AU SECOURS DES RÉFUGIÉS IVOIRIENS - L'Infirmière Magazine n° 277 du 15/04/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 277 du 15/04/2011

 

LIBÉRIA

ACTUALITÉ

Depuis décembre, le Libéria a accueilli 120 000 réfugiés venant de Côte-d’Ivoire. Pour les soigner, Médecins sans frontières organise des cliniques mobiles. Reportage.

Couverte de boue, la Jeep de Médecins sans frontières (MSF) arrive au petit matin dans le village d’Old Yourpea, dans le comté de Nimba, au nord-est du Libéria. Depuis février, cette bourgade frontalière abrite quelque 2 400 réfugiés ivoiriens. Tous ont fui les combats qui opposent les forces pro-Ouattara, le président reconnu par la communauté internationale, à l’armée fidèle à Laurent Gbagbo, président ivoirien depuis 2000(1). Aujourd’hui(2), MSF ouvre une clinique mobile dans le village. L’équipe, un médecin et un infirmier libériens, investit une petite maison abandonnée et installe chaises en plastique, tables et caisse de médicaments. Ce matin, elle fera 87 consultations gratuites. Une médecine « de brousse » auprès de villageois et de réfugiés qui ont peu accès aux centres de santé.

Manque d’eau potable

Dès l’ouverture de la clinique, les femmes se bousculent pour faire examiner leurs enfants. La plupart, en bas âge, souffrent de diarrhées causées par le manque d’eau potable dans le village. Woyea distribue les antiparasitaires et les sachets purificateurs d’eau par dizaines. Patiemment, l’infirmier découpe les plaquettes pour donner le nombre exact de cachets aux mères, avant de les glisser dans des sacs zippés. Sur chacun des sachets, un soleil indique le jour et une lune, la nuit. Woyea utilise ces symboles pour expliquer la posologie aux mères. Celles-ci ont la charge de soigner leurs familles, mais la majorité savent à peine lire et écrire.

Paludisme préoccupant

L’infirmier reçoit une femme accompagnée de quatre jeunes enfants au regard apathique. Après consultation du médecin, Woyea les teste contre le paludisme : malgré les pleurs des petits, il prélève une petite goutte de sang à chacun au bout du doigt. Le résultat tombe peu après : tous sont atteints de paludisme. « C’est l’affection la plus courante ici, avec les infections respiratoires, les parasites intestinaux et les maladies de peau », explique l’infirmier. Des pathologies souvent liées au manque d’eau potable et aux marécages qui entourent le village. En six heures de consultations, Woyea réalise 26 dépistages du paludisme, dont 20 s’avèrent positifs. « Quand un membre d’un foyer est infecté, on est presque sûrs que toute la famille va l’être », soupire Augustus Davies, le médecin.

Les deux hommes rencontrent aussi beaucoup de « generalized body pain », soit des douleurs physiques diffuses. Elles touchent des réfugiés qui n’ont pas de pathologie précise, mais ont besoin d’être rassurés. Traumatisés, ils ont souvent marché des jours en brousse pour fuir les combats. Aujourd’hui loin de chez eux, il leur faut une oreille attentive. Une femme entre, soutenue par une proche. Très faible, elle peut à peine marcher. Après examen, il s’avère que ses constantes sont bonnes. Elle repart avec de l’ibuprofène, des petits cachets roses que Woyea distribue inlassablement aux patients.

MSF est également présente au camp de réfugiés de Bahn, et gère une dizaine de cliniques mobiles dans ce comté de Nimba, la région qui accueille la plupart des réfugiés. Pour Raphaël Delhalle, infirmier et coordinateur médical régional de MSF, « cette solution répond tout à fait aux besoins des réfugiés, car ils ne veulent pas quitter les villages ». Seuls 6,5 % ont rejoint les camps installés par l’ONU. Expérimenté, Raphaël Delhalle sait cependant que MSF va faire face à de nouveaux défis : « La saison des pluies approche et va aggraver le paludisme. Si nous n’avons pas encore de choléra au Libéria, la malnutrition, elle, augmente. »

1- Le second tour de l’élection présidentielle ivoirienne, le 28 novembre 2010, opposait le président sortant Laurent Gbagbo, au pouvoir depuis octobre 2000, à l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara. M. Gbagbo, déclaré vainqueur par le Conseil constitutionnel, et M. Ouattara, à qui la Commission électorale indépendante a attribué la victoire, ont tous deux prêté serment le 4 décembre, formant deux gouvernements parallèles et cristallisant l’opposition violente de leurs partisans respectifs. À quelques exceptions près, la communauté internationale reconnaît Ouattara comme le président élu de Côte-d’Ivoire.

2- Reportage réalisé le 29 mars 2011.