LE DILEMME DES LIENS FACS-IFSI - L'Infirmière Magazine n° 277 du 15/04/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 277 du 15/04/2011

 

RÉFORME LMD

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

Alors que les études infirmières s’universitarisent, les formateurs redoutent une moindre autonomie des Ifsi et leur intégration à marche forcée aux universités.

D’un côté, la perspective de voir émerger des « sciences infirmières » autonomes. De l’autre, la peur de voir les instituts de formation dépossédés de leur autonomie et intégrés à marche forcée à l’université. Le dilemme était dans tous les esprits, lors d’une rencontre de formateurs infirmiers et cadres français et européens, début mars(1). D’emblée, Joëlle Kozlowski, présidente du Cefiec, a mis en garde les formateurs : « Rien n’est réglé pour nous, même si nous avons le grade de licence pour les infirmières et le grade de master pour les infirmiers anesthésistes. »

Improvisation regrettée

Les partenariats que les Ifsi, regroupés géographiquement, doivent mettre en place avec les universités, sont en effet délicats. L’atmosphère de précipitation et d’improvisation qui a conduit, à l’été 2009, à construire le référentiel de formation entre le 31 juillet et la rentrée de septembre, est restée en travers de la gorge de nombreux enseignants en soins infirmiers.

« Il y a eu des ratés dans la méthodologie dès le départ, et nous n’avons pas pu travailler avec les universités sur ce référentiel, relève Joëlle Kozlowski. Cela s’est fait dans un second temps, et aujourd’hui, chacun essaie de défendre son pré carré. Les Ifsi ont l’habitude de fonctionner de manière très autonome, nous n’avons pas de tutelle évaluant qualitativement nos pratiques… Mais la partie professionnelle de la formation, à savoir les soins infirmiers, ne peut pas être traitée par l’université ! »

Porosité profitable

Cette dichotomie entre les savoirs universitaires et le savoir-faire professionnel ne s’annonce pas favorable à l’envol des sciences infirmières et à leur affirmation face au pouvoir médical. « En tant que formateurs, voulons-nous rester dans cette juxtaposition ou voulons-nous rendre ces deux systèmes poreux et faire évoluer certaines de nos compétences, acquérir à l’université certains comportements, pour nous construire une légitimité nous permettant de garder cette autonomie que nous avons mis longtemps à construire ? », interroge Christophe Debout, directeur adjoint du dé­partement des sciences infirmières et paramédicales au sein de l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et coordinateur du laboratoire de recherche infirmière. « Comme ce travail avec l’université n’a pas été anticipé et réfléchi ensemble, il nous donne le sentiment de perdre une certaine légitimité que nous avons essayé d’obtenir depuis des années », ajoute une participante.

« Méfiance réciproque »

En filigrane se dessinent aussi les évolutions du métier d’enseignant en soins infirmiers, la formation des formateurs étant également concernée, à terme, par la réforme LMD (licence-master-doctorat). Le Cefiec plaide en faveur d’une distinction nette entre le métier de cadre formateur et celui de cadre de santé : « On peut penser à un tronc commun, mais pour nous, il s’agit de deux métiers différents », estime Joëlle Kozlowski.

Une distinction pas toujours évidente, alors que dans certains hôpitaux, on demande aux formateurs de venir effectuer des gardes. D’où, aussi, une source de malentendus et une « méfiance réciproque », observée par une participante, entre acteurs de la formation et du management : « Les cliniciens pensent toujours qu’on intellectualise trop dans les Ifsi, les formateurs pensent qu’il n’y a que du “faire” sur les terrains de stage. Avec le changement de référentiel, l’évaluation ne se déroule que sur le terrain, et on l’a ainsi confiée à des infirmières qui n’étaient pas forcément formées au tutorat. La charge de travail est telle qu’on met en difficulté certains professionnels pour absorber la charge d’apprentissage. » Une chose est sûre : en continuant son déploiement, la réforme LMD ne manquera pas de sujets délicats à trancher.

1- Organisée le 2 mars par la Fédération européenne des enseignants en soins infirmiers (Fine) et le Comité d’entente des formations infirmières et cadres (Cefiec), à l’institut de formation interhospitalier Théodore-Simon de Neuilly-sur-Marne (93).