011-2015

DOSSIER

Après la version 2005-2008, au bilan très mitigé de la part de la Cour des comptes et du Haut Conseil de la santé, le plan 2011-2015, estampillé « nouvelle génération », ne convainc pas vraiment les professionnels.

Le plan santé mentale 2005-2008 a été présenté par le ministre de la Santé de l’époque, Philippe Douste-Blazy, début février 2005, dans le contexte houleux du drame de Pau, quelques semaines après le meurtre d’une infirmière et d’une aide-soignante par un ex-patient psychiatrique. Son but : « Donner à la psychiatrie un nouveau souffle, au service des usagers et des acteurs », dans la poursuite de la politique de secteur. Il s’agissait tout d’abord de décloisonner la prise en charge en améliorant l’information, la prévention et la promotion de la santé mentale et en accueillant et en accompagnant mieux (grâce à une augmentation du nombre de places en accompagnement à domicile et en hébergement médico-social). Le plan prévoyait aussi d’améliorer les droits des malades et de leurs proches ainsi que l’exercice des professionnels, via le renforcement des formations, l’augmentation du nombre d’internes et la création de 2 500 postes médicaux et non médicaux. Le développement de la qualité et de la recherche étaient escomptés, et des programmes spécifiques prévus sur la dépression et le suicide, les enfants et les adolescents, les populations vulnérables et les relations avec la justice. Un vaste programme d’investissement immobilier était aussi mis en place.

En 2011, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) et la Cour des comptes ont établi un bilan mitigé de ce plan. Le premier a considéré que la conception du plan était pertinente au regard des enjeux de santé publique et admis que la plupart des mesures prévues ont été concrètement mises en œuvre, « de manière au moins partielle », sauf en matière de promotion de la santé mentale et d’actions dédiées aux médecins généralistes, dont la place dans l’offre de soins psychiatrique reste à affirmer. Il a aussi reconnu l’effort « significatif d’amélioration quantitative et qualitative de l’offre de soins » grâce au programme d’investissement ou sur l’ambulatoire. Mais le HCSP a interrogé l’adaptation de l’offre de soins par rapport aux besoins des personnes concernées, notamment sur le plan qualitatif ou en termes d’organisation du système de soins. De gros progrès sont à réaliser pour une meilleure articulation entre les secteurs sanitaire, médico-social et social afin de fluidifier les parcours de soin. Un point fort était cependant souligné : le développement des services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah) et des services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS), ou encore des groupes d’entraide mutuelle. Mais la question centrale du logement n’a pas été suffisamment traitée, a tempéré le Haut Conseil. Le bilan était aussi « globalement décevant » concernant les mesures de prévention à destination des enfants et des adolescents, mais plus positif pour celles dédiées aux personnes en situation d’exclusion. Enfin, la recherche n’avait, par ailleurs, pas beaucoup progressé, indiquait le HCSP.

Objectif non atteint

La Cour des comptes s’est montrée plus sévère. Elle a observé, tout d’abord, que l’objectif de favoriser les prises en charge extra-hospitalières n’a pas été atteint et que l’hospitalisation complète, souvent utilisée de manière inadaptée, pèse encore trop : 10 000 personnes seraient hospitalisées alors qu’elles pourraient bénéficier d’une prise en charge plus autonome. « Les alternatives à l’hospitalisation demeurent trop peu développées », remarque aussi la Cour des comptes. Elle souligne également que les moyens humains ont augmenté mais que les inégalités géographiques restent fortes, et les postes vacants nombreux. Le rapport se félicite, par ailleurs, du renforcement de la formation des infirmiers par le tutorat des nouveaux agents. Plus globalement, elle déplore que le pilotage du plan se soit délité à partir de la mi-2007, ce qui a affecté la répartition, la maîtrise et le suivi des moyens nouveaux (importants en matière de sécurité). Côté immobilier, le programme important s’est dispersé et a pris du retard, poursuit la Cour, qui pointe l’absence d’une « stratégie claire et appropriée ». Enfin, poursuit-elle, la sectorisation souffre d’une « progressive mise en déshérence » relevant d’une stratégie nationale. Cela aboutit « à un flou préoccupant sur le cadre institutionnel, dans lequel doivent s’inscrire les soins en psychiatrie » puisque le secteur disparaît dans les textes mais se maintient, de fait, sur le terrain…

