Formation déficiente pour la sédation à domicile - L'Infirmière Libérale Magazine n° 324 du 01/04/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 324 du 01/04/2016

 

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Sandra Mignot  

ÉTUDE > Outre l’absence de formation dans ce domaine, une enquête par questionnaire auprès d’Idels révèle la confusion autour de la notion de sédation en fin de vie ainsi que le manque de lien avec les équipes spécialisées.

Infirmière clinicienne en équipe mobile soins palliatifs et douleur au centre hospitalier Émile-Roux (Val-de-Marne), Brigitte Hérisson remarque que « 66 % des Idels ne sont pas formées à ce geste. Pourtant, plus de 50 % ont déjà mis en place une sédation à domicile ». Également secrétaire du bureau de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, cette experte a diffusé en septembre et octobre 2015 un questionnaire en ligne auprès d’infirmières libérales, afin de mieux connaître leurs connaissances et pratiques de la sédation à domicile. Elle devait en présenter les résultats lors des Journées nationales des Idels, le 31 mars.

Terminologie méconnue

« Il est très difficile pour nous hospitaliers de bien communiquer avec les professionnels libéraux et vice-versa, observe Brigitte Hérisson. Or nous avons besoin de connaître les possibilités du domicile pour mieux travailler ensemble. » Au cours de son analyse, la professionnelle a été surprise de la confusion qui semble exister sur la terminologie. « Les réponses au questionnaire révèlent une confusion autour de la notion de sédation en général, et je ne suis pas sûre que la spécificité de la sédation profonde et continue, qui ne peut intervenir qu’en fin de vie et impose une injection progressive ainsi qu’une surveillance longue du patient, soit bien connue », relève l’infirmière.

Soin chronophage et coordination défaillante

Ainsi, les témoignages des 133 répondants au questionnaire révèlent combien la réalisation de ce soin est chronophage. Il y a d’une part la présence à assurer auprès du patient et de sa famille, qu’il faut informer et rassurer. « La rupture de communication entre le patient et ses proches est un moment très difficile à vivre pour la famille, souligne Brigitte Hérisson. Et les infirmiers à domicile ne sont pas préparés à accompagner ce moment. » Mais l’organisation logistique participe également à compliquer le geste. « Les Idels mentionnent les difficultés à trouver le produit prescrit (disponible presque exclusivement en pharmacie hospitalière) et le pousse-seringue adapté, note Brigitte Hérisson. Il y a donc une véritable nécessité de travailler de manière collégiale avec l’hôpital ou le service d’hospitalisation à domicile, de mettre en place une gestion et une coordination. »

L’experte n’est pas surprise par ces difficultés de coordination. « Même à l’hôpital, certains services ont du mal à faire appel à l’équipe mobile, ils craignent d’être mal vus. Alors qu’il faut apprendre à accepter l’aide de ceux qui sont spécialisés. Nous avons besoin de nos expertises réciproques, le spécialiste de la douleur d’un côté, de l’autre le soignant de proximité, qui est, lui, expert de son patient. » Autre point noir révélé par le sondage : « Les Idels indiquent que lorsqu’ils se rapprochent de l’hospitalisation à domicile, il y a un risque de perdre leur patientèle… »

Peu de soutien

Même si un grand nombre des répondants travaillent en association, et que le médecin est évidemment responsable de la prescription, les Idels demeurent isolées dans l’exécution du soin et signalent une absence de soutien de la part du réseau et du praticien, ainsi qu’un manque de lien avec les équipes mobiles, voire le praticien. « Les infirmiers qui l’exécutent au domicile rapportent se sentir très seuls, précise Brigitte Hérisson. Ils s’investissent énormément auprès des familles, donnent beaucoup de leur temps et peuvent en ressentir une vraie souffrance. » Depuis la loi Leonetti-Claeys promulguée en février, la sédation profonde et continue est un geste qui doit être réalisé à la demande du patient et selon une procédure collégiale, ce qui devrait être positif pour le vécu du soignant.

Brigitte Hérisson espère que ces résultats pourront permettre de développer des formations spécifiques à l’attention des Idels. « Les réseaux sont là pour former, mais on observe toujours des difficultés pour atteindre les libéraux. »

Rendez-vous au Salon Infirmier

Le mercredi 25 mai, de 9 h 30 à 10 h 15, pour une conférence intitulée “C’est ainsi que les hommes meurent” et animée par Jean Leonetti, médecin et député, à l’origine avec Alain Clayes de la loi du 2 février créant de nouveaux droits pour les malades et personnes en fin de vie, dont la sédation profonde et continue dans certains cas.