Les transfusionsde retour en HAD ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 343 du 01/01/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 343 du 01/01/2018

 

ORGANISATION DES SOINS

Actualité

Adrien Renaud  

La Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (Fnehad) entend doper son activité de transfusion sanguine, et a entamé un travail de lobbying à destination des pouvoirs publics sur le sujet. Et cela pourrait constituer une opportunité pour les Idels…

« La proportion de la transfusion sanguine dans l’activité de l’HAD est devenue ridiculement faible, mais il y a un potentiel important », déclarait début décembre le Dr Élisabeth Hubert, présidente de la Fnehad, lors des Universités d’hiver organisées par son institution. On estime en effet à moins de dix le nombre d’établissements d’HAD qui pratiquent cet acte. Les malades qui n’habitent pas dans leur zone d’intervention doivent se déplacer pour des hospitalisations de jour.

Un problème de coût

Pourquoi l’HAD et les transfusions sanguines font-elles si mauvais ménage ? Le principal coupable est le coût. La Fnehad a calculé qu’un établissement perdait entre 300 et 500 euros par transfusion. « Pour nous, une transfusion rapportait 135 euros, alors qu’un seul culot de sang coûte 200 euros », explique Martine Semat, directrice de Santé Relais Domicile, un établissement de Toulouse (Haute-Garonne) qui a arrêté les transfusions à domicile en 2013. Mais d’autres tiennent le coup. « C’est une prise en charge qui est permise en HAD, car elle s’inscrit dans la filière oncologique, qui constitue une grande partie de notre activité », témoigne le Dr Catherine Duchastelle, médecin-coordinateur de l’HAD du centre hospitalier de Vichy (Allier). « Ce n’est pas parce que c’est difficile à réaliser qu’on va renvoyer les patients à l’hôpital », ajoute-t-elle, un brin provocatrice. Concrètement, l’HAD de Vichy s’adresse à des Idels pour réaliser les transfusions. « C’est d’ailleurs le cas d’environ la moitié des établissements d’HAD qui en effectuent », note-t-on du côté de la Fnehad. Les autres font appel à leurs IDE salariées. Dans les deux cas, les professionnelles concernées sont spécialement habilitées à pratiquer les transfusion, et elles sont mobilisées pour une durée importante : au minimum une heure pour la transfusion elle-même, plus ou moins une demi-heure de présence obligatoire une fois l’acte terminé, en cas de problème. Il faut de plus rester joignable par la suite.

Tout le monde y gagne, ou presque…

La qualité de l’acte est identique à ce qui peut avoir lieu dans un établissement traditionnel. « On n’invente rien, tout se passe de la même façon qu’à l’hôpital », affirme Catherine Duchastelle. « Pour les patients, c’est tout à fait bénéfique : moins de séjours à l’hôpital, moins de contrainte, pas de forfait hospitalier à payer », résume de son côté le Dr Édith Haudry, médecin-coordinateur de Santé Relais Domicile. Les établissements hospitaliers avec hébergement y trouvent aussi leur compte : la transfusion en HAD leur libère des lits. Il n’y a donc que les établissements d’HAD qui y perdent.

La Fnehad en croisade

Mais la Fnehad ne l’entend pas de cette oreille. Convaincue que la transfusion est un acte qui a toute sa place au domicile des patients, elle s’est lancée dans un travail de lobbying pour la relancer. Tout d’abord en demandant à la Société française de transfusion sanguine de plancher sur des bonnes pratiques permettant d’assurer cet acte en toute sécurité. Les spécialistes ont abouti à une liste de dix-sept recommandations qui couvrent entre autres les critères d’inclusion des patients, le contrôle des poches, l’assurance qu’un médecin est joignable et peut intervenir tout au long de la transfusion, ou encore la conduite à tenir en cas d’effet indésirable.

Revalorisation de l’acte

Il est toutefois illusoire de penser que les établissements d’HAD effectueront massivement des transfusions sanguines, même en respectant les bonnes pratiques, si cela met en danger leur stabilité financière.

C’est pourquoi une revalorisation de l’acte est indispensable. Et les pouvoirs publics semblent plutôt décidés à emboîter le pas à la Fnehad sur cette thématique. « Je veillerai à ce que la réalisation des transfusions sanguines à domicile soit soutenue », a déclaré la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, lors de son allocution aux Universités d’hiver de la Fnehad. Reste à savoir si la prochaine « campagne tarifaire », qui fixe traditionnellement en début d’année l’évolution des prix des actes hospitaliers, traduira ces belles paroles en espèces sonnantes et trébuchantes.