Qualité de vie au travail : des aides-soignantes en grève depuis avril | Espace Infirmier
 

21/07/2017

Qualité de vie au travail : des aides-soignantes en grève depuis 3 mois

Une dizaine d’aides-soignantes de l’Ehpad Les Opalines, à Foucherans, dans le Jura, sont en grève depuis le 3 avril dernier. Objectif : dénoncer leur condition de travail et réclamer des postes supplémentaires.

« Le matin, on les lève sans leur demander leur avis, témoigne une aide-soignante dans les colonnes du journal Le Monde. On sait déjà qu’on n’aura pas le temps : 15 minutes pour la toilette, l’habillement, le petit-déjeuner, les médicaments. Alors, il faut choisir. Est-ce qu’on lave les cheveux ? Ou les dents ? La douche hebdomadaire, c’est rare qu’on la tienne. » Et pour l’aide au repas, « j’ai l’impression de faire du gavage », ajoute une autre.

Épuisement professionnel

C’est pour dénoncer leur situation, notamment le manque d’effectifs, que les aides-soignantes en CDI de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) Les Opalines font grève. Aucune parmi la dizaine en CDD n’a suivi. Trop risqué pour leur poste. Rémunérées 1250 euros net pour des journées de 10 heures et 2 weekends travaillés, les aides-soignantes de l’Ehpad tournent en sous-effectif. Aucun remplacement n’est organisé en cas d’absence ou de maladie. Conséquence : le temps passé auprès des résidents est plus qu’amoindri. Bien qu’aucun mauvais traitement n’ait été signalé, les professionnelles en ont gros sur le cœur de ne pas pouvoir effectuer leur travail dans les meilleures conditions possibles. En 2012, le contrôleur des lieux de privation de liberté revendiquait d’inspecter les Ehpad, comme les prisons ou les hôpitaux psychiatriques car « un risque important existe d’atteintes aux droits fondamentaux, y compris involontaires ». Mais le gouvernement a refusé.

La directrice de l’Ehpad reconnaît « un planning tendu » depuis des mois ainsi qu’une « fatigue des salariées ». Deux postes d’aides-soignantes ont été créés pour tenter d’apaiser la grève. Côté revendication, les grévistes en ont abandonné une : les 100 € d’augmentation par mois. Les pourparlers buttent encore sur la prime du dimanche, fixée à 23 €, tout comme sur l’indemnité exceptionnelle qui pourrait pourtant débloquer la situation. Pour les grévistes, ce serait la reconnaissance de leurs conditions de travail difficiles. Elles demandent 600 € mais la Société de gestion des maisons de retraite (SGMR) pose la limite à 375 €. En attendant, depuis trois mois, elles vivent de collectes et de colis alimentaires.

Une situation loin d’être exceptionnelle

« La situation à Foucherans met en lumière tout le système de fonctionnement de notre société par rapport à l’accompagnement des personnes âgées », explique Romain Gizolme, directeur de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA). En 2005, la Cour des comptes a rendu un rapport sur le secteur à la suite de la canicule de 2003, pointant du doigt qu’en France, il était sous-doté de moitié en personnel. Malgré les recommandations, le ratio de personnel par patient est seulement passé de 0,50 à 0,55. « Nos voisins européens ont le double », rapporte Romain Gizolme.

« Depuis des années, l’État et les départements ne prennent pas les mesures nécessaires pour une meilleure prise en charge des personnes âgées, dénonce-t-il. Ils veulent faire plus d’économies dans un secteur déjà sous-doté. D’ailleurs, tous les ans, des crédits de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) sont gelés quand ils ne sont pas détournés.  » Et s’ajoute un décret de décembre 2016, qui prévoit de réduire les crédits attribués au tarif dépendance. « S’il est appliqué, les établissements devront soit licencier les professionnels, soit baisser la qualité, fait savoir Romain Gizolme. C’est n’est plus tenable. Cela se ressent sur le travail des professionnels dans les établissements et sur l’accompagnement des personnes âgées. C’est ce qui conduit à des situations de burn-out, d’épuisement et à des grèves comme à Foucherans.  » D’ailleurs, en termes de nombre d’arrêts de travail, le secteur est passé devant celui du bâtiment. « Les professionnels sont toujours dans des situations tendues et sont face à des contradictions entre les budgets toujours plus contraints et les attentes légitimement croissantes des personnes âgées et de leurs familles », souligne Romain Gizolme. L’AD-PA en appelle donc à la ministre des Solidarités et de la Santé afin de savoir ce qu’elle envisage dans l’accompagnement des personnes âgées pour les prochaines années. Le député de la France Insoumise, François Ruffin, a, lui aussi, interpellé la ministre à l’Assemblée nationale lors des questions au gouvernement le 19 juillet.

Laure Martin avec Le Monde

Les dernières réactions

  • 24/07/2017 à 07:19
    blaise
    alerter
    Pour que les anciens soient mieux traités, les soignants doivent se priver de salaire : dans quel monde vit-on ?

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