Une place centrale dans le parcours de santé des Français - Objectif Soins & Management n° 0295 du 12/10/2023 | Espace Infirmier
 

OBJECTIF SOINS n° 0295 du 12/10/2023

 

Haute Autorité de santé

ACTUALITÉS

Laure Martin

  

La Haute Autorité de santé (HAS) a organisé le 3 octobre dernier sa conférence de rentrée. L’occasion, après bientôt 20 ans d’existence, de rappeler les missions de cette instance et les projets sur lesquels travaillent ses membres.

« Peu de personnes savent à quel point la HAS est au centre de la vie et du parcours de santé de chacun », a rappelé en guise d’introduction le Pr Lionel Collet, président de la HAS. Entre les avis sur le remboursement des médicaments, l’accès précoce à certaines molécules ou encore la vaccination, le rôle de la HAS dans l’élaboration du parcours de santé des patients est prégnant. « En raison des missions qui nous sont confiées, les pouvoirs publics ont de nombreuses attentes vis-à-vis de nos travaux, a-t-il souligné. Ils souhaitent que la HAS les accompagne dans une aide à la décision, notamment sur les enjeux liés au système de santé. » D’ailleurs, depuis la création de l'instance par la loi du 13 août 2004 relative à l’Assurance maladie, pas moins d’une trentaine de versions de l’article de loi actant sa constitution ont été publiées, lui ajoutant de nombreuses missions ; ajout qui n’a pas pour autant été accompagné de moyens supplémentaires. « Notre financement est discuté dans le cadre du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2024, a indiqué Lionel Collet. Nous aimerions disposer de 20 millions d’euros supplémentaires dans le cadre de notre dotation de base. » Un budget nécessaire pour accomplir au mieux les trois grands défis relevant de la HAS : la qualité des recommandations de bonnes pratiques, la certification des établissements de santé et médico-sociaux, et l’accès rapide à l’innovation.

Des recommandations de bonnes pratiques

La HAS est chargée d’émettre des recommandations de bonnes pratiques, élaborées selon une méthode rigoureuse, reposant sur trois valeurs : l’indépendance, c’est-à-dire l’absence de lien d’intérêt des experts à l’origine des guides, la science et la transparence. « Malgré la qualité indiscutable de nos recommandations publiées dans des guides, nous estimons qu’elles sont encore trop peu nombreuses, a soutenu Lionel Collet. Nous allons donc engager un dialogue avec les sociétés savantes et les Conseils nationaux professionnels (CNP) afin de les aider à élaborer des recommandations selon les critères de la HAS, et de les accompagner pour aboutir à une labellisation. » Un premier appel va être lancé dans les prochaines semaines pour travailler, d’ici à l’été 2024, sur des recommandations de bonnes pratiques concernant la prise en charge de l’obésité de l’adulte, les risques cardiovasculaires, la prise en charge de la dysphorie de genre ou encore des troubles du déficit de l’attention avec/sans hyperactivité (TDAH). Une actualisation des recommandations pour la prise en charge des personnes atteintes de troubles autistiques et pour le syndrome du bébé secoué va également être entreprise. Des recommandations seront également émises dans le domaine social et médico-social, notamment autour de la grande précarité et les troubles psychiques, ou encore sur le repérage de la maltraitance des personnes âgées à domicile.

Pour mener à bien ces missions, des groupes de travail regroupant des professionnels, des usagers et des experts vont être constitués. « Ils seront chargés d’effectuer une analyse critique de la littérature médicale sur les thématiques évoquées, avant d’émettre des avis, soumis à un groupe de lecture indépendant, pour ensuite rédiger les recommandations », a expliqué le Pr Collet, précisant que pour garantir la transparence du travail accompli, l’ensemble des productions sont rendues publiques.

