LES VACCINATIONS AU DÉFI DE L’APPRÉHENSION - L'Infirmière Magazine n° 267 du 15/11/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 267 du 15/11/2010

 

SANTÉ PUBLIQUE

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Lors des derniers Entretiens de Bichat, Pierre Bégué, membre de l’Académie de médecine, s’est inquiété de l’insuffisante couverture vaccinale observée dans les pays européens.

Avec la disparition des maladies due aux grandes campagnes vaccinales du XXe siècle, les sociétés occidentales se sont détournées de la politique vaccinale, « pensant que la disparition de ces maladies venait des progrès de l’hygiène et non de la vaccination ». Fort de ce constat, le Pr Pierre Bégué, ancien directeur du Comité technique des vaccinations, a fait une mise en garde lors des Entretiens de Bichat(1). Avec une focalisation sur les effets secondaires des vaccins, le regard de l’opinion publique a changé : « En 2010, on craint plus le vaccin que la maladie », raille-t-il. Et de rappeler que les agents pathogènes de ces ma­ladies sont toujours en circulation, même si celles-ci ont disparu. Une insuffisante couverture vaccinale entraîne l’émergence de nouveaux foyers d’épidémie et le glissement de la maladie vers l’adolescence et l’âge adulte, âges auxquels elle prend des formes plus aiguës.

La France n’est pas parvenue à éliminer la rougeole, objectif qu’elle s’était fixé pour 2010. Le taux d’infectiosité de cette maladie, très élevé, nécessite une couverture vaccinale de 95 %. En 2007, ce taux était de 90 %. Pour 2010, on a enregistré 1972 cas de rougeole, dont 700 ont nécessité une hospitalisation. La maladie touche un nombre important de nourrissons et d’adultes, avec de fréquentes complications neurologiques ou pulmonaires dues au « vieillissement de la maladie ».

Rougeole à retardement

De fait, l’Europe connaît une épidémie de rougeole depuis 2006. Les pays les plus touchés sont la Suisse et le Royaume-Uni. Pour ce dernier, un facteur important a joué : les médias. À la fin des années 1990, le Dr Andrew Wakefield publiait dans The Lancet une étude – invalidée depuis – liant le vaccin contre la rougeole à l’augmentation des cas d’autisme, qui a provoqué un mouvement de panique outre-Manche. « En quelques années, a précisé Pierre Bégué, la couverture vaccinale, qui avait atteint le seuil satisfaisant des 95 %, est descendue à 89 %. » Dix ans plus tard, le DrWakefield était poursuivi en justice pour avoir tenté de susciter des plaintes de parents d’enfants autistes et vaccinés…

Information du public

L’académicien a souligné la nécessité d’« un climat favorable lié à une bonne information du public » pour la réussite d’une campagne vaccinale. Celle contre l’hépatite B, au milieu des années 1990, en est un bon contre-exemple. Alors que les autorités sanitaires avaient prévu comme cible première les nourrissons et la tranche des 11-17 ans, ce sont les 15-30 ans qui ont été massivement vaccinés. Selon le médecin, c’est parce que « la France a été le seul pays au monde où l’on a vacciné autant d’adultes en dix-huit mois » que la polémique associant le vaccin contre l’hépatite B à la sclérose en plaques(2) a pu voir le jour et entraîner un effondrement du taux de couverture. Celui-ci a longtemps plafonné à 30 % pour les nourrissons, ce qui laisse planer l’incertitude quant à l’avenir de la maladie quand les adolescents non vaccinés parviendront à l’âge adulte.

Espérant voir la tendance s’inverser, le Pr Bégué a évoqué l’intérêt des recherches sur les vaccins combinés (qui protègent contre plusieurs cibles) et les nouvelles voies de vaccination (transcutanées, orales et nasales), moins invasives. Il a conclu en insistant sur la nécessité d’améliorer la formation en vaccinologie et en infectiologie, selon lui négligées lors du cursus de médecine.

1– À Paris, du 29 septembre au 2 octobre 2010.

2– À ce jour, le débat scientifique n’est tranché ni dans un sens ni dans l’autre.