La pratique avancée, une piste pour la prise en charge de la douleur ? - Objectif Soins & Management n° 0285 du 10/02/2022 | Espace Infirmier
 

OBJECTIF SOINS n° 0285 du 10/02/2022

 

Interview

ACTUALITÉS

Anne Lise Favier

  

Si l’engagement des pouvoirs publics envers la prise en charge de la douleur semblait s’être essoufflée ces dernières années, il se pourrait que de nouvelles mesures voient le jour prochainement.

Un dernier plan Douleur qui date d’il y a douze ans (le dernier plan quinquennal courait de 2006 à 2010), un programme d’actions Douleur tué dans l’œuf (pour la période 2013-2017) : la douleur semblait être une thématique abandonnée par le ministère de la Santé depuis quelques années. Sur le terrain, les professionnels n’ont cessé de se battre pour la prise en charge des malades, mais l’absence de volonté politique a fini par fragiliser les structures douleur, d’autant plus que la crise sanitaire a bouleversé le quotidien des malades les plus fragiles. La Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD), avec douze autres organisations et sociétés savantes, a rendu un rapport fin 2020 pour améliorer la prise en charge. Parmi les 22 propositions énoncées figurait la reconnaissance d’une pratique avancée (PA) dans l’exercice de l’infirmière douleur au sein des structures “douleur chronique”. « C’est un sujet qui a été relancé en fin d’année dernière lors du congrès de la SFETD qui a eu lieu à Montpellier »*, déclare Karine Constans, infirmière consultation douleur, membre du CA de la SFETD et responsable de la commission professionnelle infirmière.

Un nouveau chantier, trois priorités

Pour l’occasion, trois priorités ont été retenues : le parcours de soins, la formation et la prise en charge du public vulnérable. « Nous souhaitons pérenniser les structures douleur chronique pour une meilleure prise en charge du patient douloureux chronique et renforcer la collaboration ville-hôpital. L’évaluation de la douleur doit devenir systématique et conduire à une amélioration de l’accès aux soins, avec une collaboration entre les professionnels de santé, le secteur médico-social et les structures douleur chronique. Sur le volet thérapeutique, il y a un travail à mener sur la promotion du bon usage des médicaments anti-douleur notamment les opioïdes » (cf.encadré).

Le sujet pourrait évoluer notamment sur le plan de la formation et de la prise en compte des spécificités professionnelles : « reconnaître les médecins de la douleur, qui ont suivi des formations spécialisées transversales et favoriser la pratique avancée aux infirmiers douleur », énonce Karine Constans.

Vers une IPA douleur

Au sujet de la pratique avancée, la commission professionnelle infirmière douleur a développé tout un argumentaire pour valoriser son intérêt : si les infirmières ressource douleur (IRD) existent depuis de nombreuses années, elles ne sont néanmoins pas valorisées à la hauteur de leurs compétences. Pourtant, d’après la SFETD, une grande partie des activités des IRD s’apparente déjà aux activités des IPA, sauf sur le volet de la prescription. Pour la SFETD, il semble aisé d’envisager le développement d’une IPA douleur. « C’est d’ailleurs notre prochain travail : proposer une maquette de formation spécifique aux infirmiers douleur et lancer une expérimentation », ajoute Karine Constans, qui dévoile que la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) serait désormais moins fermée sur le sujet, depuis la sortie du dernier rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur les IPA, globalement favorable au développement des pratiques avancées. L’IPA douleur pourrait bien être la prochaine spécialité à voir le jour dès 2025 avec une mise en place de la formation dès l’an prochain. À suivre, comme l’éclosion d’un nouveau plan Douleur fermement attendu par les professionnels.

Focus sur les opioïdes

Outre-Atlantique, les opioïdes font régulièrement les gros titres avec une situation totalement hors de contrôle : deux millions de personnes seraient dépendantes à ces substances et le pays aurait déploré 100 000 décès entre avril 2020 et avril 2021, d’après le Centre américain de contrôle et de prévention des maladies. En France, du fait d’une réglementation stricte de la prescription des opioïdes, la situation n’a rien d’aussi alarmant, mais les autorités sanitaires veillent. Ainsi, l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) a observé en 2019 une augmentation du mésusage des antalgiques opioïdes, avec une hausse du nombre d’hospitalisations et de décès liés à leur utilisation (40 hospitalisations/million d’habitants en 2017 et 4 décès par semaine). Une situation qui inquiète la SFETD, estimant qu’il serait « regrettable que la prise en charge de la douleur recule dans notre pays alors que les opioïdes ont un intérêt majeur et incontestable dans cette prise en charge ». Elle attend la sortie très prochaine d’un rapport de la Haute Autorité de santé qui devrait publier, à la demande de la Direction générale de la santé, un ensemble de recommandations sur le bon usage de ces substances.