Une méthode participative - L'Infirmière Magazine n° 366 du 01/12/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 366 du 01/12/2015

 

FORMATION

CAS PRATIQUE

H. Trappo  

Un groupe de travail a été constitué pour remettre à plat les utilisations du linge, évaluer les besoins en dotation et plancher sur les procédures nécessaires.

La remise à plat de la gestion du linge et des pratiques n’auraient pu se faire sans l’implication des équipes. Dans le cadre du Crex, un groupe de travail est constitué ainsi que trois sous-groupes issus de différents services : MCO, gérontologie/MR et services médico-techniques avec des objectifs bien définis. Les équipes ont dû nommer un référent linge, mener des audits notamment sur les draps, les bandeaux, le stockage du linge. Elles ont utilisé la méthode Amdec (1) qui a permis de réaliser un Reason révélant 27 causes de disfonctionnements.

→ Les travaux ont porté sur les modes d’utilisation du linge, révélant bien des surprises. Ont été passées en revue pour chaque type de linge l’utilisation normale et celle en mode dégradé. Les équipes ont élaboré des propositions pour chaque cas d’utilisation (voir p. 44). Une réflexion sur les niveaux d’acceptabilité en cas de crise est également menée débouchant sur la rédaction d’une procédure d’utilisation du linge.

→ Les équipes ont également travaillé sur l’élaboration d’un protocole de réfection de lit harmonisant les pratiques de l’établissement. « Tout le monde n’était pas d’accord sur le nombre de draps utilisés, le nombre de deux a été retenu in fine », raconte Maryline Gautier. Une réflexion a là encore été menée sur les niveaux d’acceptabilité en cas de crise permettant la rédaction d’une procédure dégradée.

→ Enfin, sur la dotation de linge, la démarche a consisté à confronter trois approches :

– la dotation nécessaire estimée, calculée à partir des données du blanchisseur et de celles du service logistique du CH ;

– la dotation donnée : quantité totale moyenne réceptionnée par jour au niveau du CH ;

– la dotation attendue, c’est à dire l’estimation faite par les services de soin des besoins journaliers, réalisée par le groupe de travail.

Résultat des courses ? Les décalages entre les trois approches, entre le linge attendu et nécessaire, sont très disparates selon les types de linge. Exemples :

– draps : la dotation nécessaire estimée (886 pièces) est loin devant la dotation attendue (689) et la dotation donnée (600) ;

– chemises patients : la dotation attendue (180) et nécessaire estimée (170) sont proches et très supérieures à la dotation donnée (90) ;

– taies d’oreiller : là aussi la dotation attendue (313) est sensiblement supérieure à la dotation nécessaire estimée (260), toutes deux très supérieures à la dotation donnée (150).

Un exercice qui a débouché sur l’augmentation de dotations (voir bilan p. 42 et tableau p. 44).

Au final, pas moins de 45 personnes ont participé à ces groupes de travail. Une approche qui a permis de battre en brèche les préjugés. « Les idées qui circulaient était “la lingerie ne veut pas donner de linge”, “la direction ne veut pas acheter”… », témoigne Maryline Gautier. Mais l’analyse qui est ressortie du travail mené a montré bien autre chose… » Cela a aussi permis de faire retomber les tensions entre les services et la jeune responsable du service logistique, Manon Leleu, nouvelle dans l’établissement et dans la fonction. « La communication avec les services a été très difficile au début. Mon intervention était mal comprise, mal perçue. On avait beau expliquer que le linge disparaissait, nous n’étions pas entendus. Le jugement était “ce n’est pas une soignante, ce n’est pas son métier”. Au final, nous avons beaucoup travaillé avec l’encadrement pour remettre les choses en place. » « Et, ce sont les 45 personnes qui ont fait émerger les problèmes », se félicite Maryline Gautier. Elle liste les effets bénéfiques du Crex linge qui a permis :

– une meilleure compréhension de la fonction linge et de son organisation, par les équipes, qui n’avaient pas toujours la notion des temps de restitution ;

– une prise en compte des difficultés rencontrées par la lingerie du fait des modes dégradés d’utilisation du linge dans les services ;

– aux services de revoir leur dotation et d’y participer ;

– l’investissement dans un logiciel ;

– la révision de l’ensemble de la procédure.

Enfin, ce premier gros retour Crex de l’établissement a aussi une portée plus large car « il a été l’occasion d’initier le personnel à la gestion des risques. Le bilan des travaux et du Crex a fait l’objet d’une diffusion », conclut Maryline Gautier.

1 - L’Amdec (analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité) est une méthode d’analyse et de prévention des défaillances potentielles, donc a priori d’un système. On s’attache à identifier les dysfonctionts qui peuvent survenir à chaque étape d’un processus, à évaluer leur fréquence, leur gravité et le niveau de maîtrise.

DES EXEMPLES D’USAGE DÉGRADÉ DE LINGE

À quoi sert un drap ou une serviette de toilette à l’hôpital ? Question simple en apparence qui appelle en réalité une réponse plurielle. Extrait des utilisations dégradées de linge identifiées par les équipes soignantes et leur propositions.