Le désencombrement bronchique par la toux assistée - L'Infirmière Libérale Magazine n° 225 du 01/04/2007 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 225 du 01/04/2007

 

Formation continue

Fiches techniques

- Nécessaire pour tous les insuffisants respiratoires sous ventilation non invasive à domicile, l'apprentissage du désencombrement bronchique par la toux assistée est indispensable pour les patients présentant une déficience neuromusculaire, avec une insuffisance respiratoire restrictive.

EXPLICATIONS

- Par rapport à la trachéotomie, la ventilation non invasive présente l'inconvénient de ne pas permettre l'aspiration des mucosités qui encombrent les bronches et nuisent à la ventilation. Toutefois, cette technique non invasive reste largement privilégiée en première intention pour ventiler les patients en insuffisance respiratoire chronique (IRC) sévère d'origine obstructive et restrictive.

- Mais alors que les patients présentant une IRC obstructive sont en mesure de drainer les mucosités par la toux, en cas d'IRC d'origine restrictive (patients atteints de maladies neuromusculaires altérant la fonction des muscles ventilatoires)*, cette manoeuvre est difficile, voire impossible.

- Il est donc indispensable d'apprendre aux patients à réaliser eux-mêmes leur "toilette bronchique" pour désencombrer leurs bronches des mucosités et améliorer ainsi l'efficacité de la ventilation. Cette manoeuvre doit faire l'objet d'un apprentissage par une kinésithérapeute qui, au-delà du patient, peut également former les intervenants susceptibles de lui apporter leur aide.

DRAINER LES SÉCRÉTIONS

- « Les patients atteints de maladies neuromusculaires sont généralement confrontés à l'incapacité d'évacuer les mucosités qui encombrent les voies respiratoires car ils ont une parésie du tapis mucociliaire, cet escalator naturel chargé de drainer les mucosités des bronches vers la trachée, explique Christian Devaux, kinésithérapeute (hôpital Raymond-Poincaré, Garches). Ils ont par ailleurs des faibles volumes de courants d'air et ne sont pas capables de les mobiliser pour permettre, par un effort de toux, d'expulser les mucosités. Incapables de tousser efficacement, ils ne peuvent donc pas désencombrer leurs bronches naturellement. »

- Selon les dernières recommandations de l'Association française contre les myopathies (AFM) et de la HAS, le débit expiratoire à la toux doit être supérieur à 260 l/min pour être efficace. Or, chez les IRC restrictifs, ce débit est généralement insuffisant pour évacuer les mucosités. Résultat : les sécrétions s'accumulent et encombrent les poumons. Sans intervention, les patients risquent des infections pulmonaires et, au pire, l'asphyxie. Il est donc indispensable de leur apprendre à se désencombrer préventivement.

QUAND RÉALISER LA TOILETTE BRONCHIQUE ?

- La fréquence de la toilette bronchique est déterminée par la quantité de sécrétions. Elle peut être faite le matin et éventuellement une deuxième fois dans la journée quand il n'y a pas d'hypersécrétion.

- Dans le cas contraire, voire en cas d'infection, la manoeuvre de désencombrement doit être renouvelée très fréquemment (4 à 6 fois par jour), ce qui impose de pouvoir le faire soi-même à domicile et de se former dès la mise en place de l'assistance respiratoire.

LE DÉSENCOMBREMENT BRONCHIQUE EN PRATIQUE

- En pratique, le désencombrement par la toux assistée nécessite d'utiliser soit un embout, soit le respirateur lorsque le patient est équipé d'une ventilation non invasive à domicile. Ces instruments sont indispensables pour réaliser une hyperinsufflation préalable à la manoeuvre d'évacuation des sécrétions par pression thoracique ou abdominale sur le temps expiratoire.

- « Si l'on n'insuffle pas de manière instrumentale de l'air dans les poumons du patient, commente Christian Devaux, la manoeuvre de désencombrement n'aura aucune efficacité. Cela reviendrait à appuyer sur un ballon dégonflé. Il est donc indispensable d'apporter de l'air à ces patients pour compenser leur faible capacité vitale (généralement inférieure à 1,5 l/min) et l'absence de courant normal d'inspiration. Ainsi, en gonflant artificiellement leurs poumons, on est en mesure, par un effort de toux aidée par pression thoracique ou abdominale, de désencombrer efficacement leurs bronches par augmentation du flux expiratoire. »

- Se contenter de réaliser des augmentations du flux expiratoire (AFE) en appuyant sur le thorax d'un patient qui n'a pas une capacité vitale suffisante est improductif et inutile. Le patient qui dispose d'un respirateur à domicile peut réaliser cette manoeuvre avec l'aide d'un proche ou de l'infirmier libéral. Il lui suffit de prendre un volume d'air, voire plusieurs s'il dispose d'un respirateur volumétrique et, une fois les poumons gonflés, de faire exercer une pression externe par l'aidant. Si l'encombrement est profond, cette manoeuvre peut être répétée plusieurs fois jusqu'à ce que les mucosités soient mobilisées et expulsées. La position conseillée est semi-assise (entre 30° et 45°) mais, dans certains cas, il peut être nécessaire d'asseoir davantage les patients si le diaphragme est peu efficace (orthopnée).

* Cela concerne entre autres, les patients atteints de myopathies, d'amyotrophies spinales, de SLA, ou encore les blessés médullaires et notamment les tétraplégies hautes (C5, C6).

LE DEUX EN UN

- Un nouvel appareil "in ou ex sufflateur" (Cough assist®) permet de simplifier considérablement la manoeuvre. À l'aide d'un masque bucco-facial (il peut également être appliqué sur un embout buccal ou une canule de trachéotomie), il apporte en pression positive l'air nécessaire à l'augmentation de la capacité inspiratoire et réalise ensuite (par simple inversion d'une manette), une mise en pression négative qui permet d'aspirer les sécrétions.

- Très simple à utiliser par le patient ou son entourage, il peut être mis à disposition des patients par certains prestataires mais n'est pas encore très répandu car non remboursé. Son utilisation est réservée aux patients ayant une capacité vitale très limitée (inférieure à 1,5 l) et nécessitant une prise en charge kinésithérapique quotidienne. Pour ceux qui ont une capacité vitale > 1,5 l et un débit expiratoire > à 260 l/min, il est possible de se passer de kinésithérapie quotidienne à condition de réaliser soi-même les manoeuvres de désencombrement.

- « Nous avons régulièrement dans notre service des patients insuffisants respiratoires sévères hospitalisés parce que les patients et leur entourage ne savent pas réaliser le désencombrement et, surtout, ne savent pas qu'il faut précéder les pressions expiratoires d'une hyperinsufflation pour rendre la manoeuvre efficace, conclut Christian Devaux. Il est donc important de leur faire comprendre ce principe de base et de préciser que le désencombrement n'est pas réservé aux patients qui présentent une pathologie respiratoire. Il doit être réalisé en prévention, au minimum une fois par jour chez tous les patients qui ont une petite capacité vitale. Cette précaution permet d'éviter des surinfections et des hospitalisations. »