L'infirmière Libérale Magazine n° 373 du 01/09/2020

 

LOI BIOÉTHIQUE

ACTUALITÉ

Anne-Lise Favier  

Alors que le projet de loi bioéthique vient d’être adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, un amendement concernant l’interruption médicale de grossesse a déclenché une vive polémique.

ISSU DES TRAVAUX DE LADÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES, L’AMENDEMENT PROPOSÉ PAR LE GROUPE SOCIALISTE ETAPPARENTÉS PRÉCISE LE CADRE DE L’INTERRUPTION MÉDICALE DE GROSSESSE (IMG) EN AJOUTANT LA NOTION DE « DÉTRESSE PSYCHO SOCIALE » COMME CRITÈRE DE « PÉRIL GRAVE JUSTIFIANT LA RÉALISATION D’UNE IMG ». Cette notion a vivement été critiquée par les mouvements conservateurs, qui y voient une disposition visant à autoriser l’avortement en toutes circonstances. L’ajout de ce « critère invérifiable de détresse psycho sociale permettra de recourir à l’IMG jusqu’au terme de la grossesse », s’inquiète ainsi l’association Alliance Vita.

Pourtant, cette notion est déjà prévue par la loi, mais pas inscrite en tant que telle : l’IMG peut en effet être pratiquée sans restriction de délai, pour motif médical, « si la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou si le fœtus est atteint d’une affection d’une gravité reconnue comme incurable, et ce jusqu’au terme de la grossesse ». Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) expliquait d’ailleurs l’an dernier cette disposition de la loi qui existe depuis le 4 juillet 2001 : « L’IMG psychosociale est actuellement mal connue dans les services de gynécologie-obstétrique. Elle concerne des femmes en situation de danger personnel, de violences, de difficultés psycho logiques majeures ou d’extrême précarité, rendant impossible la poursuite de leur grossesse alors même qu’elles dépassent le délai légal de 14 semaines d’aménorrhée. » Le collège rappelait en outre que l’interruption volontaire de grossesse (IVG) entraîne des déplacements à l’étranger néfastes pour la santé, onéreux, voire inaccessibles à certaines femmes.

Un objectif d’égalité des chances

Pour autant, cela ne signifie pas que toute IVG hors délais va devenir une IMG pour détresse psychosociale : « En réalité, lorsqu’un dossier de ce type arrive, ce qui est très rare, la demande d’IMG est examinée à la loupe pour déterminer s’il s’agit vraiment de détresse psychosociale : une femme violée ou une jeune fille victime d’inceste qui découvre sa grossesse après le délai légal peut entrer dans ce cadre, mais cela ne représente qu’un nombre limité de cas », explique un membre du CNGOF.

Pourquoi donc ajouter cet amendement à la loi existante ? Parce que, dans les faits, il existe de nombreuses disparités territoriales dues à l’appréciation des médecins, « ce qui peut faire varier d’une région à l’autre cette notion de péril grave », estime le Planning familial. Ainsi, dans l’exposé de son amendement, Marie-Noëlle Battistel, députée de l’Isère, rappelle que la précision est importante : « On constate trop souvent des interrogations, voire des divergences d’interprétation sur l’opportunité de prendre en compte, parmi les causes de péril grave justifiant la réalisation d’une IMG, la détresse psychosociale. Il convient de clarifier le cadre juridique dans lequel le collège médical rend son avis sur l’opportunité de réaliser cet acte. Ce sera plus clair pour tout le monde et la décision sera plus aisée ». « L’amendement vise à renforcer l’accès à l’IMG, lequel est soumis à des disparités régionales, renchérit le député Guillaume Chiche. Or il n’existe qu’un moyen de lisser les pratiques : agir sur la loi, qui s’applique sur tout le territoire national. » Une façon de garantir une égalité des chances à toutes les femmes qui auraient besoin de recourir à une IMG, dans un cadre plus clair et bien plus lisible, comme le préconisait le CNGOF : « Les situations difficiles, voire dramatiques que vivent les femmes justifient des processus de réflexion des équipes médicales dans la clarté et la transparence en utilisant complètement les dispositions de notre pays. » Dont acte.

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