Le tétanos - L'Infirmière Magazine n° 303 du 15/06/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 303 du 15/06/2012

 

DOSSIER

LE POINT SUR

Le tétanos est une maladie neurologique induite par une toxine que libère dans l’organisme un germe infectieux banal, Clostridium tetani. Cette affection sévère, parfois mortelle, peut être efficacement prévenue par la vaccination.

DESCRIPTION

Le tétanos est une infection aiguë, non contagieuse, due à une exotoxine sécrétée par un bacille Gram positif anaérobie strict, Clostridium tetani (connu comme « bacille de Nicolaïer »). Ce germe ubiquitaire, mobile, commensal du tube digestif de nombreux mammifères et oiseaux, persiste dans les déjections et le sol, sous une forme sporulée résistante à la chaleur et aux désinfectants chimiques. L’infection fait suite à la pénétration de spores par une plaie cutanée ou une muqueuse souillée (car le germe reste inactif s’il pénètre par voie digestive, sauf plaie interne). En milieu anaérobie (en pratique, au sein du tissu nécrotique bordant une plaie cutanée résultant d’un écrasement, d’une engelure, d’une brûlure, d’une morsure, au sein d’un tissu ischémié, au voisinage d’un corps étranger comme une écharde…), les spores tétaniques se transforment en formes bactériennes végétatives qui libèrent in situ deux toxines : la tétanolysine, douée de propriétés antiphagocytaires ; et, surtout, la tétanospasmine, une toxine neurotrope proche de la toxine botulique, extrêmement puissante (dose létale de 2,5 ng/kg chez l’homme), à l’origine des signes cliniques de l’infection.

Épidémiologie

Dans les pays développés, le nombre de cas et la proportion relative des décès ont diminué en cinquante ans – sans disparaître pour autant –, mais le tétanos constitue toujours une cause importante de mortalité dans les pays en voie de développement. En France, le tétanos est à l’origine de 4 décès/an en moyenne. Il affecte surtout des sujets âgés (entre 2000 et 2009, 75 % des 175 cas avaient 70 ans et plus).

Le tétanos « généralisé »

Dans quelque 80 % des cas, le tétanos est généralisé : la tétanospasmine, cheminant dans les axones des motoneurones, gagne les cellules inhibitrices pré-ganglionnaires (localisées dans la moelle épinière et le cerveau). Après une période d’incubation de 1 à 15 jours, parfois plus (la moyenne est d’environ une semaine), elle y bloque la libération de neuro–transmetteurs inhibiteurs du tonus musculaire (acide gamma-aminobutyrique ou GABA, notamment), d’où une hyperexcitabilité motrice incontrôlée. Le tétanos est d’autant plus grave que sa porte d’entrée est proche du système nerveux central et que l’incubation de la maladie est, de ce fait, brève.

→ Au plan clinique, le signe inaugural du tétanos est un trismus (blocage rapidement permanent de la mâchoire par contraction des muscles masséters) empêchant de parler, de mastiquer, puis d’ouvrir la bouche et de s’alimenter. Cette contracture initialement peu douloureuse gagne le pharynx et le visage – qui se plisse d’un rictus permanent.

→ La phase d’état, observée quelques heures à 2 ou 3 jours plus tard, se caractérise par des contractures généralisées, invincibles, très douloureuses, entraînant une privation d’oxygène (anoxie) par blocage des muscles respiratoires. Elles surviennent sous forme de paroxysmes se répétant plusieurs fois par jour et durant une dizaine de minutes. Leur survenue est exacerbée par la lumière (photophobie), le bruit (sonophobie), voire par un contact cutané. Elles affectent en premier le rachis vertébral, pour s’étendre aux muscles paravertébraux, induisant une attitude caractéristique d’hyperextension (opisthotonos) ; elles entraînent aussi une contracture des sphincters avec rétention urinaire et fécale.

→ Les signes neurologiques s’accompagnent de sueurs profuses, d’une déshydratation et, parfois, d’une agitation ; il n’y a de fièvre qu’en cas de surinfection. La conscience demeure intacte.

