L'érysipèle - L'Infirmière Magazine n° 191 du 01/03/2004 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 191 du 01/03/2004

 

Dermatologie

Conduites a tenir

Il s'agit d'une maladie fréquente chez l'adulte de plus de 45 ans, avec un âge moyen de survenue vers 60 ans. Symptôme principal, une grosse jambe rouge, aiguë et fébrile. Outre le repos au lit, le traitement repose sur une antibiothérapie antistreptococcique.

DÉFINITION

L'érysipèle est une dermo-hypodermite aiguë bactérienne à streptocoque-hémolytique A, parfois B, C ou G, se localisant au niveau des jambes, très rarement au niveau du visage.

ÉTIOLOGIE

La survenue d'un érysipèle est favorisée par une porte d'entrée microbienne (intertrigo interdigitoplantaire, piqûre d'insecte, traumatisme avec effraction cutanée, lésion de grattage, excoriations, ulcère de la jambe), par l'insuffisance veineuse ou lymphatique et l'obésité. Le diabète et l'alcoolisme ne semblent pas être des facteurs de risque. Le rôle délétère ou aggravant des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) est suspecté.

MANIFESTATIONS

Le début est brutal. En moins de 48 heures, on assiste à l'apparition d'une fièvre élevée, accompagnée de frissons et d'asthénie. Des plaques érythémateuses, sans nécrose, oedémateuses, circonscrites, douloureuses à la palpation, parfois recouvertes de phlyctènes ou accompagnées de décollements bulleux superficiels, se développent très rapidement et unilatéralement. Des adénopathies inflammatoires satellites homolatérales sont fréquemment associées. Une lymphangite peut compléter le tableau. La bonne limitation des lésions cutanées et leur étendue sont bien évocatrices d'un érysipèle. Il ne faut pas confondre l'érysipèle avec une lymphangite isolée qui réalise quant à elle un trajet rouge inflammatoire différent ou avec une thrombose veineuse profonde. Cette dernière, lorsqu'elle est isolée, ne donne jamais une grosse jambe rouge. Pas de confusion non plus avec le zona, qui se signale par la présence de vésicules et par son évolution clinique.

L'examen sanguin révèle une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, généralement importante, une vitesse de sédimentation augmentée (> 80 min à la 1re heure) et une protéine C réactive (souvent > à 100 mg/L d'emblée). Ces manifestations témoignent d'un syndrome inflammatoire important.

TRAITEMENT

Le repos au lit avec la jambe surélevée doit être respecté jusqu'à la régression des signes inflammatoires locaux (oedème et douleur). L'arrêt d'un éventuel traitement à base d'AINS doit être effectué. Le traitement repose sur une antibiothérapie antistreptococcique : la benzylpénicilline sodique (pénicilline du groupe G) par voie injectable est l'antibiotique de référence. Cependant, l'administration d'amoxicilline per os (3 à 4,5 mg/j pendant 10 à 15 jours) est préférée en médecine de ville.

Le traitement de la douleur doit aussi être pris en compte. L'hospitalisation est indispensable lorsque les signes généraux sont très marqués, faisant douter du diagnostic ou mettant le malade en danger (fièvre avec confusion, tachycardie, hypotension, pâleur, douleur locale intense, oedème majeur), quand il y a risque de complications (coexistence d'un diabète) ou dans le cas d'un contexte socio-économique défavorable (sans domicile fixe). On préconise alors en traitement d'attaque la pénicilline du groupe G (10 à 20 millions d'unités par jour en quatre à six injections IV de Pénicilline G® dans une tubulure à perfusion). La solution est préparée en introduisant dans le flacon 2 à 5 ml d'eau pour préparation injectable.

En milieu hospitalier, on dispose aussi de benzylpénicillinate de potassium contenant 1,5 mmol de potassium par flacon de 1 million d'UI. Une fois l'apyrexie obtenue (en général en 48 à 72 heures), on passe à une antibiothérapie per os : pénicilline du groupe V (3 à 6 millions d'unités par jour en trois prises, à distance des repas, sous forme d'Oracilline® suspension buvable ou d'Ospen® cp), pénicilline du groupe A (amoxicilline 3 à 4,5 mg/j en trois prises pendant deux à trois semaines).

En deuxième intention ou en cas d'intolérance à la pénicilline, on prescrit de la pristinamycine (Pyostacine® : 4 à 6 cp à 500 mg/j) ou un macrolide.

ÉVOLUTION

Elle est généralement favorable sous traitement antibiotique : apyrexie en 48-72 heures et amélioration des signes locaux en huit à dix jours.

Dans 5 à 10 % des cas, surtout chez les sujets immunodéprimés, des abcès localisés, superficiels le plus souvent, apparaissent. Il convient de les inciser et de les drainer, parfois sous anesthésie générale.

Les complications systémiques sont rares : septicémie à streptocoque, glomérulonéphrite aiguë poststreptococcique, érythème noueux).

PRÉVENTION DES RÉCIDIVES

La récidive touche environ 20 % des patients. Elle survient sur un terrain d'insuffisance veineuse ou lymphatique chronique et elle est souvent associée à la persistance d'une porte d'entrée chronique (ulcère de la jambe par exemple). Il convient de traiter efficacement ces différentes causes, en particulier les plaies chroniques afin d'éviter toute récidive de l'érisypèle et d'apprendre au patient à avoir une hygiène cutanée rigoureuse.

En dernier recours, lorsque les patients sont victimes de multiples récidives, un traitement préventif à base d'une pénicilline retard, la benzathine-pénicilline, injectable uniquement par voie intramusculaire et libérant lentement l'antibiotique par hydrolyse, (Extencilline® : 2,4 millions toutes les deux-trois semaines) ou de pénicilline du groupe V per os peut être instauré.