Calmer les accès de violence - L'Infirmière Magazine n° 191 du 01/03/2004 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 191 du 01/03/2004

 

Urgence

Conduites a tenir

À l'hôpital, le soignant se trouve parfois confronté à des comportements violents ou agressifs. Pour désamorcer la crise en douceur, on ne saurait trop recommander d'évaluer le degré d'agressivité de la personne violente, et de dialoguer avec elle pour la rassurer.

La confrontation avec une personne agitée et violente est fréquente dans le cadre de l'urgence médicale. Les circonstances peuvent être multiples : ébriété, conflit conjugal, problème social, rixe, pathologie organique, etc.

La première étape urgente sera de désamorcer la situation de crise, de manière à éviter l'escalade vers le passage à l'acte. Cette étape passe par une approche psychologique du sujet. La prudence s'impose car, suivant la façon dont vous conduirez votre entretien, vous serez l'élément déclencheur du dénouement de la crise ou celui de la dérive vers la violence.

ÉVALUATION

Évaluez le degré d'agressivité et de dangerosité de la personne. Plusieurs signaux permettent de détecter l'imminence d'un éventuel passage à l'acte : tension des muscles du visage, rythme verbal, timbre de la voix, déambulations incessantes, refus de contact, signes d'ébriété, ébauche de gestes agressifs, etc. Si la situation paraît d'emblée incontrôlable, ne prenez pas de risques et appelez les forces de l'ordre.

DISTANCE

Si vous êtes dans un local, ne vous tenez pas entre la porte et l'individu (ne pas lui donner l'impression qu'on cherche à lui barrer la route). Essayez de déterminer la distance à laquelle vous pouvez vous tenir du sujet : pas trop près, pour éviter les coups, pas trop loin, pour ne pas montrer qu'on a peur de lui.

Gardez vos mains en évidence, hors de vos poches (certains délirants interprétatifs peuvent penser que vous avez une arme dans votre poche). Évitez de vous trouver seul avec le sujet ou trop éloigné des autres personnes. Si le sujet est armé, ne tentez jamais de le désarmer par la force mais essayez de le convaincre de poser son arme (une fois l'arme posée, ne pas se précipiter pour s'en emparer).

DIALOGUE

Entamez un dialogue grâce à un contact rassurant, positif, en gardant votre calme, quel que soit le comportement agressif ou injurieux de l'individu :

- soyez neutre, réservé, sans gestes brusques ;

- parlez doucement et clairement en évitant les termes médicaux ; cachez votre peur ;

- utilisez le langage non verbal (attitude, regard) pour faire passer le message de manière bienveillante ;

- créez un climat propice en veillant au confort du sujet (installation sur une chaise ou dans un fauteuil) ainsi qu'à sa satisfaction (soif, faim, cigarettes) ;

- évitez le ton inquisiteur ou moralisateur ou, à l'inverse, le copinage intéressé ;

- bannir les expressions telles que « restez calme », « ne vous énervez pas » ou « ce n'est pas grave ce qui vous arrive ». Cela contribue à renforcer l'agressivité et donne l'impression que vous minorez sa souffrance. De même, préférez « qu'est-ce qui c'est passé ? » à « qu'est-ce qui vous a mis dans cet état ? » ;

- ne cherchez surtout pas à le dominer physiquement (même s'il s'agit de quelqu'un de faible corpulence). Au contraire, prévoyez une certaine soumission physique pour pouvoir préparer une meilleure emprise psychologique ;

- si le dialogue devient menaçant (« je vais te casser la gueule »), détournez la situation (« je ne suis pas votre ennemi, je peux vous aider ») ;

- montrez-lui que vous considérez sa souffrance psychologique (« je vous comprends », « j'aurais peut-être réagi comme vous ») ;

- laissez-le s'exprimer pour évacuer les origines de sa colère. Tentez de discerner, derrière ses mots, la réalité d'un vécu psychologique douloureux ou d'une maladie psychiatrique ;

- profitez-en pour débuter un examen (au moins visuel) à la recherche d'une cause organique de l'agitation (cf. encadré).

ADHÉSION

Repérez le point de rupture au-delà duquel la situation vous échappera : n'hésitez pas à passer la main à une tierce personne (cette transition peut même être préméditée).

Entretenez-vous avec l'entourage du sujet, en sa présence ou à l'écart, selon que les proches renforcent ou apaisent la situation conflictuelle : quels sont ses antécédents médicaux, psychiatriques, judiciaires, prend-il des substances psychotropes ? Au total, votre intervention doit permettre au sujet de se sentir moins frustré. Par votre temps d'écoute vous devrez synchroniser votre discours avec le sien et l'amener à adhérer à des solutions.

Pathologies pouvant se traduire par un tableau d'agitation

> intoxication au monoxyde de carbone ;

> hypoglycémie, hyponatrémie, hypercalcémie ;

> intoxication médicamenteuse (corticoïdes, atropine...) ;

> prise de substances psychodysleptiques (drogues, hallucinogènes) ;

> sevrage ou intoxication alcooliques ;

> sevrage médicamenteux (benzodiazépines, barbituriques) ;

> épilepsie temporale ;

> encéphalopathie, méningite ;

> hématome sous-dural (traumatisme crânien passé inaperçu) ;

> choc septique chez le sujet âgé.