En l’absence de traitement, le décès survient dans un tableau de spasme laryngé, d’apnée et/ou d’arrêt cardiaque, mais aussi à la suite d’une infection ou d’un accident thrombo-embolique. Les formes les moins sévères peuvent se résoudre spontanément en trois à quatre semaines. La survie peut aussi s’accompagner de séquelles à type de fractures, tassements vertébraux et/ou ruptures des tendons.

Il existe d’autres présentations du tétanos : il peut demeurer localisé au voisinage de la porte d’entrée du germe, affecter uniquement le visage et les nerfs crâniens ou affecter le nourrisson dont la mère n’a pas été vaccinée – cette dernière présentation a quasiment disparu dans les pays occidentalisés.

TRAITEMENT

Le diagnostic de la maladie est uniquement clinique. Sa sévérité impose une hospitalisation en réanimation avec une létalité qui reste comprise, chez l’adulte, entre 25 % et 40 % selon les séries dans les pays occidentalisés.

Le traitement étiologique

Le traitement étiologique consiste à parer, nettoyer et désinfecter la plaie (proscrire tout pansement occlusif, qui favorise l’anaérobiose), et à administrer une antibiothérapie par pénicilline G (ou par métronidazole = Flagyl® en cas de contre-indication aux lactamines), ainsi qu’une immunoglobuline humaine tétanique spécifique par voie IM (Gammatétanos®, indiqué en cas de lésion suspecte chez un sujet dont la vaccination est incomplète, ancienne ou inconnue, mais aussi en cas de tétanos déclaré). Il faut y associer une vaccination tétanique selon les recommandations en vigueur, injectée sur un site différent de celui de l’injection de la globuline.

Le traitement symptomatique

Le traitement symptomatique repose sur l’éviction des stress sensoriels (lumière, bruit), sur la réanimation respiratoire (intubation, ventilation artificielle), sur des apports hydroélectrolytiques et nutritifs, sur la prophylaxie des accidents dus au décubitus (prévention des accidents thrombo-emboliques et des escarres) et, sur le plan médicamenteux, sur l’administration de myorelaxants (benzodiazépines, dont, notamment, le clonazépam = Rivotril® ; baclofène = Liorésal® ; phénobarbital = Gardénal® ; si le patient est ventilé) et de sédatifs (morphinomimétiques en cas de douleurs trop insupportables). Ce traitement est poursuivi pendant deux ou trois semaines.

Prévenir l’infection

L’infection tétanique ne protège pas d’une nouvelle contamination. La vaccination antitétanique (anatoxine tétanique), d’une efficacité et d’une innocuité quasiment parfaites, est obligatoire (vaccin monovalent = Vaccin tétanique Pasteur® ou à valences multiples : Repevax®, Tetravac-Acellulaire®, Boostrix-tetra®, Infanrix-tetra®, DT-Polio®, Revaxis®, Pentavac®, Infanrix quinta®, Infanrix hexa®). Une politique de rappels vaccinaux parfois mal suivie explique que le tétanos n’ait pas complètement disparu de l’Hexagone.

RAPPELS

Prévention

→ Maladie à déclaration obligatoire, le tétanos doit faire l’objet d’une notification individuelle à l’autorité sanitaire. Il entre dans la catégorie des infections professionnelles pour les personnes travaillant dans les égouts, ou en contact avec les animaux domestiques, leurs dépouilles ou leurs déjections.

→ En prévention de l’infection, toute plaie, même minime, doit être nettoyée et désinfectée avec minutie. Une plaie sévère sera examinée par un médecin, qui prescrira une immunoglobuline antitétanique. Le statut vaccinal est vérifié (primo-vaccination ou rappel à pratiquer).

→ Le calendrier vaccinal doit être strictement respecté : la primo-vaccination antitétanique, obligatoire en France pour les nouveau-nés, comprend trois injections, à 2, 3 et 4 mois, avec rappel vers 16-18 mois. Un rappel est recommandé à 6 ans, puis vers 11-13 ans. Des rappels sont recommandés tous les dix ans à partir de 16-18 ans.

SOURCES UTILES

→ Collège des universitaires de maladies infectieuses et tropicales, « E. Pilly 2012 » (23e édition), éd. Vivactis Plus.

→ Haut Conseil de la santé publique, « Calendrier vaccinal 2012 », « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (10/04/2012), en ligne sur :