L'infirmière Libérale Magazine n° 363 du 01/11/2019

 

SYSTÈME DE SANTÉ

ACTUALITÉ

Adrien Renaud  

En région Auvergne-Rhône-Alpes, l’association « Infirmiers éclaireurs » a mis au point une application permettant aux Idels de signaler les événements graves qu’elles constatent au domicile de leurs patients.

Les Idels ont, comme d’autres professions, leur rôle à jouer dans la prise en charge des situations d’urgence. C’est ce que cherche à démontrer l’Union régionale des professionnels de santé (URPS)-Infirmiers libéraux d’Auvergne-Rhône-Alpes avec une initiative baptisée « Infirmiers éclaireurs » : depuis le printemps dernier, les Idels de la région peuvent, via une application, signaler tous les événements graves sur lesquels elles sont amenées à intervenir au domicile de leurs patients. Après cinq mois de fonctionnement, ses promoteurs sont en mesure de dresser un premier bilan. « Nous avons 400 éclaireurs dans la région, qui ont recensé 1 200 signalements depuis le lancement de l’application, explique Louise Ruiz, présidente de l’association Infirmiers éclaireurs. 20 % de ces signalements concernaient des appels d’urgence. » Les situations déclarées peuvent être très diverses. « Chute, dénutrition, situation psychologique délétère… », énumère cette Idel installée à Saint-Chamond, dans la Loire, qui est également secrétaire générale adjointe de l’URPS. Elle cite aussi des situations à risque comme des retours à domicile non sécurisés.

Des passages aux urgences évités

Ce que tient à souligner la présidente des Infirmiers éclaireurs, c’est que « dans 80 % des situations qui concernent un appel d’urgence, on estime que l’intervention de l’Idel a évité un passage aux urgences ». Elle considère donc que « les interventions infirmières sont efficaces, puisque malgré des événements graves, les patients sont en mesure de rester chez eux ». Et Louise Ruiz de souligner que « dans une période où l’organisation des urgences est complexe, c’est un bénéfice pour le patient comme pour la collectivité ». Franck Marchand, Idel haut-savoyard qui participe à l’initiative (et qui est également secrétaire de la Fédération nationale des infirmiers pour le département), confirme l’intérêt qu’a selon lui le dispositif. « Nous sommes au domicile des patients presque en permanence et nous sommes confrontés à des situations telles que les chutes, la iatrogénie… mais jusqu’à présent, nous n’avions pas de dispositif pour faire remonter ces événements, constate-t-il. Or, si nous voulons être reconnus, nous devons démontrer que les Idels ont toute leur place dans la prise en charge de ces événements. »

Financement

Bien sûr, la question de la valorisation du temps passé à prendre en charge ces urgences se pose. Dans certains cas, l’Idel travaille gratuitement. Franck Marchand se souvient par exemple d’un patient qu’il venait voir pour des soins oculaires, et qui avait fait une chute peu auparavant. « Il s’était blessé au niveau du nez, j’ai estimé qu’il fallait des points de suture et comme il ne pouvait pas aller aux urgences par lui-même, j’ai appelé le 15, raconte-t-il. Nous avons discuté entre professionnels et il a été transféré aux urgences en ambulance, ce qui a abouti à un parcours plus simple et plus direct. Mais de mon côté, j’y ai passé une demi-heure non rémunérée. » Heureusement, la plupart du temps, l’Idel parvient à ne pas travailler « à blanc ». « On régularise après coup comme on peut, explique Louise Ruiz. Mais cela se fait un peu en utilisant le système D, en discutant avec le patient, l’Idel et le médecin traitant. » L’objectif des Infirmiers éclaireurs est donc de porter cette situation à l’attention des décideurs. « Il va falloir réfléchir à l’organisation que l’on peut mettre en place, sans ajouter de la complexité », ajoute la présidente de l’association.

Nouveau comportement

Car pour Louise Ruiz et Franck Marchand, le diagnostic est limpide : les patients ont bien compris que la pénurie de professionnels de santé touchait moins les Idels que les médecins libéraux. Ils appellent donc le soignant le plus susceptible de répondre à leur besoin. « Nous voudrions qu’au niveau ministériel, on prenne conscience de ce nouveau comportement de la population, et qu’on avance vers la reconnaissance de l’infirmier comme pouvant intervenir en accès direct », détaille Louise Ruiz. Pour donner plus de force à son plaidoyer, l’association a décidé d’intensifier son effort de collecte de données. « Nous allons faire évoluer notre application de manière à recueillir davantage de signalements, annonce la présidente. Dans quatre mois, nous aurons plus d’informations. » Ce n’est donc qu’un début.

Plus d’informations : www.infirmiers-eclaireurs.fr