Les escarres à l’horizon 2020 - L'Infirmière Libérale Magazine n° 320 du 01/12/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 320 du 01/12/2015

 

DISPOSITIF MÉDICAL

Actualité

Clarisse Briot  

PROSPECTIVE > Quelles stratégies de prise en charge de l’escarre dans les prochaines années ? C’est l’une des questions débattues lors du rendez-vous organisé début novembre par le Snitem.

L’escarre est un enjeu de santé publique, ont martelé soignants, industriels et instances de régulation réunis à Paris par le pôle escarres du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem). Et c’est aussi un enjeu pour le futur. En effet, si, aujourd’hui, entre 70 000 et 112 000 personnes souffrent d’escarres à domicile chaque année, elles seront 170 000 en 2030. À cet horizon, le nombre de personnes à risque dépasserait le million. En parallèle, le coût pour la collectivité devrait aller croissant. En 2011, les dépenses en soins de ville dues aux escarres s’élevaient à 693 millions d’euros. En 2030, ce sera 30 % de plus.

Industriels inquiets

Face au défi des prochaines années, un premier problème soulevé est celui de l’investissement dans les dispositifs médicaux. « En tant qu’industriels, nous nous inquiétons pour l’avenir, confie Philippe Chêne, président du groupe de support d’aide à la prévention et au traitement des escarres du Snitem. Nous manquons de visibilité pour continuer à investir. Si, demain, le budget consacré à la prise en charge du patient âgé à risque d’escarres n’augmente pas en volume, nous aurons un vrai problème. » Derrière cette question : la part du budget que l’Assurance maladie voudra bien consacrer aux dispositifs médicaux – et donc à leur remboursement – et, en arrière-plan, les difficultés rencontrées par les entreprises dans l’évaluation de leurs innovations par la Cnedimts, la commission de la Haute Autorité de santé chargée de cette mission. Selon les industriels, les critères classiques d’évaluation exigés sont en effet difficiles à concilier avec leurs contraintes (temps, budget…). In fine, les tarifs fixés par le Comité économique des produits de santé (CEPS) sont en-deçà de leurs attentes. « Ces problèmes d’évaluation doivent être regardés par les autorités, remarque André Tanti, vice-président du CEPS, qui souligne pour sa part un autre frein, le manque de connaissance du corps médical : Nous sommes face à des gens qui – tant du côté de ceux qui regardent les évaluations, que de ceux qui prescrivent – n’ont pas de connaissance spécifique dans ce domaine. Du coup, nous avons du mal à valoriser tel ou tel dispositif. »

Pour un meilleur accès aux dispositifs médicaux

La pratique et la formation des soignants sont en effet une autre interrogation pour l’avenir. « Il faut dire ce qui est : les escarres sont très peu abordées durant le cursus des étudiants en médecine, témoigne Anne Philippe, infirmière consultante plaies et cicatrisations à l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP). S’agissant de la formation des infirmières, c’est selon la volonté des Ifsi. La plupart des infirmiers se retrouvent au lit des patients sans connaître les bonnes pratiques ni les dispositifs médicaux. » En ville, les efforts à fournir sont similaires. « Il faudrait favoriser un meilleur accès aux dispositifs médicaux, commente Anne Philippe, et former les aidants – proches et auxiliaires de vie – à la prévention. »

Application gratuite

Le nouveau volet du programme de retour à domicile Prado de la Cnamtsportant sur les plaies chroniques – qui se trouve en phase de lancement – pourrait apporter, à court terme, un début de réponse, affirme le Dr Odile Rames, référente du programme. Il offrira un recours facilité à l’expertise ainsi que des outils de bonnes pratiques, notamment l’application “e-mémo plaies chroniques” pour tablettes et smartphones, déjà téléchargeable gratuitement sur App Store et Google Play et utilisable hors connexion Internet.

La campagne “Sauve ma peau” fait son bilan

Parmi 27 903 patients ou résidants identifiés à risque, 24 911 n’ont pas développé d’escarre et seuls 953 ont développé des escarres supérieures au stade 1. Tel est le bilan de la campagne “Sauve ma peau, maîtriser le risque escarre”, menée à son terme pendant neuf mois en 2013 et 2014 par 500 professionnels de 128 établissements sanitaires et médico-sociaux d’Île-de-France (sur 200 engagés dans la démarche). « Nous estimons avoir évité à au moins 2 790 personnes, soit 10 % des patients à risque, de développer une escarre », résume le Dr Samia Levy-Djebbour, qui a piloté l’expérience pour l’Agence régionale de santé d’Île-de-France. À la clé, une économie générée évaluée à 12 millions d’euros. Des progrès ont aussi été notés dans les pratiques de dépistage (notamment de réévaluation du risque) et de prévention (en particulier la présence de supports adaptés avec amélioration de la pertinence des matelas).