Nouvelle génération

Le rapport estime, enfin, qu’il est urgent de redéfinir et de clarifier les missions et les modes d’action des différents acteurs et qu’une mission de service propre à la psychiatrie soit définie. Deux mois après ce rapport, et à la toute fin du mandat de Nicolas Sarkozy, la secrétaire d’État aux Solidarités Marie-Anne Montchamp a présenté, en février 2012, le nouveau plan santé mentale 2011-2015. Un « plan nouvelle génération » : il trace les grandes lignes et orientations, et laisse le soin aux administrations centrales, opérateurs nationaux, ARS et acteurs de terrain de les décliner à leur échelle. Autour de la thématique « prévenir et réduire les ruptures », le plan s’organise en quatre axes. Le premier concerne les ruptures au cours de la vie et porte sur la prévention, sur l’amélioration de l’accès aux soins, de la continuité des soins et de l’accompagnement, ainsi que sur l’amélioration de l’accès au logement, des droits et de la qualité de vie des usagers. Ce leitmotiv se décline ensuite selon les publics et les territoires afin, notamment, de « faire évoluer le secteur en assurant partout la responsabilité et la continuité des soins ». Ce point prévoit que le secteur sera un « outil au service d’un territoire ». Le plan indique aussi qu’il faut octroyer à la psychiatrie une autre mission de service public que celle sur les soins sans consentement, « sur la base des atouts de la politique de secteur ».

« Bonnes intentions »

D’autres préconisations générales suivent, sur le rééquilibrage de l’offre de soins au niveau géographique et des financements en fonction des besoins, et sur le développement des coopérations et complémentarités professionnelles. Le troisième axe concerne les rapports entre la psychiatrie et la société, ses représentations dans la population générale ou les professionnels, ainsi que l’image des usagers, qu’il convient d’améliorer. Il enjoint également aux acteurs de « repenser la sécurité » en psychiatrie sous l’angle de la bientraitance. Enfin, le dernier axe vise à favoriser les liens entre les professionnels via les réseaux, la recherche, la formation ciblée de certains ou pluriprofessionnelle pour d’autres. Les ARS doivent présenter leurs priorités et leurs actions régionales au sein de leur projets régionaux de santé (PRS) avant juillet 2012, tout comme les administrations centrales et les opérateurs nationaux, à la DGS, chargée du pilotage du plan.

Sur le fond, en tout cas, ce nouveau plan n’a pas vraiment comblé les attentes. « Une litanie de bonnes intentions et de vagues propositions organisationnelles de nature administrative », sans « axe central organisateur », a, ainsi, commenté la FASM-Croix-Marine, dont certaines des demandes ont pourtant été reprises. « Un simple assemblage de thèmes et de recommandations régulièrement déclinés depuis quinze ans », pour le Syndicat des psychiatres des hôpitaux. Qui s’interroge : « Tout ça pour ça ? » Pour Nicole Garret-Glonaec, ce plan « n’est ni bon ni mauvais. On ne sait pas dans quel sens il va. Il n’y a aucune orientation ni aucune précision sur les moyens mis en œuvre. Les grandes orientations devaient être suivies d’orientations pratiques : cela n’a pas été fait. » Olivier Labouret se montre prudent. « Ce plan veut mettre en place une nouvelle mission de service public de proximité sur le secteur, qu’il définit comme un outil territorial, alors que c’est d’abord un outil démocratique d’accès aux soins. Ce nouveau plan fait aussi la part belle aux ARS, qui sont très peu démocratiques dans leur fonctionnement. » À charge, pour le nouveau gouvernement, de prendre le relais.