Bientôt une cinquième branche pour la Sécu - L'Infirmière Libérale Magazine n° 373 du 01/09/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 373 du 01/09/2020

 

DÉPENDANCE

ACTUALITÉ

Adrien Renaud  

Les parlementaires ont voté durant l’été l’ajout d’une cinquième branche à la Sécurité sociale, dédiée à la dépendance. Pour les uns, il s’agit d’une avancée historique dans la prise en charge du grand âge et du handicap, tandis que d’autres n’y voient qu’une réforme étriquée.

IL VA FALLOIR S’Y HABITUER : LA SÉCURITÉ SOCIALE NE MARCHERA BIENTÔT PLUS SUR QUATRE PATTES, MAIS SUR CINQ. Ainsi en ont décidé les parlementaires en votant, au mois de juillet, deux lois actant la création d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale. Aux côtés de celles déjà consacrées à la santé, à la famille, aux accidents du travail et à la retraite, celle-ci sera chargée de prendre en charge le risque lié à la perte d’autonomie, qu’elle soit due au grand âge ou au handicap. Reste à savoir ce que cela signifie concrètement.

« La création de cette cinquième branche est vraiment historique, s’enthousiasme Philippe Chalumeau, député “En marche” d’Indre-et-Loire et par ailleurs médecin généraliste. Pour la première fois, on scelle dans la loi un financement pérenne dédié au risque de la perte d’autonomie. » En pratique, ce financement proviendra de 0,15 point de la contribution sociale généralisée (CSG), soit 2,3 milliards d’euros, qui sont aujourd’hui affectés au remboursement de la dette via la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), et qui seront attribués à l’autonomie à partir de 2024.

Trop peu, trop tard

Voilà qui peut paraître impressionnant, mais qui n’est pas du goût de tous les observateurs. « 2,3 milliards en 2024, ce sont deux mauvaises nouvelles, tonne ainsi Luc Broussy, président (entre autres) de la filière Silver économie, coanimateur du think tank Matières grises et membre de la direction du Parti socialiste. Tout d’abord parce que 2,3milliards, c’est en dessous de tous les besoins, et ensuite parce que 2024, c’est beaucoup trop loin. »

Il faut dire que l’année dernière, dans l’un des derniers rapports commandés par le gouvernement sur le financement de la dépendance, le pilote de la concertation “grand âge et autonomie”, Dominique Libault, chiffrait le besoin de ressources supplémentaires pour 2024 à 6,2 milliards d’euros par an… soit presque trois fois le montant du financement prévu par le gouvernement.

Et la gouvernance ?

Et le scepticisme des contempteurs du projet ne fait que croître lorsqu’ils considèrent la question de la gouvernance. « La cinquième branche, c’est un slogan qui va vite se heurter à une réalité complexe, prévient Luc Broussy. Dans les autres branches, il y a une institution qui gouverne, or là, on fait face à un problème insoluble. »

En effet, si la loi prévoit que les ressources supplémentaires seront gérées par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), qu’en est-il des départements, qui gèrent actuellement une grande partie des financements liés à l’autonomie et qui n’en seront pas dessaisis ? Et quid de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), autre grand pourvoyeur de fonds du secteur ? Il ne faut donc pas attendre de la cinquième branche une simplification du labyrinthe administratif auquel se heurtent si souvent les personnes en perte d’autonomie et leurs aidants. Voilà qui conduit Luc Broussy à se demander si le cinquième risque est vraiment l’outil qui permettra de répondre aux principaux enjeux du vieillissement, notamment la baisse du reste à charge et le maintien à domicile.

Tout vient à point à qui sait attendre

À toutes ces interrogations, Philippe Chalumeau répond que la cinquième branche est « une fusée à plusieurs étages », et qu’elle va rapidement être « structurée », d’un point de vue organisationnel comme sur le plan financier. « Lorsque nous avons voté la loi, le ministre Olivier Véran a annoncé que, dès cette année, un milliard lui sera affecté dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale, donc pour 2021 », rappelle le député. Celui-ci a déjà des idées en tête pour aller chercher des financements complémentaires, par exemple du côté de l’épargne réglementée.

Par ailleurs, Philippe Chalumeau indique que la cinquième branche n’est que la « brique financière » d’un projet plus large, qui sera concrétisé dans la loi “grand âge et autonomie” que le gouvernement espère présenter à la fin de l’année. Cette dernière doit aborder un ensemble de sujets qui vont de la rénovation des Ehpad à la revalorisation des métiers, en passant par la gouvernance ou encore l’ouverture de nouveaux droits pour les personnes âgées ou handicapées, souligne le généraliste. La suite au prochain projet de loi, donc !

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