L'infirmière Libérale Magazine n° 373 du 01/09/2020

 

SÉGUR DE LA SANTÉ

ACTUALITÉ

Adrien Renaud  

Le Ségur de la santé a pris fin début juillet, avec l’annonce d’une augmentation substantielle des professionnels hospitaliers, mais aussi avec la promesse de réformes d’ampleur dans les établissements. Revue de détail.

CE QUE DES ANNÉES DE REVENDICATIONS N’AVAIENT PAS RÉUSSI À ARRACHER A ÉTÉ OBTENU PAR UN PETIT VIRUS DE QUELQUES DIZAINES DE NANOMÈTRES : à la suite du Ségur de la santé organisé entre mai et juillet derniers pour restructurer l’hôpital après la crise sanitaire, les professionnels hospitaliers ont désormais l’assurance d’une augmentation de 183 € mensuels nets à compter du mois de septembre. Et même si les conclusions du Ségur, présentées mi-juillet, vont bien au-delà des aspects salariaux, c’est bien ceuxci qui ont retenu toute l’attention. L’augmentation, même si elle est loin des 300 € réclamés par les divers mouvements sociaux qui animent l’hôpital depuis plus d’un an, est en effet inédite. Concrètement, celle-ci interviendra en deux temps : pour la période de septembre 2020 à janvier 2021, les soignants du public recevront 90 € de plus sur leur fiche de paie (mais l’argent ne sera versé qu’en janvier). Au mois de mars, une nouvelle augmentation de 93 € sera actée. Les salariés du privé seront eux aussi augmentés, mais de 160 € seulement.

Jean-qui-rit et Jean-qui-pleure

« Il aura fallu, hélas, une pandémie mondiale pour que ces professionnels soient enfin reconnus », commentait la CFDT Santé Sociaux (signataire de l’accord) dans un communiqué publié juste après la signature. Pour la centrale réformiste, le Ségur constitue une « avancée historique ». Pour la CGT, en revanche, le compte n’y est pas. « Les contreparties auxquelles sont liées ces augmentations de salaire sont plus qu’inquiétantes », a-t-elle estimé dans un autre communiqué pour justifier son refus de signer, citant notamment la « plus grande flexibilité de l’organisation et du temps de travail des professionnels » prévue dans l’accord.

Une floppée de mesures

En effet, l’aspect salarial n’est que l’une des nombreuses facettes du Ségur, même si sur les autres points, on a souvent plutôt affaire à des promesses qu’à des espèces sonnantes et trébuchantes. Les conclusions de cette grand-messe comprennent ainsi trente-trois mesures, par lesquelles le gouvernement assure, par exemple, qu’il va « mettre fin au mercenariat de l’intérim médical », « donner le pouvoir aux territoires en matière d’investissement en santé », « développer les hôtels hospitaliers », ou encore « mieux prévenir les conflits à l’hôpital ». Certains verront là un catalogue à la Prévert pavé de bonnes intentions. Mais parmi les différentes promesses gouvernementales, il en est qui touchent directement les infirmières : même si beaucoup d’entre elles ont un goût de réchauffé assez prononcé, il convient donc de s’y attarder tout particulièrement.

Plus d’infirmières, plus d’IPA

C’est ainsi que le Ségur envisage une « extension des capacités de formation des Instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) offertes sur Parcoursup comprise entre + 5 et + 10 % ». Et à ceux qui crieraient à la promesse de Gascon, il rétorque qu’une « cible de 2 000 places supplémentaires dès la rentrée 2020 » est d’ores et déjà fixée.

Autre axe fort qui peut intéresser la profession : la mesure 6, qui promet « d’accélérer le déploiement des infirmières en pratique avancée (IPA) ». Concrètement, il s’agit de « renforcer le rôle de premier recours » des IPA, par exemple « en permettant aux patients de les consulter directement et en élargissant leur périmètre d’action ».

Une réforme de la formation des IPA est également prévue, ainsi qu’une augmentation des effectifs, avec des objectifs chiffrés : « 3 000 infirmiers en pratique avancée en 2022, puis 5 000 en 2024. »

Des nurses practitioners à la française ?

Une autre proposition, bien que fort floue, risque de faire réagir : la « création d’une profession médicale intermédiaire ». À l’appui de cette idée, les conclusions du Ségur citent le cas d’une infirmière expérimentée qui, « à chaque fois qu’un patient a besoin d’une radiographie ou d’une prescription de médicament », doit « appeler le médecin de garde pour qu’il vienne prescrire ».

Alors, le Ségur de la santé va-til déboucher sur la création d’infirmiers praticiens (nurses practitioners) à la française ? Quelle serait l’articulation de ce nouveau métier avec celui d’IPA ? Il est trop tôt pour le savoir, car le Ségur se borne à promettre une « mission de réflexion ». Mais nul doute que bien des paramédicaux suivront avec intérêt les éventuels développements sur ce point.

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