L’évaluation des établissements

Autre casquette concernant le travail de la HAS : la certification des établissements de santé, et l’évaluation des structures sociales et médico-sociales. « La certification des 2400 établissements de santé, assurée par 900 experts visiteurs, doit avoir lieu tous les quatre ans, et le référentiel sur lequel nous nous basons date de mars 2022, a rapporté Lionel Collet. Cependant, en janvier 2024, nous allons ajouter des critères numériques. » Depuis bientôt deux ans, environ 1 000 décisions ont été prises. Ainsi, 85 % des établissements de santé ont été certifiés, dont 15 % avec la mention « Haute qualité des soins ». Parmi les 15 % d'établissements restants, 13 % ont été certifiés sous conditions. « Ils disposent désormais d’une année pour corriger les points identifiés n’ayant pas permis la certification », a précisé Lionel Collet. Enfin, 2 % des établissements n’ont pas été certifiés. Mais la HAS ne détenant pas de pouvoir de sanction, elle ne peut que transmettre ses conclusions au directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) chargé de décider des suites à donner.

Ce rôle de certification attribué à la HAS a conduit l’instance à émettre un souhait dans le cadre de l’examen du PLFSS pour 2024 : « Actuellement, des réflexions sont en cours pour faire évoluer le financement des établissements de santé, a rappelé Lionel Collet. Nous aimerions que l’éligibilité des structures à la dotation liée à l’Incitation financière à la qualité (IFAQ) ne concerne que les établissements certifiés. »

Quant aux établissements sociaux et médico-sociaux, ils doivent être évalués tous les cinq ans. « Ils sont 40 000, nous ne pouvons donc pas assurer cette mission directement », a indiqué le Pr Collet. C’est le Comité français d’accréditation (Cofrac) qui accrédite les organismes chargés de l’évaluation selon un référentiel.

L’accès à l’innovation

Enfin, la HAS participe directement à l’accès des usagers du système de santé, à l’innovation dans le domaine du médicament et des dispositifs médicaux. Depuis 2021, elle prend part aux décisions concernant l’accès précoce à certaines molécules. Ce dispositif permet à des patients en impasse thérapeutique de bénéficier, à titre exceptionnel et temporaire, de certains médicaments jusqu’alors non autorisés dans une indication thérapeutique précise. Il repose sur quatre critères : la maladie doit être considérée comme grave, rare ou invalidante ; il n’existe pas de traitement approprié ; le traitement ne doit pas pouvoir être différé ; le médicament doit être présumé innovant. « Parmi les 200 médicaments pour lesquels nous avons reçu une demande d’accès précoce, 80 % ont été acceptés, permettant à environ 100 000 personnes d’en disposer », s’est félicité Lionel Collet, précisant que l’évaluation de la HAS doit être effectuée dans les trois mois suivant la demande. Les 20 % restants ne répondaient pas aux critères. La HAS assure également l’évaluation des dispositifs médicaux utilisés par les patients et les professionnels de santé.

En 2024, la HAS célébrera ses 20 ans. Il s’agit également de l’année où se terminera son projet stratégique en cours (2019-2024), avant l’élaboration du prochain, déterminant les axes de travail de l’instance pour les années à venir.

Les recommandations vaccinales

La HAS est chargée des recommandations vaccinales selon le respect d’une méthodologie « très stricte » imposant le respect de délais allant de neuf à douze mois. Au cours des douze prochains mois, des recommandations devraient être publiées concernant le Virus respiratoire syncytial (VRS, responsable de la bronchiolite) chez l’enfant et l’adulte, les méningocoques, la dengue ou encore le zona.

Et la place des usagers ?

Les usagers du système de santé ont toute leur place au sein de la HAS. En 2008, l’instance a élaboré un cadre de coopération visant à organiser ses relations avec les associations de patients et d’usagers. Celui-ci pose le principe d’une égalité de traitement entre les professionnels et les usagers impliqués dans les travaux de la HAS, reconnaissant à ces derniers un statut d'expert à l’occasion de leur participation. Depuis 2015, les usagers font également partie de la commission de la transparence de la HAS, chargée d’évaluer les médicaments ayant obtenu leur autorisation de mise sur le marché (AMM), lorsque le laboratoire qui les commercialise souhaite leur inscription sur la liste des médicaments remboursables. « Aujourd’hui, nous souhaitons aller au-delà et nous avons d’ailleurs créé en 2019 un conseil pour l’engagement des usagers », a fait savoir Lionel Collet. Ce groupe d'appui et de ressources éclaire les travaux de l'institution. Il est conçu comme un lieu de réflexion et d’échange rassemblant diverses expertises, afin de promouvoir l’engagement des patients et des personnes accompagnées au sein du système de santé, sanitaire, médico-social et social.