Combat à petite dose - L'Infirmière Magazine n° 393 du 01/05/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 393 du 01/05/2018

 

ASSOCIATIONS

DOSSIER

Sandra Mignot  

La mobilisation est récente mais les associations et les organisations non gouvernementales (ONG) en santé commencent à être sensibilisées aux problèmes posés par les prix des médicaments.

Chaque année en France, le cancer rapporte 2,4 milliards d’euros. » C’est l’un des slogans des affichages sauvages de la campagne de Médecins du monde, au printemps 2016, pour dénoncer le prix des médicaments. Sauvage, car le dispositif avait alors eu du mal à trouver des diffuseurs officiels, ceux-ci ayant craint des réactions négatives de l’industrie pharmaceutique. Les affichettes avaient pourtant fait mouche. « Et nous avons obtenu que le prix du médicament devienne un débat public, résume Olivier Maguet, responsable de la campagne de MDM. Avant qu’on évoque le sujet, la question du prix était évoquée comme une problématique pour les pays du Sud ou sur le mode “l’industrie du médicament, ces sales capitalistes qui laissent mourir des malades”. »

En France, la mobilisation des associations contre les prix élevés des médicaments est récente. Les ONG s’étaient pourtant battues autour de l’accès aux anti-rétroviraux pour le traitement du VIH dans les pays du Sud, avec un certain succès, à la fin des années 1990. « Mais, après cette lutte, nous avions collectivement accepté de payer plus cher au Nord pour que le Sud puisse se soigner, observe Olivier Maguet. Ces évènements nous ont marqués et il faut du temps pour admettre qu’ici non plus, on ne peut pas attendre que le chantage au prix devienne insoutenable. Cependant, des associations de patients commencent à se demander s’il est vraiment légitime de mettre autant d’argent dans les médicaments au détriment d’autres budgets sociaux. »

Depuis 2014 et l’arrivée du Sofosbuvir en France, MDM a donc pris la tête d’un mouvement de réflexion et de contestation. À l’époque, les associations de patients atteints d’hépatite C se mobilisent. Lorsque les négociations sur les prix sont lancées, Gilead, laboratoire détenteur des droits d’exploitation du traitement, demandait 56 000 € par cure de douze semaines. Le tarif sera finalement officiellement fixé à 41 000 €, pour descendre ensuite progressivement avec l’arrivée de médicaments concurrents sur le marché.

« Les associations de patients ont vite compris que ce prix obligerait à restreindre les conditions d’accès à la molécule », précise Jean-Pierre Thierry, conseiller médical de France Assos Santé (FAS). Ce qui est advenu puisque le traitement fut d’abord réservé aux patients à l’état de santé le plus dégradé. L’autre inquiétude des associations réside dans l’augmentation sévère d’un reste à charge. « On n’en est pas là pour l’instant en France », poursuit Jean-Pierre Thierry.

Des associations sous perfusion

Mais la mobilisation est encore inégale. « Toutes les associations ne sont pas à la pointe de ce combat, ajoute Jean-Pierre Thierry. Elles manquent de moyens pour le mener ou elles n’ont pas la fibre militante de MDM. » Pour FAS, le mieux serait que la société civile soit représentée directement au CEPS. « En participant aux négociations, les associations comprendraient mieux ce qui se joue, les efforts consentis de part et d’autre. Cela désamorcerait le sentiment d’opacité de la décision. » Avec la difficulté que peuvent représenter les liens entre certaines associations et les industriels du médicament. Les représentants de patients peuvent par ailleurs être une arme à double tranchant dans la mobilisation. « C’est peu le cas en France mais des associations financées par des laboratoires pourraient être manipulées par eux, poursuit Jean-Pierre Thierry. D’ailleurs, certaines savent bien que si elles prennent ouvertement position sur le prix, elles perdront des financements. »

MDM, de son côté, mène toujours campagne. « Nous avons besoin de l’industrie pharmaceutique mais elle doit respecter la loi. » L’ONG s’est ainsi opposée à certains brevets protégeant le Sofosbuvir car les critères d’innovation ne lui semblaient pas respectés. Avec succès, puisque le brevet a été partiellement cassé. « Nous allons prendre la parole de plus en plusfort et rappeler les outils dont dispose l’administration pour préserver l’accès aux soins pour tous », conclut Olivier Maguet.

Articles de la même rubrique d'un même numéro